Kenya · 3 janvier 2019 · 4 min
AKDN / Jean-Luc Ray
Penina Onyango, Professeure principale à l’école secondaire de Kisumu au Kenya, n’attend plus l’arrivée de Brown Onguko – le responsable des cours à l’Institut pour le développement de l’éducation de l’AKU, Afrique de l’Est (AKU-IED, EA) – de Dar es Salaam (Tanzanie) pour résoudre ses problèmes. Elle a aujourd’hui une bien meilleure option : elle peut communiquer avec Brown Onguko lorsqu’elle a besoin de son aide grâce à son téléphone portable et aux SMS, pour la modique somme de 10 shillings kényans (env. 0,13 US$) par message.
L’université utilise déjà des technologies de e-learning pour améliorer les résultats de ses étudiants, mais ces technologies nécessitent d’utiliser Internet, dont l’accès en encore limité, lent et coûteux dans de nombreux pays en développement. Selon le rapport « Mesurer la société de l’information » de 2009 de l’Union internationale des télécommunications (UIT), moins de 5 % de la population africaine utilise Internet. Au Kenya, seulement 2,2 % des foyers y ont accès, et ce pourcentage tombe à 0,6 % en Tanzanie, contre 72,1 % au Canada et 61,7 % aux États-Unis.
En revanche, le téléphone portable est devenu l’outil des technologies de l’information et de la communication le plus répandu. L’UIT souligne que deux tiers des abonnements de téléphone mobile dans le monde ont été souscrits dans des pays en développement et que l’Afrique enregistre le plus fort taux de croissance. Au début du siècle, un Africain sur 50 avait un téléphone portable. Aujourd’hui, plus d’un quart de la population du continent en possède un. En 2007, le Kenya, la Tanzanie et l’Ouganda enregistraient respectivement environ 30, 20 et 13 abonnements pour une centaine de personnes.
L’AKU-IED, EA a donc commencé à explorer le potentiel de la téléphonie mobile dans l’enseignement à Kisumu, l’un des six sites où est proposé le cours Encadrement et gestion de l’enseignement, qui est sanctionné par un certificat. Les cinq autres sites, Mombasa et Nairobi au Kenya, Zanzibar et Dar es Salaam en Tanzanie, et Kampala en Ouganda, lui emboîteront le pas prochainement. Normalement, les responsables des cours parcourent plus de 1 000 km de Dar es Salaam à Kisumu pour apporter leur aide aux participants, dans les écoles ou en milieu de travail, pendant la durée de la formation. Mais comme l’explique Brown Onguko, qui est à l’origine du programme de technologie mobile à l’Institut, « les sessions sur le terrain comprennent des discussions sur les projets de recherche-action des participants qui peuvent se faire par SMS. Inutile de prendre l’avion, de réserver une chambre d’hôtel pour 10 jours et de se rendre en taxi dans toutes les écoles concernées. »
C’est ainsi que 22 professeurs principaux du secteur public et trois fonctionnaires du Ministère de l’éducation kenyan ont pris part à la formation grâce à un téléphone mobile en 2008. Les participants pouvaient envoyer des messages à leurs responsables ou à leurs collègues en cas de besoin. Ils se réunissaient régulièrement en groupes de trois pour discuter des difficultés relatives à la mise en place des nouvelles pratiques dans leurs écoles et faisaient part de ce qu’ils avaient appris à l’AKU-IED, EA par SMS. Ces messages étaient ensuite importés dans Moodle (un environnement d’apprentissage virtuel) grâce auquel le corps enseignant pouvait suivre les commentaires individuels et apporter son aide au groupe. Ouma Felix Otieno, Professeur principal à l’école primaire Opande et participant à la formation, a déclaré : « Le service nous a permis de rester en contact, de nous tenir au courant des différents développements et de nous impliquer dans le programme. Il a incité les participants à rester vigilants et à répondre aux attentes des responsables. Ce que nous avons appris nous sert à l’école et dans les salles de classe, mais aussi sur le terrain et à la maison. »
« Cette méthode d’enseignement nous a beaucoup appris », a ajouté le Dr Jane Rarieya, Directrice des programmes d’enseignement à l’AKU-IED, EA. « Ce n’était pas toujours facile à gérer, car je recevais parfois de nombreux messages en même temps, surtout après les séminaires ou les réunions. Heureusement, les messages étant stockés dans mon téléphone, je pouvais apporter des réponses pertinentes aux participants. »
L’apprentissage par la pratique est l’une des caractéristiques essentielles du programme de l’AKU-IED, EA. Mais comme le souligne le Dr Iffat Farah, Directeur par intérim de l’AKU-IED, EA, « les ressources nécessaires pour soutenir ce type d’apprentissage sont considérables. L’envoi de SMS permet d’épauler bien plus de professeurs sur le terrain, et à moindre coût. » Dans le cadre de cette expérience, le coût de l’envoi de SMS était d’environ 3,50 euros par participant, contre près de 105 euros estimés par personne pour des visites en face à face réalisées par un seul responsable pendant une période de trois mois.
Comme toute innovation à ses débuts, le système d’apprentissage via mobile n’est pas exempt de défauts. Outre les problèmes techniques, comme les messages qui se perdent dans le cyberespace, se pose la question du maintien de la qualité des évaluations, car le service téléphonique vient se substituer à la surveillance physique. Malgré ces difficultés, le Dr Rarieya a déclaré : « Les participants qui communiquaient régulièrement avec leurs superviseurs par SMS ont remis de bons rapports de recherche-action et nous attribuons ces résultats en partie au soutien dont ils ont bénéficié par SMS. En outre, l’apprentissage mobile nous a permis d’apporter une aide plus fréquente aux participants situés dans des régions éloignées ou isolées. » Les leçons tirées de cette expérimentation contribueront aux recherches continues que mène l’AKU-IED, EA en partenariat avec les universités de Calgary et de Cambridge dans le domaine des technologies de l’information et de la communication (TIC). Ces recherches ont pour but d’étudier l’impact des interventions liées aux TIC pour le perfectionnement et la formation professionnels.
La technologie mobile pourrait bien devenir l’un des composants essentiels de l’enseignement et de l’apprentissage dans les pays en développement, et permettre à l’AKU-IED, EA d’offrir des programmes pertinents et de qualité en Afrique de l’Est.