Tajikistan · 15 juin 2021 · 4 min
En plein cœur du district de Murghab, dans la région autonome du Haut-Badakhchan (GBAO), les enfants de moins de cinq ans n’avaient, jusqu’à récemment, que très peu de chances de pouvoir apprendre. La crèche locale ne proposait pas d’activités ou de cours adaptés à l’âge des enfants, tandis que le seul centre de développement de la petite enfance (ECD) était en piteux état et nécessitait des réparations d’urgence.
Le Tadjikistan présente le plus faible taux d’accès à l’éducation de la petite enfance dans la région. Dans le pays, il existe moins de 2 000 centres d’ECD, et seuls 16 % des enfants sont en mesure d’y accéder. La plupart des enfants tadjiks ne disposent donc pas des bases nécessaires pour réussir à l’école.
Selon l’Organisation mondiale de la santé, la période qui s’étend de la naissance aux huit ans d’un enfant est la plus importante à son développement. Les premières années de vie d’un enfant sont essentielles à la constitution des fondations qui lui permettront de développer des compétences et d’apprendre tout au long de sa vie.
Répondre aux besoins à Murghab
Dans ce contexte, la Fondation Aga Khan (AKF) s’efforce d’ouvrir de nouveaux centres de développement de la petite enfance pour éduquer les jeunes enfants du Tadjikistan.
En partenariat avec l’Institut républicain pour le développement professionnel en éducation (IPD), l’AKF a mis à l’essai et déployé un modèle d’ECD dans plusieurs régions du pays. Ce modèle est conçu pour les communautés ayant des ressources limitées et s’adapte à leurs besoins. Il reflète ainsi le contexte socio-économique de chaque communauté et permet de transformer des salles vides en environnements d’apprentissage holistiques pour les enfants du préscolaire. Des enseignants, des parents et d’autres bénévoles sont sélectionnés pour proposer des activités d’apprentissage adaptées au développement et gérer les nouveaux centres. L’IPD les forme aux politiques d’ECD, aux lois et réglementations nationales spécialisées dans le domaine et à la notion de viabilité financière. Un programme de mentorat est également mis en place pour les accompagner.
Dans le district de Murghab, l’AKF travaille avec le centre d’ECD de l’école no 14. Avant son intervention, l’établissement était en trop mauvais état pour offrir un apprentissage de qualité aux enfants.
Dans le cadre du programme « Thrive Tajikistan: Partnership for Socio-Economic Development » (Thrive Tajikistan - Partenariat pour le développement socio-économique), l’AKF a formé un groupe de soutien au développement de la petite enfance qui fait la passerelle entre le centre et la communauté. Financé par la Fondation et l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID), Thrive Tajikistan contribue à améliorer la qualité de vie des habitants du GBAO et de l’oblast de Khatlon. Dans le cadre du groupe de soutien au développement de la petite enfance créé par Thrive Tajikistan, le personnel de puériculture et les parents s’unissent afin d’instaurer un environnement d’apprentissage sûr et sain pour les enfants et de récolter des fonds pour assurer leurs activités. Grâce au soutien du programme, les centres d’ECD participants disposent désormais de ressources pédagogiques qui leur permettent d’offrir un apprentissage adapté à l’âge des enfants, mais également des collations et des repas plus nutritifs.
Élaborer des solutions adaptées à l’échelle locale pour renforcer le développement de la petite enfance
Une fois formé, le groupe de soutien a rapidement commencé à travailler auprès de la communauté afin d’élaborer un plan d’action visant à récolter des ressources financières et matérielles. Ses membres se sont ainsi mis en relation avec Qalam, une organisation non gouvernementale locale qui propose des formations à la communauté sur la rédaction de demandes de subventions, l’élaboration de plans de développement et le suivi des activités. Grâce à ces contacts établis à l’échelle communautaire, les membres du centre ont collecté des jouets, de la papeterie, des tapis et des meubles, et ont également pu effectuer les réparations nécessaires dans le bâtiment. Ils ont notamment stabilisé les murs, posé un revêtement de sol et repeint l’établissement.
Children play at an early childhood development centre in Murghab.
AKDN
Jonbegim Azizkhonova était institutrice de primaire dans l’école no 14. En 2013, après avoir pris sa retraite, elle a rejoint le centre d’ECD pour y enseigner.
« Les enfants, et surtout leurs parents, aiment beaucoup le centre », explique-t-elle. « Nous avons actuellement trois groupes, mais beaucoup d’autres enfants veulent encore intégrer l’établissement. Malheureusement, nous ne pouvons pas tous les accepter, car nous n’avons tout simplement pas la place. Les parents semblent préférer notre centre à la crèche locale. »
Le centre accueille actuellement 70 enfants. Bien que la plupart des parents payent pour leurs enfants, le centre accueille également des enfants de familles vulnérables qui ne sont pas en mesure de payer les frais scolaires. Jonbegim nous a donné l’exemple d’une jeune enfant qui a fréquenté le centre pendant deux ans, alors que ses parents n’avaient pas les moyens de l’y inscrire.
« Aujourd’hui, cette jeune fille est une élève très active à l’école et participe à divers événements, elle va même parfois jusqu’à se placer première de sa classe », explique-t-elle. « Ses parents disent toujours que c’est au centre qu’elle a développé son potentiel et ses compétences qui lui permettent aujourd’hui d’être une élève accomplie. »
Le centre espère désormais se développer pour répondre à la demande croissante de la communauté. Le groupe de soutien formé par l’AKF continue en parallèle de l’aider à répondre aux besoins émergents.
Depuis 2009, la Fondation a créé plus de 270 nouveaux centres d’ECD au Tadjikistan et soutient au total 320 établissements dans tout le pays. Aujourd’hui, quelque 18 000 enfants tadjiks âgés de 3 à 6 ans ont accès à des services d’ECD, tandis que plus de 600 instituteurs du préprimaire et 550 professionnels de la puériculture ont été accompagnés et formés par l’AKF. La plupart de ces centres sont situés dans la région autonome du Haut-Badakhchan. En 2020, les autorités déclaraient avoir noté une augmentation significative de l’accès aux services d’ECD sur le territoire, qui est passé de 9 % à 65 %.
Ce texte est une adaptation d’un article publié sur le site internet de la Fondation Aga Khan États-Unis.