Afghanistan · 3 janvier 2019 · 5 min
AKDN / Sandra Calligaro
Le district de Surkh-e-Parsa se trouve au nord de la vallée du Ghorband, non loin de la route qui sillonne les collines nues de la passe de Shibar. Trois vallées vertes convergent au centre du district de Lolinj. Les communautés locales cultivent du blé et des fruits, mais ont toujours été pauvres. Pour elles, même avant la guerre, l’électricité était un rêve lointain. La centrale hydroélectrique gouvernementale la plus proche, qui se trouvait à Siahgird, en bas de la vallée, a été détruite il y a de nombreuses années. Les habitants n’avaient d’autre choix que de vivre au rythme du soleil et de cesser leurs activités à la nuit tombée.
Mais ces dernières années, les choses ont changé : près de 70 % des foyers des trois vallées, où vivent quelque 30 000 personnes, ont l’électricité. Grâce à l’éclairage, les enfants peuvent faire leurs devoirs et les adultes peuvent continuer leurs activités une fois le soleil couché. L’électricité fait tourner les moulins à farine, recharge les téléphones portables et alimente la télévision par satellite, qui permet à cette région afghane isolée d’être informée de l’actualité dans le monde. La journée, l’électricité permet aussi de faire fonctionner les machines à laver et autres appareils électroménagers.
En outre, cette nouvelle source d’électricité émet peu de gaz à effet de serre. Durable et relativement peu coûteuse, elle repose sur une technologie simple que les habitants peuvent apprendre à maîtriser moyennant une formation. Le réseau est constitué de petites unités hydroélectriques et photovoltaïques installées par la Fondation Aga Khan, l’une des neuf agences de développement internationales du Réseau Aga Khan de développement (AKDN). Au sein de l’AKDN, la fondation est spécialisée dans les programmes de développement rural.
Par ailleurs, dans la ville de Shighnan, qui se trouve dans une région isolée du Badakhchan, l’institut de formation des enseignants construit par l’AKDN est également alimenté par une source d’énergie renouvelable propre et peu coûteuse : une installation photovoltaïque de 15 kW. Faute de liaison routière permanente, cette ville qui longe l’Amou-Daria est isolée du reste du Badakhchan une grande partie de l’année et n’a jamais bénéficié de l’électricité du gouvernement. Avant la mise en place de l’installation photovoltaïque en 2007, l’institut utilisait des générateurs diesel, une solution coûteuse, polluante et exposée aux pénuries de carburant. Désormais, le soleil répond aux besoins en électricité de l’institut, ainsi que des résidences pour hommes et pour femmes de l’institut (éclairage, ordinateurs, etc.). Les batteries accumulent l’électricité solaire la journée pour garantir la disponibilité permanente du courant.
L’AKDN a été le premier à installer des microcentrales hydroélectriques (MCH) et à exploiter l’énergie solaire en Afghanistan en 2004. Environ 250 MCH ont été installées ou sont en cours de construction dans cinq provinces du nord-est du pays : le Bamiyan, le Parwan, le Baghlan, le Takhar et le Badakhchan. En ce qui concerne l’énergie solaire, 170 unités ont été installées. Grâce à ces initiatives, des villages autrefois privés d’électricité ont maintenant le courant.
Ce sont essentiellement les communautés locales qui ont mené à bien ces projets dans le cadre du Programme de solidarité nationale (NSP) du gouvernement, avec l’aide de l’AKDN. Les Conseils de développement communautaire créés dans le cadre du NSP reçoivent une subvention qu’ils peuvent dépenser dans des projets de développement. L’électricité est généralement une priorité pour les conseils. L’AKDN apporte ensuite son expertise en ingénierie, des contacts essentiels et un soutien organisationnel à la communauté pour l’aider à construire l’installation électrique requise et former des membres de la communauté locale à son entretien.
Les microcentrales hydroélectriques peuvent aussi bien être composées de petits générateurs produisant 5 kW que de grosses unités produisant jusqu’à 100 kW. En moyenne, les unités de l’AKDN fournissent au minimum 100 W par famille, soit suffisamment d’énergie pour alimenter cinq ampoules à basse consommation. Une unité de 5 kW fournit assez d’électricité pour 50 familles.
Les générateurs sont alimentés par une turbine, elle-même actionnée par la pression de l’eau des ruisseaux de montagne. Lorsqu’une installation est créée, un comité au sein du conseil communautaire est chargé de son entretien et de la collecte des cotisations auprès des utilisateurs d’électricité, qui permettent de couvrir les frais de réparation et de maintenance. Le coût moyen s’élève à une centaine d’afghanis par famille par mois.
L’AKDN a également fait figure de pionnier en exploitant l’énergie solaire en Afghanistan. Dans les zones où il n’y a pas assez d’eau pour créer des MCH, l’AKDN a installé des panneaux solaires pour fournir une alimentation électrique de base aux villages et aux groupes d’habitations. Certaines installations photovoltaïques produisent 20 W, soit assez d’énergie pour alimenter deux ampoules, et d’autres beaucoup plus, comme celles qui ont été installées à l’institut de Shighnan. Une fois en place, les panneaux peuvent fonctionner pendant plus de vingt ans. Les accumulateurs doivent être remplacés au bout de quatre ou cinq ans.
La valeur de l’électricité fournie par ces sources d’énergie propre et renouvelable est inestimable. Si une grande partie de la population mondiale tient les avantages de l’électricité pour acquis, il ne faut pas oublier qu’elle permet d’améliorer l’alphabétisation, car l’éclairage donne aux enfants la possibilité d’étudier plus longtemps, d’alléger la charge de travail des femmes en leur donnant plus de temps pour réaliser les tâches domestiques et de réduire la quantité de bois de chauffage ou de carburant nécessaire pour le chauffage, l’éclairage et la cuisine. Cela signifie que les femmes et les enfants n’ont plus à consacrer des heures à la collecte de carburant, sans parler des retombées positives pour l’environnement. L’énergie renouvelable réduit l’utilisation de combustibles polluants comme le diesel ou le pétrole, mais aussi les effets néfastes pour la santé de la fumée de bois et d’autres émanations dans la maison. En outre, l’électricité offre de nouvelles opportunités de générer des revenus en développant des activités comme le tissage de tapis, la couture, etc.
L’AKDN étudie également la possibilité d’utiliser d’autres technologies et techniques écologiques en Afghanistan, comme les pico-centrales hydrauliques, qui utilisent de très petits générateurs hydroélectriques et produisent 900 W, de quoi approvisionner une dizaine de foyers. Deux maisons pilotes économes en énergie ont également été construites pour tester les propriétés isolantes des matériaux de construction traditionnels, la boue et la paille. Par ailleurs, le biogaz est en phase d’essai dans les régions afghanes rurales et un projet éolien pilote est en cours. Outre ces technologies de production d’énergie, l’utilisation d’appareils électroménagers à basse consommation (fours, chauffe-eau et lampes solaires, et cuisinières à faible consommation énergétique) va bientôt être testée.
Le pays a besoin d’une énergie propre et peu coûteuse. Ces énergies respectueuses de l’environnement conviennent parfaitement aux régions afghanes rurales, où la consommation électrique est encore relativement faible, et peuvent répondre aux besoins énergétiques de nombreuses familles rurales défavorisées.