Uganda · 19 mai 2019 · 3 min
AKU
Rose Kiwanuka débordait d’enthousiasme lorsqu’elle s’est inscrite à l’École d'infirmières de Nsambya. Elle attendait ce moment avec impatience depuis l’école primaire, où elle a, pour la première fois, éprouvé de l'intérêt pour le bien-être des autres en tant que préfète de la santé. Après trois mois de formation à Nsambya, elle et ses camarades ont été envoyés au sein de services hospitaliers afin de commencer à pratiquer des procédures simples comme la vérification de la température, du poids et de la tension des patients.
« J’ai vécu l’une des expériences les plus traumatisantes de ma vie alors que je venais de commencer ; j’ai dû observer un patient mourant qui n’arrivait pas à respirer. J’étais tellement paniquée que je suis sortie de la chambre. Une infirmière plus ancienne m’a suivie et m’a conseillé d’être forte », se rappelle Rose. Malgré ces débuts houleux, elle était déterminée à devenir une infirmière. En réalité, cette expérience l’a menée à se diriger vers les soins palliatifs six ans plus tard.
« Pour moi, l’une des plus grandes difficultés lorsque l’on est infirmière est que l’on ne peut pas prescrire de médicaments. Les patients me demandaient inlassablement des analgésiques, mais je ne pouvais rien faire. » À cette époque, aucune institution de formation ougandaise n’intégrait les soins palliatifs dans son programme. Rose est donc allée à Oxford, Sunderland et aux Pays-Bas afin de suivre une formation d'infirmière en soins palliatifs. Elle fut ainsi la première infirmière agréée en soins palliatifs de tout l’Ouganda.
En 2013, Rose a intégré la formation de licence en sciences infirmières de l’École d'infirmières et de sages-femmes de l’Université Aga Khan, Afrique de l’Est (AKU-SONAM EA). Elle en est sortie diplômée en 2015 avec toutes les compétences nécessaires en leadership et une bonne dose de confiance en soi. « J’avais besoin d’atteindre ce niveau pour me sentir suffisamment compétente pour pousser les responsables du Ministère de la santé et les responsables sanitaires des districts à faire progresser le programme de soins palliatifs du pays. Pour que les soins palliatifs puissent être développés correctement, je devais aller défendre cette pratique à tous les niveaux afin d’être sûre qu’une sensibilisation constante s'opérait à travers tout l’Ouganda. »
Armée de son seul courage, Rose fonda par la suite la Palliative Care Association of Uganda (Association ougandaise de soins palliatifs) alors qu’elle était encore employée. Quelques membres y avaient adhéré, mais il n’y avait aucun employé ni bureau. « J’étais l’agente d’entretien, l’assistante de direction, la comptable et la directrice nationale. Mais ce sujet me passionnait, alors j’ai continué d’écrire des rapports grâce aux compétences que j’avais acquises à l’AKU. Ces rapports ont attiré des donateurs. Aujourd'hui, l’association a son propre campus, dispose de bureaux et emploie 15 personnes. »
« Au cours des formations que je dispensais, je sensibilisais les infirmières quant au fait que les maladies comme le cancer sont partout. J’étais loin de me douter que la maladie me toucherait au plus près. » Rose a été diagnostiquée avec un cancer du côlon en 2017. « Je n’y croyais pas. Je n’arrivais pas à imaginer qu’une personne qui venait en aide aux patients vulnérables pouvait être à son tour atteinte d'un cancer. »
La nouvelle fut très dure à accepter, mais Rose pense que tout arrive pour une raison précise. Elle est heureuse de s’être investie dans le développement des soins palliatifs en Ouganda et de bénéficier désormais des fruits de son travail. « Bien que j’aie d’abord été choquée, je n’ai pas souffert physiquement. Il y a maintenant du personnel disponible pour me prescrire et m’administrer les traitements adéquats. De plus, je n’ai subi aucun trauma psychologique grâce aux personnes qui ont répondu présentes pour m’épauler dans cette épreuve. C’est ce pour quoi j’ai tant travaillé. »
Parmi les 112 districts d’Ouganda, plus de 95 disposent désormais de centres de soins palliatifs. Le pays est le seul au monde où les infirmières sont autorisées à prescrire sans frais de la morphine aux patients en phase terminale. Grâce à son travail, Rose a été invitée à une conférence des Nations Unies pour témoigner des meilleures pratiques et de la réussite de ses accomplissements. « Je dois vaincre ce cancer. Au moins, maintenant, je parlerai par expérience lorsque j’irai sur le terrain m’occuper de malades. Il reste encore beaucoup de travail à accomplir, et je serai là pour mener mon équipe vers la réussite. »
Cette histoire est à l’origine parue dans un recueil d’essais photographiques publié par l’Université Aga Khan, Nurses and Midwives - Leaders in Healthcare in East Africa (Infirmières et sages-femmes, en première ligne des soins de santé en Afrique de l’Est).