Indisponible · 3 janvier 2019 · 12 min
AKDN / Caroline Arnold
Pourquoi ?
La pauvreté, les problèmes de santé, la malnutrition, l’absence de stimulation et le manque d’opportunités d’apprentissage sont des maux qui entravent le développement de 200 millions d’enfants de moins de cinq ans dans le monde. La plupart d’entre eux sont issus de foyers et de communautés défavorisés dans des pays à faibles revenus.
La petite enfance est une étape cruciale qui influence toute la vie d’adulte. C’est ce que montrent les dernières recherches de pointe menées dans les domaines de la neuroscience et de la génétique, mais aussi des études portant sur le développement de l’enfant et la nutrition, et des données d’évaluation de programmes, dont les programmes de l’AKDN. Les investissements dans le Développement de la petite enfance (ECD) offrent des résultats exceptionnels, tant sur le plan humain que financier. De nombreuses études ont démontré que l’ECD peut améliorer les indicateurs d’éducation, de santé, de développement social et de croissance économique. La conclusion des économistes de la Banque mondiale est que « des programmes d’ECD ciblés sont moins coûteux et offrent des résultats plus spectaculaires et plus durables que des investissements dans l’éducation à tout autre niveau ». Les programmes d’ECD contribuent à réduire les disparités socio-économiques et les inégalités entre les sexes qui divisent les sociétés et entretiennent la pauvreté. Ils sont donc préférables à des mesures correctives coûteuses.
En quoi consistent les programmes de Développement de la petite enfance ?
Le but des programmes de Développement de la petite enfance (ECD) est d’assurer un bon départ dans la vie à chaque enfant. Dans leur champ d’action figurent la santé, la nutrition et la protection contre les mauvais traitements. Ils offrent une expérience d’apprentissage agréable, tout en favorisant le développement de l’estime de soi et du sentiment d’identité : les enfants apprennent à communiquer de manière efficace et à développer des relations sociales.
Les programmes d’ECD visent à influencer la population et les contextes dans lesquels grandissent les enfants afin de soutenir leur développement global. En effet, les contextes sociaux, culturels, économiques, géographiques et politiques jouent un rôle essentiel. Pour les jeunes enfants, les contextes sont les différents environnements qui ont une influence sur leur vie, comme la famille, la communauté, les services de santé, les centres d’ECD, les écoles, les organismes des districts et la police nationale. Les programmes d’ECD ont pour objectif d’influencer ces facteurs et d’éliminer les obstacles au bon développement des enfants.
Définis au niveau international comme des programmes consacrés aux enfants avant la naissance et jusqu’à l’âge de huit ans, les programmes de Développement de la petite enfance englobent de nombreuses initiatives. C’est notamment le cas du travail réalisé avec les familles ou de la réforme des systèmes qui marginalisent, négligent ou excluent certains enfants. Ils se traduisent par la mise en place de mesures de soutien pour les familles, les communautés et les institutions qui renforcent la capacité à prendre soin des enfants.
Ainsi, le champ d’action des programmes de Développement de la petite enfance est vaste :
Comme le montrent les points ci-dessus, les programmes de Développement de la petite enfance englobent tous les aspects du développement des enfants et de nombreux acteurs.
Les clés du Développement de la petite enfance et de la réduction de la pauvreté
Santé de la mère et de l’enfant : le continuum des soins de santé pour les mères, les nouveau-nés et les jeunes enfants à un moment où ils sont particulièrement exposés à des risques est essentiel au Développement de la petite enfance. Pendant les premières années de la vie, les soins de santé et l’accès à un environnement sain jouent un rôle majeur dans la survie et le développement de l’enfant. Ils posent les fondements d’une vie adulte saine. Les mères et les enfants ont besoin d’un continuum de soins de santé avant la grossesse, pendant la grossesse et après la naissance, pendant les premiers jours et années de la vie. Il est essentiel que les mères et les enfants puissent vivre dans des environnements sains et sûrs, notamment dans des quartiers sécurisés et dans des logements de qualité, avec un accès à l’eau potable et à des installations sanitaires adéquates, et qu’ils bénéficient d’une protection contre les violences. Une bonne nutrition commence in utero et dépend de la qualité de l’alimentation des mères. L’allaitement exclusif au sein dès la naissance et pendant les six premiers mois de la vie est un moyen de garantir une alimentation saine des nouveau-nés et des jeunes enfants. L’amélioration de la sécurité alimentaire et la modification des connaissances, attitudes et pratiques actuelles permettront d’appliquer ces mesures.
