Pakistan · 29 avril 2020 · 4 min
Les résultats d’un essai contrôlé randomisé mené auprès de plus de 3 300 foyers des zones rurales et urbaines du Sindh, au Pakistan, ont mis en évidence l’utilité de campagnes d’envoi de messages textuels et vocaux aux parents et aux personnes s’occupant d’enfants dans l’accroissement de la couverture vaccinale dans les régions mal desservies.
De telles campagnes sont particulièrement importantes dans des provinces comme le Sindh, qui affiche l’un des plus faibles taux de vaccination systématique du pays. En effet, dans cette région du Pakistan, sept enfants sur 10 risquent de contracter des maladies évitables qui leur sont souvent fatales telles que la diphtérie, la coqueluche et l’hépatite B.
Néanmoins, étant donné que 97 % de la population de la province possède un téléphone portable, l’envoi de messages textuels et vocaux semble constituer un moyen accessible et économique de renforcer l’accès des habitants aux vaccins essentiels et d’ainsi contribuer à répondre au troisième Objectif de développement durable.
« La plupart des études portant sur l’envoi de messages sur les téléphones portables pour sensibiliser la population à l’importance de la santé se sont penchées sur la valeur des rappels et des messages éducatifs envoyés sous forme de texte », a déclaré le Dr Momin Kazi, professeur adjoint en pédiatrie et santé infantile à l’Université Aga Khan (AKU). « Au travers de notre étude, nous avons au contraire obtenu de nouveaux renseignements sur la valeur des messages vocaux, qui constituent un moyen novateur de sensibiliser la population à l’importance de la santé. Ces résultats sont particulièrement utiles pour éclairer la mise en œuvre d’interventions dans des contextes où les taux d’alphabétisation sont bas, où de nombreux dialectes et langues sont parlés et où les habitants ont des difficultés avec le principe des SMS. »
Dans le cadre de l’étude Paigham-e-Sehat (« un message de santé »), des chercheurs de l’Université Aga Khan et de l’Université de la Colombie-Britannique se sont associés à des spécialistes de la télésanté et des télécommunications afin de concevoir diverses campagnes d’envoi de messages textuels et vocaux ciblés sur la vaccination aux populations rurales et urbaines de la province.
L’étude a notamment démontré que l’envoi de messages automatisés par le biais d’un serveur vocal interactif (SVI) a entraîné une augmentation de 26 % de la couverture vaccinale, un résultat nettement supérieur à celui des trois autres interventions déployées et du groupe de contrôle, qui n’ont pas présenté d’augmentation statistiquement importante dans le taux de vaccination.
Avec l’aide de groupes de discussion, les chercheurs ont été en mesure de prendre en compte les particularismes locaux des zones visées dans l’étude. Ces groupes ont notamment permis de comprendre que, bien que le sindhi soit la langue parlée par les habitants du Sindh, des messages textuels rédigés en ourdou romain (ourdou écrit en alphabet latin) seraient plus efficaces pour les personnes vivant à Karachi. En outre, étant donné que seul un foyer concerné par l’étude sur cinq avaient accès à un smartphone, les chercheurs ont pris soin d’adapter les messages textuels à l’affichage de téléphones portables de base.
Les messages de sensibilisation à la santé ont également été rédigés en prenant en compte les perspectives locales afin de proposer le contenu le plus efficace possible pour la population ciblée. Ils intégraient notamment des informations sur les avantages sanitaires de la vaccination, des considérations religieuses (la vaccination est obligatoire pour les personnes souhaitant entreprendre le hajj ou la oumrah) et des avertissements sur les risques que courent les personnes non vaccinées.
Ces messages ont été transmis de quatre manières différentes, ce qui a permis aux chercheurs de déterminer la méthode la plus efficace pour accroître la demande de vaccination systématique. Les participants à l’étude étaient répartis dans différents groupes divisés selon la méthode d’envoi :
Dans le cadre de l’étude, le Centre de ressources en télésanté du Réseau Aga Khan de développement (AKDN dHRC) a également développé le portail Paigham-e-Sehat, une application en ligne qui a permis à l’équipe de recherche d’observer le comportement des utilisateurs vis-à-vis de chaque intervention. Des agents de terrain ont également vérifié si les nouveau-nés des groupes cibles avaient bien été vaccinés à 14 semaines au travers d’appels de contrôle et de visites organisées 20 semaines après les naissances.
Les chercheurs ont observé que les interventions basées sur l’envoi de SMS ont fait face à plusieurs obstacles, dont des utilisateurs se plaignant de ne jamais avoir reçu de messages ou d’autres déclarant que les SMS s’étaient « perdus » parmi les nombreux autres messages d’amis et de publicité. Dans les zones rurales, ils ont également constaté qu’un seul téléphone était souvent partagé entre de nombreux membres d’une même famille ou communauté. De ce fait, même si un SMS était bien lu, il n’était que rarement transmis aux parents ou aux personnes s’occupant d’enfants. En revanche, les chercheurs ont été en mesure d’analyser le nombre de secondes que passaient les utilisateurs à écouter un message vocal, ce qui leur a permis de conclure que le système de SVI se révèle être une solution plus efficace que l’envoi de SMS.
Globalement, les messages vocaux ont été mieux reçus, comme le confirme l’un des participants de Karachi : « les appels automatisés sont plus pratiques que les SMS, car nous n’avons pas le temps de lire les messages quand nous sommes au travail, alors que nous pouvons toujours écouter un message vocal. »
Cette étude a été financée grâce à une subvention du programme Étoiles montantes en santé mondiale de Grand Défis Canada et du Centre international Fogarty des Instituts américains de la santé.