Indisponible · 17 novembre 2025 · 4 min
Par Matt Reeves, directeur monde des programmes de la société civile, Fondation Aga Khan
Comment les agences de développement peuvent-elles optimiser des ressources limitées ?
L’année 2025 a marqué un tournant radical pour les acteurs du secteur de l’aide internationale. Partout, les financements diminuent : l’Allemagne, la Belgique, les États-Unis, la France, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la Suède et la Suisse ont tous annoncé des réductions dans leurs budgets d’aide au développement, menaçant jusqu’à 60 milliards de dollars d’aide publique au développement (APD), soit près d’un quart du budget de 2023, à l’échelle mondiale. Différentes raisons sont avancées pour justifier ces coupes. Parfois financières, parfois idéologiques, toutes ont été rendues politiquement possibles par une idée fausse, largement répandue, selon laquelle l’aide internationale serait inefficace et que l’argent investi serait gaspillé.
Pourtant, l’aide internationale est loin d’être inefficace. Les données, comme notre expérience, prouvent le contraire. Soutenir les organisations communautaires est l’un des meilleurs moyens de garantir que chaque dollar des programmes d’aide soit utilisé à bon escient. Lorsque les communautés locales se mobilisent pour piloter leur propre développement, elles peuvent engendrer des améliorations significatives dans leurs conditions de vie, et ce de manière économique, équitable et durable.
À l’heure où les budgets d’aide internationale diminuent, si les communautés savent ce dont elles ont besoin, pourquoi ne leur faisons-nous pas confiance pour prendre les rênes des opérations ?
Matt Reeves, directeur monde des programmes de la société civile, Fondation Aga Khan
Alors que les financements diminuent, des choix difficiles doivent être faits. Un nombre croissant de données plaide en faveur d’investissements sur le long terme dans les secteurs de la santé, de l’éducation et du renforcement des moyens de subsistance, mis en œuvre par et pour les communautés, avec l’appui des autorités locales et d’acteurs privés. Lorsque les communautés pilotent les initiatives, les résultats en matière de développement sont plus probants, plus équitables et plus durables.
Le BRAC est un exemple d’organisation qui place les populations « au centre » du processus décisionnel, explique Kam Morshed, l’un de ses administrateurs. Son programme « Ultra-Poor Graduation » a permis à 14 millions de personnes au Bangladesh de sortir de l’extrême pauvreté par la mise en place d’actifs, de formations et d’un accompagnement personnalisé vers l’inclusion sociale. Des études indépendantes menées par l’Université d’Oxford et la London School of Economics confirment l’efficacité d’une telle approche.
La Fondation Aga Khan (AKF) soutient des initiatives locales de développement qui ont fait leurs preuves en Afrique, en Asie et au Moyen-Orient. Par exemple, depuis plus de 40 ans, le Programme Aga Khan de soutien rural (AKRSP) au Pakistan contribue à la création d’organisations villageoises au sein desquelles les communautés définissent elles-mêmes leurs besoins prioritaires, comme de meilleurs systèmes d’irrigation, des écoles ou encore une clinique. Selon une évaluation de la Banque mondiale, les revenus moyens des ménages ont plus que doublé au cours des 18 premières années du programme.
Le développement communautaire repose avant tout sur les notions de confiance et de relations humaines. « Ce qui le distingue des autres formes de développement », explique Gunjan Veda du Mouvement pour le développement mené par la communauté, « c’est la question du pouvoir, celui de décider, de mettre en œuvre, de transformer et de s’adapter. Et dans les modèles communautaires, ce pouvoir appartient à la communauté. » On assiste au progrès lorsque les personnes sont liées par la confiance et par une responsabilité commune qui n’est pas imposée par des institutions lointaines, mais par leurs voisins, leurs familles et des valeurs partagées. Si les acteurs locaux ne répondent pas aux besoins de leur communauté, ils risquent de perdre leur position sociale.
L’argument en faveur du développement communautaire ne repose pas uniquement sur de meilleurs résultats. Il se traduit également par une utilisation plus réfléchie des ressources. « Nous parlons d’une baisse de l’APD, mais en réalité, les ressources les plus importantes ont toujours été au sein des communautés, les ressources les plus précieuses étant les membres des communautés eux-mêmes », souligne Gunjan Veda.
Gunjan Veda, Mouvement pour le développement mené par la communauté
Soutenir les objectifs de développement à l’échelle locale n’est pas seulement la bonne chose à faire ; c’est un processus qui profite également aux bailleurs internationaux. Au Ghana, des communautés éduquées constituent un rempart contre la criminalité susceptible de fragiliser les chaînes d’approvisionnement internationales. En Syrie, des agriculteurs prospères résistent davantage aux campagnes de recrutement par des groupes extrémistes violents. Le développement rend le monde plus sécuritaire et plus prospère.
Dans les mois à venir, au lieu de camper sur des positions à court terme, les décideurs devraient se concentrer sur la manière de faire mieux avec moins, et choisir de faire confiance aux personnes les plus proches des enjeux et des solutions. Investir dans le développement communautaire, qui améliore les conditions de vie tout en engendrant prospérité et capital politique, doit devenir une priorité. À une période d’austérité de l’aide internationale, la confiance est le capital de demain.
Matt Reeves, directeur monde des programmes de la société civile, Fondation Aga Khan

Matt Reeves
Matt Reeves supervise le portefeuille des programmes de la société civile de la Fondation Aga Khan. Ce faisant, il veille à l’orientation stratégique, aux objectifs et à la finalité des actions menées en matière de renforcement organisationnel, de développement communautaire et de philanthropie locale. Il fait l’intermédiaire entre les institutions et programmes du Réseau Aga Khan de développement (AKDN), ainsi qu’entre les gouvernements, les acteurs philanthropiques et d’autres partenaires. Il apporte un soutien régulier aux équipes qui travaillent sur le terrain, pilote la conception des programmes et supervise la mobilisation de ressources. Matt Reeves coordonne également et soutient la communauté mondiale de pratique en matière de société civile de l’AKF.