Pakistan · 5 novembre 2025 · 6 min
Découvrez l’histoire de Sohaila Rahman, sportive, mentore et boursière Fullbright dont le parcours, qui l’a menée des vallées de montagne du nord du Pakistan aux amphithéâtres universitaires du Texas, a commencé à l’École secondaire supérieure Aga Khan de la vallée de la Hunza (AKHSS, Hunza), où elle a obtenu son diplôme en 2010.
Enfant, Sohaila passait la plupart de son temps à jouer dehors, souvent avec un ballon fait de chaussettes. « Nous n’avions pas grand-chose », se souvient-elle. « Je jouais avec ce que je trouvais. »
Mais le manque d’équipements n’était pas le seul obstacle. Pratiquer un sport revenait également à naviguer au travers de barrières culturelles. « À l’époque, il était rare de voir des jeunes filles jouer dehors », raconte-t-elle. « Je jouais principalement avec mon grand-père ou mon oncle. Ma famille était très soudée. »
Lorsque Sohaila a intégré l’AKHSS, Hunza, tout a commencé à changer, et ses jeux d’enfance se sont mués en quelque chose de plus grand. « L’école n’a pas seulement façonné mon cursus », explique-t-elle, « elle m’a aussi offert le soutien et la liberté dont j’avais besoin pour développer ma passion pour le sport. Elle m’a donné l’espace pour être moi-même et c’est là-bas que j’ai, pour la première fois, compris ce que cela fait de se tenir sur un véritable terrain de sport avec des équipements adaptés. »
À l’école, Sohaila était membre des équipes de volleyball, de cricket et de badminton, le volleyball devenant rapidement son sport préféré. « Je m’entraînais tous les jours, à l’école et avec mon oncle après les cours », se souvient-elle. Les compétitions fréquentes, interclubs et interécoles, étaient pour elle un véritable terrain d’apprentissage, et les membres du corps enseignant comptaient parmi ses premiers admirateurs.
« Ma directrice m’encourageait depuis la ligne de touche en criant : ‘Allez, Sohaila, tu peux le faire !’ », raconte-t-elle.
Cependant, c’est un souvenir particulier de cette période qui reste gravé dans sa mémoire : « Le jour de la remise des diplômes, j’ai reçu le prix de la meilleure joueuse. C’était la première fois qu’une élève recevait cette distinction. Mes parents étaient là pour la cérémonie. La fierté que j’ai vue dans leurs yeux à ce moment restera à jamais dans mon esprit. »
Au cours de son cursus à l’AKHSS, Hunza, Sohaila a compris que le sport et la vie n’étaient pas si différents. « Sur le terrain, on gagne et on perd, tout comme dans la vie », dit-elle. « Chaque défaite nous enseigne une nouvelle leçon, tout comme chaque erreur que l’on commet dans la vie nous aide à progresser. »
Pour Sohaila, le sport est synonyme d’éducation, de perspective et de vocation.
Aga Khan Schools
La confiance et la discipline qu’elle a acquises à l’AKHSS, Hunza ont permis à Sohaila de s’affirmer en tant qu’athlète. Elle a notamment représenté le Gilgit-Baltistan et d’autres régions lors de tournois provinciaux et nationaux de volleyball. Plus tard, elle s’est entraînée dans le principal camp national de volleyball du Pakistan, sous la direction d’un entraîneur iranien, auprès duquel elle a appris le travail d’équipe, la concentration et l’importance de concourir avec un objectif en tête.
Elle a fièrement représenté le Pakistan lors d’un événement multisports international à Dubaï, aux côtés d’athlètes venus du monde entier. « Représenter le Pakistan était un rêve », confie-t-elle. « Cela m’a montré les sommets qu’il est possible d’atteindre en travaillant d’arrache-pied et avec le soutien de son entourage. »
Le sport lui a également ouvert des portes hors des terrains. Sohaila a obtenu une bourse complète pour suivre un master en sciences du sport et en éducation physique et sportive à l’Université du Pendjab, à Lahore. Elle a par ailleurs remporté une médaille d’or aux Jeux interuniversitaires nationaux alors qu’elle représentait l’université.
« Le sport m’a tout offert », explique-t-elle. « Cela m’a permis d’étudier, de développer mes perspectives et de trouver ma vocation. »
Voir ses élèves jouer, gagner en confiance et être en bonne santé est ce qui compte le plus pour Sohaila (au centre, rang du haut).
Sa vie universitaire lui a révélé l’étendue des possibilités offertes aux femmes dans le sport. « Après avoir obtenu mon diplôme, je voulais que d’autres jeunes filles de la vallée de la Hunza voient, elles aussi, toutes ces possibilités », explique-t-elle.
Elle savait qu’il existait de jeunes filles comme elle, pleines de talent et de passion, mais incertaines d’avoir le droit d’avoir de tels rêves. « Je souhaite les aider à exprimer leur voix, tout comme mon école m’a aidée à trouver la mienne. »
Cette prise de conscience l’a fait revenir à l’AKHSS, Hunza, où elle est devenue professeure principale d’éducation physique et sportive. Pendant trois ans, elle a formé et encadré de jeunes filles, entraîné l’équipe de volleyball, organisé des tournois, proposé des accompagnements individuels et animé des ateliers sur la confiance en soi et le bien-être mental.
