Kenya · 23 janvier 2024 · 5 min
C’est lors de ses années passées à l’Académie Aga Khan de Mombasa que Ham Serunjogi, membre de la promotion de 2012 et PDG et cofondateur de Chipper Cash, géant africain de la fintech, a compris qu'il était important qu’il reste connecté à quelque chose de plus grand que lui et qu’il redonne à la société. C’est cet état d’esprit qui l’a mené sur la route de son incroyable succès. Après avoir figuré sur la liste « Forbes 30 Under 30 » en 2023, il a récemment intégré le Conseil consultatif du président sur l'engagement de la diaspora africaine aux États-Unis.
« Le programme résidentiel y est pour beaucoup », explique Ham. « Mes colocataires et assistants d’éducation ont joué un rôle central dans l’expérience que j’ai tirée de mes années passées à l’Académie. Ils sont pratiquement devenus des membres de ma famille. »
Originaire d’Ouganda, Ham a suivi le programme résidentiel de l’Académie Aga Khan de Mombasa, dans le cadre duquel des élèves de la 6e à la terminale du monde entier vivent sur le campus, prennent part à différentes activités et développent leurs compétences en leadership.
« J’avais tout un groupe d’amis à mon étage, et les relations que nous avons tissées au fil des années me sont aujourd’hui très chères », poursuit-il.
Pour Ham, M. Bardai, son assistant d’éducation, a largement contribué à faire de son temps à l’Académie une formidable expérience.
« M. Bardai était tout simplement le meilleur. Il veillait toujours sur moi », explique-t-il. « Nous sommes aujourd'hui toujours très proches. »
Outre ses assistants d’éducation, Ham garde un excellent souvenir de ses enseignants, à l’image de M. Kassam, enseignant d'anglais, qui intégrait à ses cours des repas tels qu’ils étaient décrits dans les livres que les élèves lisaient en classe. Ce genre de projet encourageait les enfants à apporter leurs propres plats à l’occasion d’un repas-partage.
« On s’amusait beaucoup en classe avec M. Kassam. »
Ham se rappelle également son rôle de président du conseil des représentants des élèves de l'Académie, dans le cadre duquel il supervisait les élèves de secondaire et travaillait en étroite collaboration avec ses camarades et enseignants.
« Dans leur ensemble, les Académies Aga Khan ont pour but de transmettre, au travers de leurs programmes éducatifs, l’idée qu’elles sont là pour donner naissance à des leaders d’envergure internationale capables de revenir dans leurs pays d’origine et de contribuer au développement de leurs communautés respectives », explique-t-il. « On nous encourage très vivement à réfléchir à la manière dont nous pouvons devenir des contributeurs ayant un impact positif net sur la société, et c’est quelque chose qui m’a marqué. »
« Je repense souvent à la façon dont l’Académie faisait en sorte que nous restions connectés à nos communautés au travers des événements que nous organisions en dehors des cours avec d’autres personnes. C’était et ça reste un rappel important indiquant qu'il ne faut pas s’isoler du reste du monde et rester dans un groupe minoritaire de personnes privilégiées ou avec des personnes qui ne sont elles-mêmes pas connectées à quelque chose de plus grand », explique-t-il.
« C’est un concept qui, déjà à l’époque, faisait écho à mes propres valeurs. »
De Kampala à Mombasa, jusqu’en Iowa
Après avoir obtenu son diplôme du Baccalauréat International (IB) à l’Académie, Ham a changé de continent pour aller s’installer dans l’Iowa, aux États-Unis, pour étudier l’économie dans le prestigieux Grinnell College.
Même si le changement semble drastique, il était prêt pour cette nouvelle aventure. Selon lui, quitter sa ville natale de Kampala, en Ouganda, pour l’Académie de Mombasa, au Kenya, lui avait déjà donné un aperçu de ce qu’implique le fait d'emménager dans un nouveau pays.