Développement et bien-être de l’enfant : les aspects psychosociaux du développement jouent également un rôle majeur dans la réussite individuelle, la qualité de vie et le changement social à long terme. Ils revêtent une importance capitale dans de nombreux pays dans lesquels intervient l’AKDN : des régions défavorisées où la lutte quotidienne pour la survie conditionne bien souvent les pratiques éducatives. Dans de tels contextes, la priorité des parents est de nourrir leurs enfants, d’améliorer leurs capacités physiques et de leur enseigner la responsabilité sociale. Ils ont tendance à sous-estimer l’importance de leur rôle dans l’apprentissage global, l’acquisition du langage et le développement du sentiment d’identité de leurs enfants.
Toutefois, la recherche et la pratique démontrent que les programmes d’éducation parentale peuvent aider les enfants à acquérir des connaissances et des compétences, mais aussi à avoir confiance en eux et à devenir plus autonomes. La valeur des programmes d’ECD centralisés a également été démontrée dans différents contextes. Ces programmes proposent de nombreuses expériences aux jeunes enfants et les aident à développer des compétences et à façonner des attitudes qui leur permettront de faire bon usage des opportunités d’apprentissage au sein et au-delà de l’éducation formelle. Les programmes d’ECD insistent sur le développement de la capacité de l’enfant à interagir de manière efficace avec son environnement. Grâce à ces programmes, les enfants prennent confiance en eux et acquièrent le goût d’apprendre pour toute leur vie. Ils ont plus de chances de développer les compétences nécessaires pour briser le cycle de la pauvreté et devenir des membres actifs et en bonne santé de la société.
Un programme pour les jeunes enfants peut donc être considéré comme un point de départ pour agir de manière efficace sur de nombreux facteurs sous-jacents à la pauvreté. Les avantages directs sur le développement physique, social, émotionnel et scolaire des enfants sont cruciaux et bien connus. En outre, la création de garderies sûres et stimulantes permet aux parents ou aux proches qui s’occupent des enfants de travailler. Les programmes d’éducation parentale/de soins s’avèrent très efficaces pour aider les familles à reprendre le contrôle de leur vie, car ils leur fournissent des informations et les rendent plus autonomes, les incitant à prendre des initiatives pour elles-mêmes et pour leurs enfants.
Les initiatives d’ECD du Réseau Aga Khan de développement (AKDN)
Depuis des dizaines d’années, le Réseau Aga Khan de développement (AKDN) soutient des initiatives d’ECD. Les premières agences et institutions de l’AKDN faisaient partie des rares organismes internationaux qui reconnaissaient l’impact crucial de l’ECD sur le long terme pour les individus et la société.
Les agences et institutions du réseau œuvrent pour l’ECD de différentes façons en fonction de leur mission, mais toutes partent du principe que les interventions d’ECD doivent être adaptées au contexte culturel, abordables pour les familles, basées sur des données valides et à jour sur le développement de l’enfant, viables sur le long terme, et qu’elles doivent réellement impliquer les familles et les communautés.
Les Services d’éducation Aga Khan (AKES) soutiennent les classes pré-primaires dans les écoles de l’AKES au Pakistan, en Inde et au Bangladesh, les écoles maternelles indépendantes en Afrique de l’Est et les garderies communautaires du Gujarat rural en Inde. Un Centre d’apprentissage préscolaire va ouvrir ses portes à Dubaï en 2009. Un plan visant à améliorer l’accès à l’ECD en Asie centrale, au Pakistan et en Inde dans les années à venir est en cours d’élaboration.
Les Services de santé Aga Khan (AKHS), qui sont actifs dans huit pays d’Asie centrale et d’Asie du Sud, d’Afrique de l’Est et du Moyen-Orient, interviennent plus particulièrement auprès des mères et des enfants de moins de cinq ans. Les programmes œuvrent pour la maternité sans risque, la survie de l’enfant et la santé, et comprennent des activités d’éducation à la prévention des maladies à l’échelle de la communauté. Les soins de santé communautaires sont rattachés à des unités de services de santé, qui peuvent être aussi bien des centres de santé de base que de véritables hôpitaux. Nombre de ces initiatives sont déployées en partenariat avec le Programme de santé de la Fondation Aga Khan (AKF), notamment le soutien aux programmes de santé de la mère et de l’enfant en Afghanistan et en Syrie.
Le Programme d’enseignement de l’AKF a commencé à mener des actions pour la petite enfance au début des années quatre-vingt au Kenya, en Inde et au Portugal. Pendant de nombreuses années, le Programme Madrasa de développement de la petite enfance en Afrique de l’Est a été l’initiative d’ECD phare de l’AKF au Kenya, en Tanzanie et en Ouganda. Toutefois, le portefeuille d’ECD s’est considérablement étoffé dans ces pays, ainsi que dans 12 autres pays, souvent au moyen de partenariats avec d’autres institutions et initiatives de l’AKDN.
