India · 3 octobre 2019 · 7 min
Le Programme de préparation des enseignants (TPP) est l’une des initiatives phares de formation des enseignants des Académies Aga Khan. Dans cette entrevue menée par Kamini Menon à l’Académie Aga Khan de Hyderabad, Afeera Maryam, qui participe actuellement au TPP, évoque les aspects uniques du programme et l’expérience qu’elle en tire.
Pourriez-vous nous parler rapidement de votre parcours ?
Je participe actuellement au Programme de préparation des enseignants de l’Académie de Hyderabad. Je suis enseignante depuis cinq ans et, auparavant, je travaillais dans une école de Teach for India à Delhi, où j’enseignais à 48 merveilleuses jeunes filles. Lorsque ma bourse avec Teach for India a pris fin, j’ai cherché à intégrer l’Académie, et me voilà.
Qu’est-ce qui vous a poussée et donné envie de rejoindre l’Académie ?
Lors de ma précédente expérience avec Teach for India, je me suis rendu compte que je souhaitais être plus que simplement enseignante. À la fin de ma bourse, j’étais donc à la recherche d'une option correspondant à cet état d’esprit ou partageant des valeurs similaires. Lorsque j’en ai appris davantage sur le programme des Académies, sa vision m’a vraiment intéressée, notamment toute la politique d'inclusion autour de laquelle il gravite : donner une chance à tous les élèves, quel que soit leur milieu d’origine, et s’assurer que nous leur transmettons cette valeur d’excellence en éducation. C’est quelque chose qui m’a réellement inspirée, c’est pourquoi j’ai décidé de rejoindre l’Académie.
Parlez-nous un peu du Programme de préparation des enseignants. Où en êtes-vous ?
Le Programme de préparation des enseignants est une initiative lancée par les Académies Aga Khan afin de renforcer le nombre d’enseignants locaux aptes à devenir des professionnels de l’éducation du Baccalauréat International (IB). C'est une très bonne initiative. J’ai intégré le Programme il y a maintenant huit mois. J’enseigne en classe, j’effectue des recherches et fais de nombreuses autres choses en parallèle. Je suis supervisée par des experts et améliore mes méthodes pédagogiques jour après jour.
Pouvez-vous décrire la structure du TPP ? Comment est-il organisé et qu'implique-t-il ?
Il s’agit d'un programme intensif de 18 mois qui fonctionne par étapes. Au cours de la première étape, nous étions en classe, en binôme avec un tuteur, et enseignions 20 % du temps. Maintenant, la deuxième étape est lancée, et je consacre 50% de mon temps à l’enseignement en classe. Toutefois, je me permets d’ajouter que l’enseignement n’est pas une fin en soi. Nous devons aussi écrire un rapport de recherche-action, qui est un élément crucial dans l’ensemble du programme. Les sessions d’apprentissage centrées sur la résolution de problèmes sont également importantes dans le programme, car elles constituent un excellent moyen d’apprendre qui l’on est en tant que personne et pas simplement à titre d’enseignant. Dans le cadre de ces sessions, nous nous rassemblons trois fois par semaine et partageons tous nos résultats de recherche, et progressons ainsi vers notre prochain objectif d’apprentissage. Nous faisons cela en groupe, puis nous y réfléchissons individuellement avant de l’appliquer en classe en parallèle.
Pouvez-vous mentionner deux aspects du programme qui sont selon vous particulièrement uniques ou utiles ?
À mes yeux, la partie la plus intéressante est l’apprentissage centré sur la résolution de problèmes. Il faut beaucoup de patience pour aborder un problème d'un point de vue plus large. Pour cette unité, un ensemble de problèmes nous est fourni. Nous devons ensuite déterminer nos objectifs d’apprentissage, et l’ensemble du groupe effectue des recherches en fonction de ces différents objectifs. Cela nous responsabilise réellement et améliore également nos capacités de recherche. En parallèle, cela nous apprend à collaborer avec les autres membres du groupe. Une autre partie qui est selon moi très intéressante, mais aussi difficile, est l’écriture du rapport de recherche-action. En effet, la recherche n’est pas le seul aspect en jeu ici ; la partie action est même la plus compliquée, car nous devons porter un regard critique sur notre propre pratique. Par exemple, je travaille sur la recherche en ce moment, mais je ne me contente pas de faire simplement de la recherche. Je dois me poser des questions telles que « pourquoi faire des recherches dans une classe de l’IB », ou « pourquoi même penser à ces grandes théories » ? Cela m’a permis de développer mes capacités de réflexion et m’a rendue plus consciencieuse dans mon travail. En parallèle, si et quand j’échoue, il n’y a pas de mal à demander conseil et à aller voir avec ma tutrice pourquoi ma méthode n’a pas marché dans une classe. La recherche centrée sur la résolution de problèmes et la recherche-action sont les deux aspects du programme qui font de moi une meilleure enseignante.
Quelques mots à propos du modèle de tutorat mis en place au sein du TPP ?
