Canada · 14 juillet 2021 · 5 min
Bronwen Magrath est responsable des programmes internationaux à la Fondation Aga Khan (AKF) et supervise à ce titre l’initiative Schools2030, un programme participatif de recherche-action et d’amélioration de l’apprentissage mis en œuvre dans les écoles publiques de 10 pays. Elle a auparavant été directrice des programmes pour le Groupe international des bailleurs de fonds pour l’éducation (IEFG), chercheuse à l’Université d’Oxford et à l’Université de Nottingham et consultante pour plusieurs organisations internationales. Ses recherches portent sur le rôle des organisations de la société civile dans la mise en lumière de la gouvernance et de l’éducation au niveau mondial. Elle est titulaire d’un doctorat en éducation comparée et internationale de l’Institut d’études pédagogiques de l’Ontario de l’Université de Toronto.
Depuis des décennies, l’AKF met en œuvre des programmes d’amélioration de l’apprentissage pour les écoliers du monde entier, et ce dès la maternelle. Quel a été l’élément déclencheur derrière Schools2030, et quel est le but de cette initiative ?
Bronwen Magrath.
AKDN
Dans l’éducation comme dans d’autres secteurs sociaux, la Fondation Aga Khan s’est toujours efforcée de travailler auprès des communautés. Notre force réside dans les relations de confiance solides et historiques que nous entretenons avec elles. L’initiative Schools2030 s’appuie sur cette expérience et travaille en partenariat avec les enseignants, les écoles, les autorités éducatives locales et les gouvernements des 10 pays participants afin d’améliorer l’apprentissage au niveau des écoles et des communautés.
C’est là que notre positionnement est unique à nos yeux : la plupart des initiatives internationales de réforme de l’éducation à grande échelle commencent généralement par une intervention d’amélioration des résultats d’apprentissage conçue pour une application globale. Dans le cadre de Schools2030, nous faisons l’inverse et partons de la salle de classe. Nous pensons qu’une réforme éducative ne peut avoir lieu que si elle est initiée et menée par les enseignants, les élèves et les communautés scolaires.
C’est pourquoi notre travail consiste ici à favoriser l’innovation pédagogique et l’apprentissage global directement depuis les salles de classe. Notre programme est mis en œuvre au sein de 1 000 écoles publiques de 10 pays où, au cours des 10 prochaines années, nous travaillerons auprès des enseignants, des élèves et des responsables d’établissement pour identifier les obstacles à l’éducation des écoliers concernés et élaborer des solutions pour y remédier.
Qu’entendez-vous par « apprentissage global » ? Quel type d’apprentissage et de compétences l’initiative vise à améliorer ?
Nous nous inspirons des paroles de Son Altesse l’Aga Khan, qui nous encourage à « surmonter les approches archaïques d’autrefois et à inculquer à nos élèves les trois ‘A’ de l’apprentissage moderne : esprit d’anticipation, esprit d’adaptation et esprit d’aventure ».
Nous pensons que les enfants et les jeunes apprennent mieux lorsque l’expérience d’apprentissage se révèle pertinente à leurs yeux. C’est pourquoi notre programme se concentre sur un ensemble différent de domaines inhérents à l’apprentissage global dans chacun de nos pays. Ces domaines sont déterminés par un groupe constitué d’acteurs originaires des pays concernés afin que nous puissions travailler dans le respect des priorités politiques et éducatives nationales. Au Portugal, nous travaillerons également au renforcement des relations et à l’intégration de l’éthique dans les processus décisionnels, mais également au développement de l’empathie, de la pensée critique et des compétences en résolution de problèmes, en lecture, en écriture et en calcul. Dans les 10 pays qui participent au programme, les domaines d’apprentissage retenus s’entrecoupent très souvent, mais revêtent également un caractère unique à l’échelle nationale.
Pour Schools2030, la notion d’apprentissage global invite donc à reconnaître l’interconnexion de l’apprentissage académique, physique, social et émotionnel. Notre approche de l’apprentissage global permet aux jeunes de développer les connaissances, les compétences, les comportements et les valeurs nécessaires pour interagir de manière efficace avec le monde qui les entoure et devenir des membres actifs de la société.
On retrouve au cœur de cette initiative la conviction que « les enseignants sont des concepteurs ». En quoi cela permettrait-il la création de meilleurs environnements d’apprentissage ?