« [Lorsque j’étais à l’Académie] c’était la première fois de ma vie que je vivais loin de chez moi », explique-t-il. « C’était comme une période d’essai avant d’aller plus loin. »
« J’étais enthousiaste à l'idée d’aller à Grinnell, dans l’Iowa, en raison de plein de détails, petits et grands, comme voir la neige pour la première fois », se souvient-il. « Le simple fait de me retrouver plongé dans un nouvel environnement, dans une nouvelle culture et dans un nouveau groupe de personnes était exaltant. »
Création de Chipper Cash
Après avoir obtenu son diplôme à Grinnell et travaillé pendant deux ans chez Meta (anciennement Facebook), Ham a passé une étape charnière. En 2018, lui et Maijid Moujaled ont cofondé Chipper Cash, une société de technologie financière (fintech) offrant plusieurs produits et services à destination du marché africain : paiements locaux et transfrontaliers, édition de cartes de paiement, acquisition d’actions, recharge mobile (temps de communication et données) et règlement de factures.
« Je voulais avoir un impact positif sur ma communauté avec ce que je connais le mieux », explique Ham. « Je voulais créer une solution susceptible de résoudre un problème pour beaucoup d’Ougandais. »
Ham a rencontré Maijid à Grinnell. Lui aussi voulait créer une solution similaire pour les habitants du Ghana, son pays d’origine.
« Mettre en commun nos idées s’est fait naturellement, car nous voulions tous les deux créer une entreprise pour répondre à certaines questions : qu’est-ce qui doit être fait et où ? »
Chipper Cash compte aujourd'hui plus de cinq millions de clients dans des pays tels que le Nigeria, le Rwanda, le Ghana, l’Ouganda et les États-Unis. La start-up a fait l’objet de plusieurs articles dans des revues internationales spécialisées dans la finance et de reportages sur des chaînes telles que la BBC, la CNN, Quartz, Apple et Forbes. Ham a également figuré sur la liste Forbes 30 Under 30 de 2023.
Arrivée au Conseil consultatif du président sur l'engagement de la diaspora africaine aux États-Unis
En septembre 2023, Ham a été nommé membre du premier Conseil consultatif du président sur l'engagement de la diaspora africaine aux États-Unis. Cet organe consultatif est chargé de conseiller le président américain sur plusieurs questions, notamment le renforcement des relations entre l’Afrique et les États-Unis, la valorisation du commerce et des investissements et la mise en place de programmes d’échange pédagogique.
« Tous les jours, je me pince pour m’assurer que je ne suis pas en train de rêver », plaisante-t-il. « Si on m’avait un jour dit que j’allais devenir conseiller auprès du président des États-Unis, je ne l’aurais jamais cru. »
Ham nous explique ce qui l’enthousiasme le plus dans son nouveau rôle.
« En premier lieu, j’ai l’occasion unique de travailler avec un groupe de personnes toutes aussi incroyables les unes que les autres. En deuxième lieu, je suis heureux de représenter l’Afrique, le continent qui connaît aujourd’hui la plus forte croissance et qui entretient déjà de solides relations avec les États-Unis. Notre objectif sera de conseiller le président dans l’élaboration de sa politique à cet égard et de contribuer à renforcer les relations et les investissements entre les États-Unis et l’Afrique. »
« Cette politique concerne des milliards de personnes. Si nous faisons notre travail correctement, nous aurons un impact positif sur le monde. Si c’est tout ce que je fais dans ma vie, je serai très heureux. »
Redonner à l’Académie
Ham s’estime chanceux d’avoir l’occasion de redonner à l’institution où tout a commencé pour lui. Aujourd'hui, il apporte régulièrement son soutien à l’Académie Aga Khan de Mombasa, que ce soit en venant s’adresser aux élèves, en créant du contenu promotionnel, dont des vidéos, ou en faisant des dons à destination des élèves actuels et futurs.
« C’est un lieu cher à mon cœur », explique Ham. « J’ai eu la chance de prononcer le discours d’honneur de la cérémonie de remise des diplômes de 2021. J’avais décidé de parler de la concrétisation des perspectives qui se sont ouvertes à moi pendant les années que j’y ai passées et de la meilleure façon de redonner à l’Académie : prendre soin de notre monde. »