Tajikistan · 12 janvier 2021 · 4 min
Alors qu’elle entamait sa deuxième année sur le campus de l’Université d’Asie centrale (UCA) à Khorog, au Tadjikistan, Hangoma Kokulova a vu la situation prendre très rapidement une tournure inhabituelle.
À l’instar de nombreuses universités autour du monde, l’Université d’Asie centrale s’est vue contrainte d’écourter le semestre en cours et de renvoyer ses étudiants chez eux lorsque l’état de pandémie de COVID-19 a été déclaré par l’OMS.
Heureusement, aucun cas positif n’avait été déclaré sur le campus, et les enseignants avaient déjà couvert la majorité de leur programme pour le semestre. Avec l’arrivée de l’été, les étudiants, les membres du personnel et les professeurs de l’institution ont commencé à se préparer à faire face à un nouveau défi : l’enseignement à distance.
Apprendre pour susciter le changement
Enfant de Khorog, Hangoma a toute sa vie été témoin des vulnérabilités de la région, notamment de la pauvreté, de l’isolement et des effets du changement climatique. Elle espère contribuer un jour à résoudre ces problèmes locaux, notamment sur le plan environnemental.
« S’il n’y a pas une inondation, il y a un séisme. S’il n’y a pas un séisme, il y a une coulée de boue. Et si ce n’est pas ça, c’est autre chose », déclare-t-elle. « Je sais que le Réseau Aga Khan de développement (AKDN) travaille sur le sujet, et je veux faire partie de cette initiative. »
« Hangoma est très enthousiaste à l’idée de contribuer à améliorer la qualité de vie à Khorog, sa ville natale », explique le Dr Murodbek Laldjebaev, professeur adjoint dans la licence en sciences de la terre et de l’environnement de l’UCA.
Le Dr Laldjebaev a organisé un projet avec ses étudiants afin de mieux comprendre la gestion des déchets sur le campus de l’UCA, et Hangoma s’est portée volontaire pour en diriger l’étape la plus difficile - la création d’un inventaire des déchets produits par la cantine. Le travail de Hangoma et de ses camarades a servi de base à un rapport que le Dr Laldjebaev a soumis à l’administration du campus de l’UCA, ce qui a permis d’ouvrir le débat sur la gestion des déchets sur le campus.
« Ce n’est que l’un des exemples qui montrent à quel point Hangoma est déterminée à faire changer les choses autour d’elle », déclare-t-il. « En la voyant assumer avec autant d’aplomb des tâches délicates, on ne peut que constater son souci du devoir, son courage et sa persévérance. »
Un nouveau défi
Aujourd’hui en troisième année, Hangoma doit s’adapter à l’enseignement à distance. Elle se languit de la vie sur le campus, de ses amis et du fait de pouvoir communiquer en personne avec ses professeurs. Étant étudiante en sciences de la terre et de l’environnement, elle est habituellement amenée à travailler en laboratoire et sur le terrain, deux tâches qu’elle apprécie particulièrement, mais qui sont malheureusement impossibles à mettre en place dans un contexte d’enseignement à distance.
Toutefois, elle constate que cette nouvelle situation l’aide à mûrir et à devenir plus responsable et flexible. Cela lui permet également de mieux partager son temps entre ses cours et les tâches qu’elle doit assumer chez elle, notamment faire la cuisine et la vaisselle pour les quatre autres membres de sa famille. Malgré la situation, elle reste positive et est impatiente d’être de retour sur le campus animé de l’UCA.
Before COVID-19: UCA students gather together to receive hands-on instruction in the lab.
AKDN / Christopher Wilton-Steer
« Les cours en ligne ont un avantage », confie-t-elle. « Lorsqu’on manque certaines informations, on a toujours la possibilité de revoir l’enregistrement du cours. »
Le Dr Mohssen Moazzen, directeur du département sciences de la terre et de l’environnement de l’UCA, comprend bien pourquoi ce sont les composantes interactives de ses études qui manquent le plus à Hangoma. Pour sa part, il donne des cours sur les géomatériaux et la formation des chaînes de montagnes dans le cadre géologique fascinant des montagnes du Pamir.
Ce semestre, lui et ses collègues organisent des visites de terrain et des laboratoires virtuels pour les étudiants en sciences de la terre et de l’environnement. Même si ces activités en ligne ne peuvent se comparer à des cours en personne, elles aident néanmoins les étudiants à comprendre l’aspect pratique des études environnementales.
À travers toutes les institutions de l’UCA, les professeurs et les membres du personnel redoublent d’efforts pour proposer des cours en ligne intéressants et stimulants. L’Université fournit également aux étudiants qui en ont besoin des ordinateurs portables avec 30 Go d’accès à Internet par mois.
Cependant, certains d’entre eux font toujours face à des problèmes de réseau et peinent à partager leur temps entre leurs études et les tâches qu’ils doivent assumer chez eux. Afin d’aider ces derniers à continuer de travailler malgré la situation compliquée, les professeurs imaginent des solutions créatives. Par exemple, le Dr Laldjebaev facilite le travail par groupe en se connectant aux sessions en ligne avec plusieurs appareils en simultané - son téléphone, sa tablette et son ordinateur - afin de répondre aux questions de chaque groupe d’étudiants.
« Les professeurs gagnent de nouvelles connaissances en matière d’enseignement à distance », explique Kholiknazar Kuchakshoev, doyen associé de l’UCA et professeur de mathématiques. Au cours de l’été, les membres du corps enseignant ont pris part à des formations sur l’utilisation de plateformes comme Microsoft Teams et Moodle.
Le Dr Kuchakshoev fait également partie d’un groupe en ligne dans lequel les membres du personnel enseignant partagent leurs expériences afin d’améliorer les pratiques d’enseignement à distance dans tous les départements du campus. Bien qu’il soit impatient de pouvoir revoir ses étudiants en personne, il admet que la situation actuelle ouvre la voie à de nouvelles perspectives. « J’espère que nous développerons un système d’enseignement mixte à l’UCA ».
Se tourner vers l’avenir
Alors que Hangoma continue ses études à l’UCA, elle réfléchit aux problèmes locaux et globaux sur lesquels elle souhaite se pencher. Elle s’intéresse à la protection des espèces menacées, à l’amélioration de la qualité de vie des communautés reculées, mais également à l’amélioration de la gestion de l’environnement et au développement rural.
« Nous devons trouver un meilleur moyen de faire face à ces enjeux, car nous sommes en partie responsables du problème », explique-t-elle. « Nous ne pouvons pas travailler chacun de notre côté, nous devons penser aux générations futures. »
Après l’obtention de son diplôme de licence, Hangoma prévoit de faire un master. Bien que la pandémie ait chamboulé son cursus, elle se passionne toujours autant pour ses études et souhaite utiliser ses connaissances pour faire changer les choses autour d’elle.
« Mes études m’ont transformée », explique Hangoma. « Je suis à la recherche de nouveaux sujets dès que je me plonge dans la lecture »
Cette histoire est une adaptation d’une histoire publiée sur le site internet de la Fondation Aga Khan États-Unis.