Egypt · 30 septembre 2009 · 3 min
Des habitants aisés qui désertent le centre historique pour rejoindre de nouvelles agglomérations de verre et de béton en banlieue ; des migrants qui s’installent dans le vieux centre dans l’espoir de trouver du travail en ville. C’est le triste sort qu’ont connu bien des grandes villes du monde et c’est un paradoxe qui, au début des années quatre-vingt, a fini par avoir raison d’une grande partie des espaces verts du Caire, une ville qui regorgeait de jardins quelques décennies plus tôt.
Selon certaines estimations qui remontent aux années soixante-dix, il y aurait eu un mètre carré d’espace vert par habitant. Selon d’autres, il s’agissait d’une surface encore plus petite, pas plus grande qu’une trace de pas. Dans les régions pauvres, les conditions étaient encore plus mauvaises, car les migrants s’entassaient dans des ruelles sans eau ni installations sanitaires, et les propriétaires, absents, n’entretenaient pas leurs logements. Paradoxalement, les plus démunis vivaient au milieu de monuments qui témoignaient de périodes de grande sophistication : les portes fatimides, la muraille ayyoubide, les mosquées mameloukes…
Comprendre comment renverser le processus de déclin en restaurant des monuments et en construisant un nouveau parc faisait partie d’un plan pour revitaliser l’une des zones les plus pauvres et les plus dangereuses de la ville. En 1984, à l’issue du séminaire « The Expanding Metropolis: Coping with the Urban Growth of Cairo » (La métropole en expansion : gérer la croissance urbaine du Caire), sponsorisé par le Prix Aga Khan d’Architecture, Son Altesse l’Aga Khan a fait part de sa décision de régler le problème de la diminution des espaces verts de la ville en finançant la création d’un parc pour les citoyens de la capitale égyptienne. Le seul endroit central et de taille convenable était le site abandonné de Darassa, un amoncellement de décombres de 30 hectares adjacent à la ville historique. Le site, qui abritait de nombreux monuments témoignant de siècles d’histoire, a posé plusieurs problèmes techniques.
Situé à proximité de la cité des morts du Caire, le site était une ancienne décharge vieille de 500 ans dans laquelle les ordures fumaient par endroits. La construction a nécessité l’excavation, le nivellement et le remplissage du terrain. Au total, 1,5 million de mètres cubes de gravats et de terre, soit l'équivalent de plus de 80 000 camions, ont été déplacés. En outre, trois réservoirs d’eau de 80 mètres devaient être intégrés au parc pour la ville du Caire. Des pépinières spécialisées ont été créées pour identifier les plantes et les arbres les plus adaptés à la terre, au terrain et au climat. Plus de 655 000 jeunes plants issus de boutures et de graines ont été plantés dans le parc. Le projet comprenait l’excavation et la restauration intensive de la muraille ayyoubide, construite au 12e siècle, et la réhabilitation d’importants monuments dans la ville historique. Plusieurs édifices emblématiques, dont la mosquée de Oum al-Sultan Chaaban datant du 14e siècle, le complexe de Khayrbek (qui comprend un palais du 13e siècle, une mosquée et une demeure ottomane), la mosquée et la place d’Aslam, et l'école Darb Shouglan ont été restaurés. L’habitat local a été rénové et rendu à ses propriétaires.
Dans le district de Darb Al-Ahmar à faible revenu et adjacent au parc, des opportunités de formation professionnelle et d'emploi ont été offertes dans différents domaines tels que la cordonnerie, la fabrication de meubles et la production de souvenirs pour les touristes. Des apprentissages en électronique automobile, en téléphonie mobile, en informatique, en maçonnerie, en charpenterie et en bureautique ont également été mis en place. Des prêts de microcrédit ont permis aux résidents d'ouvrir de petits commerces comme des menuiseries et des entreprises de nettoyage à sec. Des centaines de jeunes femmes et hommes du district de Darb Al-Ahmar ont également trouvé du travail dans le parc, dans le domaine horticole et dans des projets de restauration.
Al-Azhar Park, Cairo, Egypt.
AKDN / Gary Otte
Aujourd’hui, le parc attire près de deux millions de visiteurs par an. Grâce aux recettes obtenues par la vente de billets et par ses restaurants, il est devenu financièrement autonome. Qui plus est, le projet d’une valeur de 30 millions de dollars a fait office de catalyseur de changements positifs avec la restauration de monuments et d’espaces publics dans le district adjacent de Darb Al-Ahmar et le lancement d’initiatives socioéconomiques, comme la réhabilitation immobilière, la microfinance, l’apprentissage et les soins de santé.