Services de santé Aga Khan
Pakistan · 10 octobre 2025 · 3 min
Nabihah Kara, directrice monde des programmes de santé communautaire et de santé primaire, Services de santé Aga Khan
Des études montrent qu’au Pakistan, 37 % des femmes enceintes souffrent de dépression, un taux près de quatre fois supérieur à la moyenne mondiale. Difficultés financières, relations familiales complexes ou encore accès limité aux soins de santé mentale sont autant de facteurs qui contribuent à cette situation. Ce risque peut persister jusqu’à un an après l’accouchement et affecter à la fois les mères et leurs enfants.
Cette semaine, le Réseau Aga Khan de développement (AKDN) a lancé son Programme intégré de santé mentale dans la région du Gilgit-Baltistan et de Chitral. Mis en œuvre conjointement par les Services de santé Aga Khan (AKHS), l’Université Aga Khan (AKU), les Services d’éducation Aga Khan (AKES) et la Fondation Aga Khan (AKF) en partenariat avec les autorités locales, ce programme offrira des services à plus de 226 000 personnes.
« Des villes aux villages de montagne, la solitude est un enjeu universel et demeure un facteur majeur de mal-être », explique Nabihah Kara, directrice monde des programmes de santé communautaire et de santé primaire au sein des AKHS. « Notre initiative collaborative vise à favoriser les liens entre les personnes et à renforcer la compréhension des autres et la création de réseaux sociaux et de services de soutien qui appuient le bien-être. »
Ce programme s’appuie sur le travail d’un projet de trois ans axé sur la dépression périnatale et le bien-être maternel mené dans le nord du Pakistan. « Nous avons constaté que, pour beaucoup, la bonne santé mentale d’une personne se traduit par sa capacité à accomplir tout ce que sa famille ou sa communauté attend d’elle. Répondre aux attentes sociales - réussir son cursus scolaire, atteindre une stabilité financière ou même sourire en public - peut constituer un facteur important de dépression », explique Falak Madhani, responsable de la mise en œuvre de laboratoires vivants pour la recherche sur le cerveau et la santé mentale de l’AKU dans le nord du Pakistan.
Les liens sociaux qui se tissent au travers d’activités de groupe peuvent renforcer le bien-être mental.
AKF
Dans la région du Gilgit-Baltistan et de Chitral, 3 000 personnes ont participé aux cycles de formation de six semaines proposés sur le bien-être maternel dans le cadre du projet. Au travers d’une approche des soins par paliers, la majorité des ressources ont été concentrées sur la promotion du bien-être mental, afin d’atteindre un maximum de personnes à moindre coût. À ce premier niveau, des volontaires communautaires formés dans le cadre du projet ont animé des groupes de soutien entre parents, destinés d’une part aux jeunes mères et, d’autre part, à leurs partenaires. Le but de l’étape suivante était d’identifier, le plus tôt possible, les personnes souffrant de troubles de santé mentale ou présentant un risque élevé et d'établir des circuits d’orientation vers des spécialistes.
« Le taux de participation a dépassé les 84 % et, fait notable, il a été plus élevé chez les hommes que chez les femmes. Nous avons observé une diminution significative des symptômes dépressifs et anxieux », explique Falak Madhani.
Les pères ont un rôle essentiel à jouer dans l’éducation de leurs enfants. Sur cette photographie, Imtiaz Ahmed, originaire de Garam Chashma, dans le district de Chitral, aide sa fille Alina à faire ses devoirs. Il participe aux séances d’échange et de mise en réseau entre parents organisées par les AKES.
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« Les femmes qui ont participé au programme de soutien entre parents nous ont dit ne plus se sentir seules », explique Falak Madhani. « Il existe peu d’activités destinées aux femmes en âge de procréer. Ce travail leur a donc permis de sortir de chez elles et de passer du temps avec leurs amies en toute légitimité. »
À l’origine, la mise en place, en parallèle, de groupes destinés aux hommes visait à élargir la base de participants et à réduire les problèmes de stigmatisation. Ces groupes ont cependant permis de sensibiliser les pères à l’importance de leur implication. « J’ai été très marqué de comprendre que je pouvais avoir un impact sur le développement neurologique de mon enfant », a confié un participant à Falak après avoir appris qu’il pouvait parler à son bébé avant sa naissance. Après ces séances, il souhaitait soutenir son épouse et ne pas se limiter à un rôle à l’extérieur du foyer.
« Nous avons commencé à discuter de la manière dont les partenaires pouvaient se soutenir mutuellement sur le plan de la santé mentale tout en élevant ensemble leur enfant », explique Falak Madhani. « Nous avons organisé une séance sur les violences sexistes, au cours de laquelle nous avons raconté la même histoire du point de vue du mari et de l’épouse, afin d’amener les participants à réfléchir au ressenti de l’autre. Ce travail a permis aux hommes participants de prendre conscience du rôle essentiel qu’ils jouent sur le bien-être mental de la famille. »
Les compétences en communication et en écoute active sont précieuses dans tous les aspects de la vie.
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Falak Madhani, spécialiste de la mise en œuvre des programmes à l’AKU
« Nous avons également interrogé les proches des participants. Les belles-familles et les parents discutaient par exemple de la manière dont il convient de s’occuper des enfants, de l’importance d’une bonne nutrition ou encore de la façon de remplacer les pensées négatives par des pensées positives. Nous avons vu que le contenu du manuel que nous leur avions fourni s’était véritablement diffusé au sein des foyers. »
Les volontaires communautaires, près de 200 jeunes issus des zones rurales, ont eux aussi bénéficié des activités mises en place. « Nous les avons formés à communiquer clairement, à ne pas porter de jugement et à faire preuve d’une considération positive inconditionnelle, de confidentialité et d’empathie. Nous avons organisé des exercices d’écoute active, lors desquels les participants étaient répartis par binômes ; l’un des deux membres devant raconter son histoire et l’autre devant l’écouter, avant de la restituer au reste du groupe. Ce travail leur a également permis de renforcer leurs compétences psychosociales. »
« En animant ces sessions, ils se sont sentis valorisés et respectés. S’agissant souvent de parents eux-mêmes, ils ont appris tout en apprenant aux autres. Ils avaient le sentiment de pouvoir transmettre ces connaissances à leurs communautés et à leurs familles. »
Désormais ajoutée au nouveau programme intégré de santé mentale, cette approche permettra de toucher davantage de familles et de communautés dans la région et d’ainsi renforcer la santé mentale et le bien-être là où les besoins sont les plus importants.