Notre tutrice, Sandra, est une très grande enseignante originaire de l’Ontario. Elle a rendu le programme plus efficace et lui a donné plus de structure et de profondeur. Malgré son expérience, il n’est pas intimidant de travailler auprès d’elle. Elle est certes une experte qui a d'immenses connaissances, mais elle nous donne également la chance de véritablement nous appliquer. Elle est ma tutrice dès que je travaille en classe. Elle me fait constamment des retours sur mes méthodes pédagogiques et sur mon rapport de recherche-action. Même lors des sessions intensives d’apprentissage centrées sur la résolution de problèmes, où il est possible que nous nous éloignions quelque peu du sujet, Sandra est toujours là pour nous pousser dans la bonne direction afin que nous arrivions à une conclusion.
Comment vous et vos collègues du TPP travaillez et collaborez ?
Nous constituons un groupe très diversifié. Avoir l’occasion d’être avec eux a fait de moi une meilleure enseignante à bien des égards. Il n’est parfois pas facile d’admettre qu’on ne connaît pas quelque chose, mais j’ai eu l’occasion d’apprendre beaucoup auprès de ces personnes, car leurs expériences, nos échanges et l’aide que nous nous apportons les uns les autres sont formidables. Nous collaborons également en dehors de la classe. Par exemple, si j’ai un doute ou que je rencontre des difficultés à accomplir quelque chose, je demande de l’aide à l’un de mes collègues. Ils sont toujours là pour moi. Nous nous poussons vraiment les uns les autres à réfléchir et à nous poser les bonnes questions.
Pouvez-vous nous en dire un peu plus à propos du processus de réflexion établi au sein de votre groupe du TPP ?
À nos yeux, la réflexion nécessite que nous nous montrions vulnérables devant l’ensemble du groupe. Ce n’est pas simple, c’est même très difficile. Toutefois, nous nous appliquons réellement tout au long de la phase et n’agissons pas de manière superficielle. Au cours de ce processus, nous devons partager nos réflexions avec l’ensemble du groupe, et les membres, sachant et comprenant qui nous sommes, nous font un retour adapté. Nous sommes encouragés à orienter notre réflexion dans certaines directions, et nos tuteurs nous forcent à réfléchir à la façon dont nous pensons : c’est la phase de métacognition. L’idée générale d’apprendre auprès de quelqu’un d’autre repose sur le fait que nous devons nous rendre vulnérables et parfois même échouer et admettre que nous avons échoué. Lorsqu’on intègre cette expérience dans notre réflexion, cela fait de nous de meilleurs enseignants. Et certainement de meilleures personnes.
Comment pensez-vous que le TPP a fait de vous une meilleure personne dans les faits ?
La façon dont le TPP est conçu, le fait de devenir une enseignante réfléchie, c’est l'objectif ! Lorsque nous enseignons au sein d'une salle de classe, nous savons qu’il ne s’agit pas uniquement d’un espace physique, mais de bien plus que cela. Nous ne pouvons enseigner dans l’isolement, nous devons collaborer avec les autres, leur demander de l’aide. À terme, nous devenons réellement de meilleurs enseignants. C’est un processus rigoureux, intense et réflexif. Mais au bout du compte, l’objectif est que nous devenions les enseignants que nous voulons être, des enseignants efficaces.
Pouvez-vous nous donner un exemple de la façon dont vous avez appliqué vos enseignements du TPP dans le contexte d'une classe ?
Actuellement, je suis en phase de recherche-action, et une grande partie de ce processus repose sur l’apprentissage centré sur la recherche en salle de classe. J’enseigne à des élèves de sixième, et nous travaillons sur le thème « vivaient-ils comme nous ? ». Cela traite principalement des civilisations et de la façon dont les peuples ont vécu et interagi avec leur environnement. J’ai appliqué en classe tous les résultats des recherches que j’ai effectuées au cours des sessions d’apprentissage centrées sur la résolution de problèmes et de la rédaction de mon rapport de recherche-action. J’ai créé un plan de cours, sur lequel mes tuteurs m’ont fait des retours. Cela m’a donné l’occasion de réfléchir à ma propre pratique : j’ai parfois tendance à aller un peu trop loin et je devais donc savoir si ce plan serait efficace. C’est comme cela que l’on devient un meilleur enseignant.
Voudriez-vous ajouter une dernière chose à propos du TPP ?
Je dirais qu’il est nécessaire d’être très ouvert d’esprit pour prendre part à ce processus. Ce n’est pas simple de suivre une formation de 18 mois. Il est possible de se sentir intimidé par les autres, ou d’avoir l’impression que notre expérience antérieure n’a pas d'importance. Mais là n’est pas la question. Le but est de devenir un meilleur enseignant. Si c’est l'objectif que l’on se fixe, alors ce programme est fait pour nous. Le TPP est un programme rigoureux, mais merveilleux. Au final, tout dépend de nous, de ce que nous voulons tirer de toute cette expérience. Et il y a beaucoup à apprendre si l’on est réellement enclin à explorer de nouveaux horizons.
Cette entrevue est à l’origine parue sur le site internet des Académies Aga Khan .