Pakistan · 20 novembre 2025 · 4 min
À l’occasion de la Journée mondiale de l’enfance, découvrez le parcours de la Dre Shela Hirani, professeure en sciences infirmières à l’Université de Regina, au Canada, dont le travail a contribué à améliorer la vie de mères, de nourrissons et de jeunes enfants à travers le monde. Militante pour l’allaitement maternel et voix engagée sur la scène internationale en faveur de la santé maternelle et infantile, elle pilote des initiatives ayant apporté un soutien à plus de 200 000 familles, notamment au sein de populations touchées par une migration contrainte, des déplacements ou des catastrophes.
Le parcours de Shela a commencé dans une salle de classe de l’École Sultan Mahomed Shah Aga Khan (SMS) de Karachi.
Des élèves de l’école modèle Diamond Jubilee de Rahimabad étudient des principes scientifiques avec leur enseignante, illustrant comment les Écoles Aga Khan nourrissent la curiosité des jeunes et les accompagnent dans leur parcours.
Aga Khan Schools
Pour Shela, l’esprit même de l’école est ce qui l’a le plus marquée. « On nous encourageait à faire preuve d’esprit critique, à poser des questions et à apprécier la diversité. L’établissement mettait, déjà à cette époque, l’accent sur l’éthique, le service communautaire et la citoyenneté mondiale, des valeurs qui sont aujourd’hui les piliers de mon travail auprès des mères et des enfants. »
C’est à la SMS de Karachi que Shela a commencé à trouver sa voie. Des séances d’orientation professionnelle étaient organisées régulièrement pour présenter aux élèves différents métiers, et des intervenants de l’Université Aga Khan (AKU) y participaient notamment pour leur parler du monde de la santé. Une séance l’a particulièrement marquée.
« Je me souviens encore des infirmières qui venaient nous parler de leur travail », raconte-t-elle. « C’est à cette époque que j’ai découvert en quoi consistait réellement cette profession. »
Son école organisait également des sorties à l’AKU, et c’est l’une de ces visites au centre hospitalier universitaire de l’institution qui a scellé son destin.
« Sur place, je n’ai pas eu cette image traditionnelle de l’infirmière qui ne fait que des injections », se souvient-elle, impressionnée par l’attention que les infirmières portaient aux patients. « Elles avaient des connaissances et elles défendaient les droits des patients. Elles sauvaient des vies. »
Cette expérience l’a définitivement poussée en direction de ce qui deviendrait sa vocation. « Je voulais devenir infirmière. Je voulais m’occuper de mes patients en continu, les comprendre et les accompagner par les soins de la meilleure qualité possible. »
Après avoir obtenu son diplôme à la SMS de Karachi en 1996, Shela a entamé une licence en sciences infirmières à l’Université Aga Khan. Sa formation alternait entre cours magistraux et stages cliniques, tant en milieu hospitalier qu’au sein de communautés reculées, où elle a observé de près les difficultés rencontrées par les mères et leurs nouveau-nés.
Ses rotations en pédiatrie et en néonatalogie ont révélé la problématique qui allait définir sa carrière.
« Beaucoup de bébés étaient nourris au lait en poudre. Les mères n’avaient pas toujours accès à de l’eau propre ou aux ressources nécessaires. Leurs bébés étaient atteints de diarrhée, voire de dysenterie, et émettaient des selles 15 à 20 fois par jour, et la plupart ne survivaient pas. Dans un tel contexte, quand une mère peut allaiter, elle sauve la vie de son enfant. »
Après avoir obtenu son diplôme en 2003, Shela a travaillé comme infirmière en pédiatrie et en néonatalogie à l’hôpital de l’AKU. Elle a rapidement rejoint l’École d’infirmières et de sages-femmes (AKU-SONAM) de l’institution, où elle a enseigné la théorie et la pratique clinique, contribuant à centrer la formation infirmière sur la famille.