Grâce à ces activités, l’AKF a expérimenté et mis en place de nombreux modèles de programmes d’ECD, notamment des centres d’éveil centralisés, des centres d’éveil de proximité rattachés à des établissements centralisés, des programmes de transition avec les petites classes du primaire, un ensemble d’initiatives d’éducation parentale/de soins en plein essor pour aider les familles à soutenir leurs enfants, et quelques modèles de garderie (garde à domicile, dans des établissements centralisés et au travail). Autre domaine d’action : la création de centres de ressources et de formation d’ECD ou le renforcement des centres existants pour promouvoir la demande de programmes d’ECD et leur qualité (ex. : les Centres de ressources Madrasa (MRC) en Afrique de l’Est, le Centre de ressource des enseignants au Pakistan et les centres d’ECD programmés de Lisbonne et du Caire).
En outre, l’AKF crée et saisit des opportunités d’influence et de dialogue politique lorsque des pays commencent à formuler des politiques et des plans d’ECD (ex. : au Kenya, à Zanzibar, en Ouganda, en Syrie et en République kirghize). Ces dernières années, l’AKF a également travaillé main dans la main avec le Trust Aga Khan pour la culture (AKTC) afin d’élaborer des programmes d’ECD au Caire (Égypte) et à Delhi (Inde). Ces efforts sont soutenus par le Programme en faveur des villes historiques de l’AKTC et par l’AKF.
Les initiatives d’ECD à l’Université Aga Khan (AKU) au Pakistan et en Afrique de l’Est sont récentes, mais essentielles pour soutenir les efforts de l’AKDN dans le domaine du Développement de la petite enfance. Ce travail est dirigé par deux Instituts de développement de l’éducation (IED), le Département de pédiatrie et de santé infantile (DPCH) et le Programme de développement humain (HDP). Les formations spécialisées (certificat et/ou diplôme) pour les enseignants et professionnels de l’ECD qui sont dispensées par les IED et le programme HDP en Afrique de l’Est et au Pakistan commencent à répondre aux besoins de ces régions en matière de développement des ressources humaines pour l’ECD.
En outre, l’AKU du Pakistan réalise actuellement de nouvelles recherches sur l’ECD qui fourniront des données cruciales sur les bonnes pratiques d’ECD. Un projet est notamment mené par le DPCH pour comparer l’impact des différentes interventions (prise en charge de la santé de la mère et de l’enfant standard, santé de la mère et de l’enfant plus développement de l’enfant, et santé de la mère et de l’enfant plus compléments alimentaires) dont bénéficient les mères dans le cadre du programme Lady Health Workers dans le Sindh rural. L’étude analyse les effets relatifs et combinés de ces interventions sur les mères et les enfants, et prévoit un suivi des enfants jusqu’à l’âge de huit ans. Les IED, HDP et DPCH ont toutes les cartes en main pour devenir des centres de ressources majeurs dans leurs pays et régions. Il y a un besoin croissant de centres de formation pour les professionnels et les leaders sur le terrain et là où des recherches multidisciplinaires peuvent être menées. Ces recherches peuvent inclure des études plus approfondies sur le développement de l’enfant, la vérification des hypothèses relatives aux facteurs clés qui contribuent au développement de l’enfant, ainsi que des évaluations rigoureuses de l’impact des programmes.
Le Fonds Aga Khan pour le développement économique (AKFED) souhaite également s’engager davantage pour répondre aux besoins d’ECD des jeunes enfants dont les parents travaillent pour des entreprises de l’AKFED en Afrique. Au Kenya, les entreprises Frigoken et Alltex prennent en charge une soixantaine d’enfants âgés de six mois à trois ans dont les mères travaillent à l’usine. D’autres entreprises seront évaluées en Afrique de l’Ouest en 2009 afin d’identifier les besoins de services d’ECD et les opportunités. L’Agence Aga Khan pour la microfinance (AKAM) est également sur le point d’expérimenter de nouveaux produits financiers qui bénéficieront directement aux jeunes enfants et à leurs mères.