Elle a également partagé son propre parcours pour sensibiliser ses élèves. « Je leur parlais des bourses d’études disponibles pour les femmes en sciences du sport et en éducation physique et sportive », explique-t-elle. « Je voulais qu’elles voient tout ce qu’il est possible d’accomplir, que les perspectives qui se sont ouvertes à moi après mes études peuvent être les leurs aussi. » Sohaila a plus tard fondé le Himalayan Amazons Sports Club, un espace au sein duquel des femmes et des jeunes filles originaires de la vallée de la Hunza et des vallées voisines peuvent s’entraîner, concourir et se soutenir.
À la suite de cette expérience, plusieurs de ses anciennes élèves ont participé à des compétitions régionales et nationales, l’accomplissement dont elle se dit la plus fière. « Voir mes élèves concourir et s’épanouir m’a procuré une joie immense », explique-t-elle. « J’ai vu une amélioration à de nombreux égards, tant dans leur confiance en elles que dans leur santé mentale et physique. C’est ce qui comptait le plus pour moi. »
Bon nombre de ses élèves venaient de familles réticentes à l’idée de laisser leurs filles pratiquer un sport. « Au début, certains parents pensaient que le sport était une perte de temps pour les filles », se souvient-elle. « Ils me disaient : ‘À quoi bon ? Tu ne gagneras jamais ta vie de cette manière.’ Mais leur perspective a évolué lorsqu’ils ont été témoins de mes réussites : lorsque j’ai représenté le Gilgit-Baltistan et que je suis partie étudier, d’abord à Lahore, puis à l’étranger. »
Peu à peu, les mentalités ont évolué. « Aujourd’hui, ces mêmes parents encouragent leurs filles à pratiquer un sport. »
Sohaila Rahman avec les membres de la section de Dallas de la Fullbright Association.
La passion de Sohaila pour le sport et l’inclusion l’a menée bien au-delà des montagnes de la vallée de la Hunza, jusqu’au Texas. En 2021, elle a obtenu une bourse Fullbright pour étudier la kinésiologie, la promotion de la santé et les activités récréatives à l’Université du Nord du Texas.
Passer de l’environnement de sa communauté soudée de la vallée de la Hunza à celui d’une grande université américaine, diverse et cosmopolite, a été un effort d’adaptation à la fois stimulant et déroutant. « À mon arrivée ici, je n’arrivais pas à aller vers les autres », confie-t-elle. « Dans ma vallée natale, nous avons une culture résolument tournée vers le collectif. Ici, tout est plus individualiste. Il m’a fallu du temps pour m’adapter à cette configuration. »
Pour son mémoire de master, Sohaila s’est penchée sur l’expérience de jeunes femmes sud-asiatiques pratiquant un sport aux États-Unis. « Je voulais comprendre ce que vivent d’autres femmes originaires de ma région », explique-t-elle. « À mon arrivée ici, j’avais du mal à intégrer un groupe ou à parler aux autres, et je voulais savoir si d’autres personnes étaient dans une situation similaire. »
C’est dans le cadre de ce projet qu’elle a publié son premier article scientifique, qui met en lumière les obstacles et les perspectives des femmes lorsqu’elles utilisent le sport comme moyen d’intégration dans de nouvelles cultures. « Le sport aide les femmes à gagner en confiance », affirme-t-elle. « Ce n’est pas qu’une question de compétition, mais aussi d’appartenance. »
Aujourd’hui doctorante en performance humaine et sciences du mouvement à l’Université du Nord du Texas, Sohaila axe ses recherches sur l’activité physique adaptée : comment le sport et le mouvement peuvent permettre aux personnes en situation de handicap de développer leur participation civique et leur confiance.
« Les personnes en situation de handicap ne sont pas différentes de nous. Elles font partie intégrante de la société et doivent être traitées de la même façon », explique-t-elle. « Chez nous, il n’existe presque aucun équipement pour ces personnes. Je veux donc plaider en faveur de secteurs de l’éducation et du sport plus inclusifs. »
Sohaila repense souvent à l’influence déterminante de l’École secondaire supérieure Aga Khan de la vallée de la Hunza dans son parcours académique, mais aussi dans sa vocation. « Ces premières années m’ont enseigné l’humilité et la résilience », explique-t-elle. « Peu importe où me mènera la vie, je garderai toujours un lien spécial avec mon école. »
Ces enseignements continuent de guider son chemin, qu’il s’agisse d’accompagner de jeunes athlètes dans la vallée de la Hunza ou de mener des recherches sur le sport inclusif au Texas. « Développez vos compétences, gardez confiance en vous et n’oubliez jamais d’où vous venez », affirme-t-elle. « Si une jeune fille d’une petite vallée de montagne a pu aller aussi loin, vous le pouvez aussi. »
À l’avenir, Sohaila espère rentrer dans son pays natal pour appliquer ses recherches en vue de renforcer l’inclusion dans le sport et l’éducation physique et sportive, notamment pour les jeunes femmes et les personnes en situation de handicap. « Tout le monde mérite d’avoir une chance de bouger, d’apprendre et de trouver sa place », conclut-elle.