Dans le cadre de son master en sciences infirmières et de son diplôme avancé en développement humain, qu’elle a achevés en 2010 à l’AKU également, elle a mené des recherches sur les besoins de soutien en milieu professionnel des mères employées ayant de jeunes enfants. Ce travail a conduit à la création du premier outil d’évaluation de la perception du soutien à l’allaitement maternel, qui est aujourd’hui utilisé dans plus de 20 pays. Pendant son contrat de professeure invitée, Shela a contribué à l’élaboration du premier programme national de formation en soins infirmiers pédiatriques du Pakistan, tout en retournant régulièrement à la SMS de Karachi pour animer des ateliers de développement de la petite enfance (ECD) pour les enseignants du primaire.
Après douze années d’enseignement et de recherche à l’AKU, Shela s’est installée au Canada pour préparer un doctorat en sciences infirmières à l’Université de l’Alberta. Mais elle n’est pas restée loin de chez elle bien longtemps.
« Même si j’avais la possibilité de mener mes recherches au Canada, je voulais mettre mes compétences au service de mon pays », explique-t-elle.
Sa thèse l’a conduite dans les régions de montagne du nord du Pakistan, où des catastrophes comme des séismes et des inondations avaient déplacé de nombreuses familles. « Les mères de ces zones vivaient depuis des années dans des tentes au sommet des montagnes, sans toilettes, sans eau potable, sans nourriture », se souvient-elle. « Lorsqu’elles mélangeaient le lait en poudre à de l’eau contaminée, leurs bébés étaient atteints de diarrhée ou de dysenterie et ne survivaient pas. »
Dans le cadre de ses recherches, elle a documenté la réalité de ces mères, leurs obstacles, leur résilience et leur besoin urgent de soutien. Ce travail a également renforcé son engagement en faveur de la défense de ces femmes, un combat qu’elle a commencé au contact d’infirmières croisées des années plus tôt lors de ses visites pédagogiques à l’AKU.
« La plupart des personnes qui élaboraient les politiques étaient des hommes. Ils n’avaient aucune idée de ce que vivaient véritablement les femmes. Ces mères avaient besoin d’une voix. »
Les conclusions de Shela ont mis en lumière le besoin, dans tous les efforts d’aide humanitaire, de prendre en compte le soutien à l’allaitement maternel, la nutrition des mères, l’accès à l’eau potable et l’hygiène, des principes qu’elle défend toujours dans son travail de sensibilisation. « Beaucoup de personnes utilisent du lait en poudre en pensant bien faire », explique-t-elle, « mais si les mères n’ont pas accès à de l’eau propre ou à des biberons, c’est une pratique qui peut se révéler fatale. »
Shela partage ses recherches sur l’allaitement maternel à des acteurs du secteur de la santé au Luther College de l’Université de Regina.
Aujourd’hui, Shela est professeure en sciences infirmières à l’Université de Regina. Elle encadre des étudiants et dirige deux initiatives majeures : le Breastfeeding Advocacy Research Lab (laboratoire de recherche en soutien à l’allaitement maternel) et le Voices of Migrant Families Advocacy Hub (pôle de soutien pour l’expression des familles migrantes). Ces deux programmes visent à produire des données attestées sur l’allaitement maternel et à mettre en lumière les expériences des familles touchées par des catastrophes et des déplacements.
Son travail reste axé sur les mères et les enfants auprès desquels elle a toujours travaillé au cours de sa carrière, notamment les familles réfugiées et migrantes arrivant au Canada après avoir été confrontées à la guerre, au déplacement ou à des catastrophes naturelles dans leur pays.
Elle encourage les jeunes à faire preuve d’ambition : « Si vous faites des recherches, attachez-vous à résoudre les problématiques sociales. Si vous êtes dans l’enseignement, transmettez les meilleurs outils à vos élèves. Ne vous imposez aucune limite et ne laissez pas les barrières culturelles ou sociales vous arrêter. Soyez une voix engagée. »