Données des programmes d’ECD de l’AKDN
Les agences de l’AKDN commencent à consolider les données des programmes pour comprendre la nature des différents investissements réalisés dans l’ECD et évaluer les lacunes et opportunités. Voici les données globales des programmes d’ECD dirigés ou soutenus par l’AKDN en 2008 :
Éducation (données axées sur l’éducation, avec des éléments relatifs à la santé et à l’hygiène) :
2008 | Activités d’ECD EXCLUANT | Initiatives d’ECD COMPRENANT le travail réalisé avec les premières classes de l’enseignement primaire (1 à 3) |
Nombre d’enfants | 128 199 | 402 602 |
Nombre de centres/classes d’ECD | 2 487 | 5 060 |
Nombre de parents bénéficiant de programmes d’éducation parentale/de soins |
24 431 |
28 574 |
Nombre d’enseignants/de travailleurs d’ECD | 4 059 | 12 834 |
Nombres de communautés/districts | 1 982/190 | 3 632/210 |
Outre les statistiques de couverture de base, les agences et programmes de l’AKDN se soucient de plus en plus des indicateurs relatifs aux résultats de l’éducation comme la scolarisation, la rétention et la réussite. Par exemple, en Ouganda, une étude dirigée par Madrasa Regional Researcher a montré que le taux de redoublement des élèves en première année qui avaient participé à un programme d’ECD était de 3,5 %, soit un peu moins de la moitié de celui des élèves qui n’y avaient pas participé (7,3 %). Dans une étude régionale menée par un Centre de ressources Madrasa (Ouganda, Kenya, Zanzibar), le passage dans un établissement préscolaire était fortement corrélé à de meilleures capacités cognitives. Au Pakistan, l’AKDN soutient un projet qui vise à améliorer l’accès à l’école pré-primaire et primaire dans 287 écoles publiques et communautaires, ainsi que la qualité des cours dispensés. Selon les statistiques nationales, le taux d’abandon scolaire s’élève à 23 % la première année, tandis qu’il n’est que de 1,5% dans les écoles soutenues par ce programme. En République kirghize et au Tadjikistan, les enfants qui fréquentent les établissements préscolaires soutenus par l’AKDN, y compris à domicile, obtiennent de meilleurs résultats à l’école primaire que les enfants qui n’ont pas fréquenté ces établissements. Au-delà des chiffres, les parents et les enseignants des divers milieux dans lesquels ces programmes sont déployés considèrent qu’ils jouent un rôle crucial. Des études supplémentaires sont nécessaires pour réaliser un suivi des enfants tout au long de leur scolarité et combiner des données quantitatives et qualitatives.
Données relatives à la santé :
2008 | Activités sanitaires |
Nombre d’enfants de moins de 5 ans ciblés dans les programmes communautaires/primaires | 375 800 |
Nombre de femmes ciblées dans les programmes communautaires/primaires | 627 600 |
Nombre d’agents de santé communautaires | 2 215 |
Nombre de centres de santé de base (AKHS/gouvernement /autres) | 211 |
Nombre de centres de santé complets (AKHS/gouvernement /autres) | 48 |
Nombre d’hôpitaux (AKU/AKHS/autres) | 9 |
Nombre de communautés/districts | 2 108/107 |
Parmi les autres indicateurs de santé suivis par les programmes de l’AKDN figurent les taux de mortalité infantile et juvénile, de vaccination, d’accouchements assistés par du personnel qualifié (ainsi que les visites pré et postnatales) et d’arrêt de croissance, ainsi que le pourcentage de foyers ayant accès à l’eau potable et à des installations sanitaires adéquates. Il existe de grandes disparités entre les régions, les pays et les districts. Les réalisations des programmes de santé comprennent, entre autres, une meilleure couverture vaccinale (ex. : de 62 à 98 % dans la région du programme communautaire de survie de l’enfant à Maharashtra en Inde), l’utilisation accrue des moustiquaires imprégnées pour les enfants de moins de cinq ans et les femmes enceintes (ex. : de 7 à 47 % dans la région du programme de santé au Mozambique) et l’augmentation du recours aux services prénatals et d’accouchement médicalisé. Le contrôle et les recherches sont essentiels pour démontrer les résultats des interventions des programmes de santé et leur relation avec les interventions dans le domaine de l’éducation.
Projets à venir
Les agences de l’AKDN œuvrent pour renforcer les centres de ressources, développer les capacités locales afin de pérenniser les actions et d’assurer l’adéquation des programmes d’ECD, et contribuer au domaine de recherche en pleine croissance de l’ECD et aux connaissances à ce sujet dans différentes régions. En outre, le personnel impliqué dans l’ECD au sein des agences et institutions de l’AKDN assure la complémentarité et la convergence des différentes initiatives. L’ampleur et le dynamisme des différents programmes déployés ne leur facilitent pas la tâche, mais ce travail est essentiel étant donné les synergies potentielles. Les partenariats, notamment avec des établissements scolaires impliqués dans l’ECD, seront maintenus et renforcés pour un maximum d’impact.
En 2009, un inventaire des services, programmes et centres de ressources au sein et au-delà de l’AKDN sera réalisé. Ces données, ainsi que des analyses de situation détaillées permettront d’améliorer la planification, de corriger les lacunes et de toucher bien plus d’enfants et de familles dans les régions dans lesquelles l’AKDN intervient. L’objectif est d’améliorer l’accès, la qualité et l’efficacité des programmes d’ECD dans les différents secteurs.
Références
[i] Grantham-McGregor et al. (2007) Developmental potential in the first 5 years for children in developing countries. The Lancet, 369
[ii] van der Gaag, J.; Tan, J. P. 1998. The Benefits of Early Childhood Development Programmes: An Economic Analysis. Washington, DC, World Bank.