Au sein de l’initiative Schools2030, nous sommes intimement convaincus que les enseignants ne sont pas seulement exécutants, mais également concepteurs, et que, chaque jour, ils créent de nouvelles expériences pour leurs élèves alors qu’ils dispensent leurs cours, évaluent leurs progrès et s’adaptent aux différents besoins et objectifs d’apprentissage de chacun. Ainsi, si on leur transmet les compétences, les outils et les méthodes de base pour qu’ils puissent concevoir de nouvelles méthodes pédagogiques, nous pouvons contribuer à développer leur travail et les aider à créer de meilleurs environnements d’apprentissage et à améliorer les résultats de leurs élèves.
Nous avons élaboré une approche de conception centrée sur la personne (HCD) spécifique à Schools2030. Pour aider les enseignants à la mettre en œuvre, nous avons conçu une boîte à outils sur mesure et les formons à l’utiliser. Toutes nos ressources liées à la conception centrée sur la personne sont disponibles librement et gratuitement sur le site schools2030.org, car l’objectif est qu’elles puissent servir aux enseignants du monde entier, même au-delà du périmètre de notre propre programme.
Les enseignants qui utilisent la boîte à outils Schools2030 vous ont-ils déjà fait des retours positifs ? Certains signes de réussite ont-ils déjà émergé ?
Après avoir passé une année entière à développer et perfectionner notre boîte à outils Schools2030, à la tester auprès de nos équipes nationales et de nos partenaires de la société civile, à la traduire et à l’adapter à chaque contexte pour qu’elle puisse être utilisée dans les dix pays participants, nous passons désormais à une étape plus ludique : présenter la boîte à outils aux enseignants et les accompagner dans la découverte de l’approche de HCD. Des premiers ateliers ont été organisés avec la majorité de nos enseignants, ce qui leur a donné l’occasion de se familiariser avec le processus de conception centrée sur la personne et de réfléchir aux questions qu’ils pourraient se poser pour améliorer l’apprentissage dans les domaines d’apprentissage global spécifiques à leurs pays.
Selon nos équipes de terrain, les enseignants plongent avec enthousiasme dans le processus de conception centrée sur la personne et travaillent ensemble pour définir les questions auxquelles ils veulent répondre et les défis qu’ils souhaitent relever. Ils semblent apprécier le fait de pouvoir travailler avec leurs collègues sur ces obstacles et d’apprendre ensemble. On nous rapporte également que la plupart des enseignants participants sont très heureux de prendre les rênes du processus d’innovation pédagogique. C’est là un élément qui nous enthousiasme particulièrement, car nous avons désormais la possibilité de déterminer les solutions les plus adaptées pour améliorer la qualité des résultats d’apprentissage de manière ascendante plutôt que descendante. Au cœur de l’approche Schools2030, on retrouve l’idée que les écoles doivent être les éléments instigateurs du changement social, et non les cibles de ce changement.
L’initiative s’intitule Schools2030. Quelles sont vos prévisions pour 2030 ? Quel impact pensez-vous que le programme Schools2030 va-t-il avoir ?
Nous pensons qu’en travaillant en partenariat avec les enseignants et les responsables d’établissement au cours des 10 prochaines années pour concevoir ensemble des innovations pédagogiques adaptées au contexte de chaque école, nous serons en mesure d’avoir un impact positif tangible sur les différents niveaux d’apprentissage global des enfants et des jeunes concernés. En parallèle, travailler en partenariat avec les gouvernements et d’autres acteurs clés de l’éducation aux niveaux national et mondial nous permettra de développer ces innovations et de prouver que les enseignants peuvent concevoir des solutions peu coûteuses, adaptées aux politiques nationales et reproductibles pour répondre aux besoins d’apprentissage global des enfants.
En 2030, la communauté internationale évaluera les progrès réalisés dans le cadre des Objectifs de développement durable, notamment l’objectif 4 : « Éducation de qualité », et s’appuiera sur ces résultats pour soutenir l’éducation au niveau mondial pour les décennies suivantes. L’objectif de l’initiative Schools2030 est de participer à cette conversation en se faisant la porte-parole des enseignants et des écoles, de proposer un plan directeur pour 2030 et au-delà et de montrer comment des changements positifs dans l’éducation auront pu être menés depuis les salles de classe.