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Vivre en première ligne du changement climatique : l’adaptation des communautés du nord du Pakistan
Pakistan · 11 décembre 2025 · 5 min
Juché à environ 1 430 mètres d’altitude, le district de Chitral est un territoire montagneux du nord du Pakistan qui abrite plus de 320 000 habitants. Ici, le paysage s’articule autour d’immenses sommets, de vallées profondes et du fleuve Chitral, puissant cours d’eau qui soutient les communautés qui vivent le long de ses rives autant qu’il les menace.
District de Chitral, Pakistan, situé sous la marque rouge sur la carte.
2025, Google Maps
La région, où les premières traces de sédentarité remontent à 4 000 ans, est connue pour son mode de vie paisible et pour la résilience dont ses communautés ont fait preuve au fil des siècles.
Toutefois, ces dernières années, cette résilience a été mise à rude épreuve : le changement climatique bouleverse les rythmes de la vie, avec l’apparition de phénomènes météorologiques imprévisibles, la hausse des températures (qui augmentent en moyenne de 0,6 °C par décennie) et l’évolution des régimes pluviométriques, qui intensifient les risques naturels.
Les inondations dévastatrices d’août 2025, qui ont également frappé la région voisine du Gilgit-Baltistan, illustrent l’impact croissant de ces catastrophes et soulignent l’urgence pour les communautés de s’adapter.
« Depuis des décennies, la Fondation Aga Khan (AKF) marche aux côtés des habitants de Chitral », explique Farmanullah, ingénieur en chef et chef de projets pour les infrastructures au sein de la Fondation Aga Khan Pakistan. « Chaque pont, chaque abri et chaque système que nous construisons est bien plus qu’une simple infrastructure. C’est une garantie de protection pour les habitants et leurs moyens de subsistance face aux menaces croissantes du changement climatique. »
Farmanullah, ingénieur en chef et chef de projets pour les infrastructures au sein de la Fondation Aga Khan Pakistan.
Au cours des 18 derniers mois, l’AKF et l’Agence Aga Khan pour l’habitat (AKAH) ont, avec l’aide d’un financement destiné aux projets humanitaires de l’Union européenne, collaboré avec les habitants du district de Chitral et les autorités locales pour coordonner une stratégie de préparation aux catastrophes qui soit durable et cohérente. Appuyé par un travail mené depuis plus de 50 ans par l’AKF dans le district, le programme combine technologies de pointe, implication des communautés locales et mobilisation d’une équipe communautaire d’intervention d’urgence (CERT), constituée de membres volontaires locaux.
Dans ce reportage photo, découvrez les personnes qui agissent en première ligne, ainsi que l’impact de leur travail jusqu’à présent.
Le fleuve Chitral, vu du ciel.
AKAH Pakistan
En surplomb du fleuve Chitral, avec la piste de l’aéroport de Chitral en arrière-plan, on peut voir le paysage spectaculaire du district, où les montagnes dominent les habitations et où le cours d’eau s’écoule avec une force immense.
Dans cet environnement fragile, de faibles variations dans les précipitations, les chutes de neige ou la fonte des glaces peuvent provoquer des crues, faisant peser une menace constante sur les habitations, les routes et les moyens de subsistance.
Le village de Daneen.
AKAH Pakistan
Le village de Daneen porte les stigmates des inondations de 2024 et 2025.
Lors de ces événements, de nombreuses habitations ont été endommagées, des routes ont été emportées et des champs ont été détruits. En 2025 seulement, l’AKF et ses partenaires communautaires ont recensé 17 avalanches, 28 inondations et crues éclair, trois glissements de terrain et un séisme dans le district.
Sultan Salahuddin, capitaine de la CERT locale.
AKAH Pakistan
Dans le village de Munoor, Sultan Salahuddin, capitaine de la CERT locale, surveille les niveaux du fleuve et évalue l’érosion des rives durant l’été.
« Le rôle d’un membre volontaire d’une CERT est crucial, car les informations que nous recueillons alimentent le tableau de bord des catastrophes et permettent également d’émettre des alertes et des messages de sensibilisation au moment opportun, afin que les communautés puissent se protéger et rester en sécurité », explique Sultan.
Ce tableau de bord permet aux autorités et aux communautés de suivre les dangers en temps réel.
Farkhanda, membre volontaire de la CERT locale et formatrice principale.
AKAH Pakistan
Farkhanda, membre volontaire de la CERT locale
Dans le village de Zhiture, Farkhanda, volontaire de la CERT locale et formatrice principale, rend visite aux familles une fois par mois pour discuter des prévisions météorologiques et des plans de contingence de la communauté.
Elle explique : « La sensibilisation aux risques de catastrophe aide les familles à apprendre à utiliser les ressources à leur disposition et à anticiper les besoins des membres de leur foyer qui nécessiteraient des soins particuliers en situation d’urgence. »
Grâce à son travail, Farkhanda veille à ce que les groupes les plus vulnérables, notamment les femmes, les enfants, les personnes âgées et les personnes en situation de handicap, connaissent les itinéraires d’évacuation et les abris disponibles.
Farkhanda et Sultan en visite auprès des habitants.
AKAH Pakistan
Les membres volontaires de CERT comme Farkhanda effectuent également des visites à domicile pour proposer des formations aux premiers secours. En transmettant aux habitants des compétences pratiques, ils favorisent une culture d’entraide et garantissent que les communautés puissent réagir efficacement en situation d’urgence.
Des experts de l’AKF et de l’AKAH inspectent un système d’alerte précoce.
AKAH Pakistan
À Awi Shoghore, des experts de l’AKF et de l’AKAH inspectent un système d’alerte précoce (SAP) avec des membres volontaires de la CERT locale afin de vérifier son bon fonctionnement.
Dans le cadre du programme, l’AKF et l’AKAH ont regroupé plus de 50 systèmes distincts au sein d’un réseau unique et coordonné qui permet l’émission plus rapide et fiable d’alertes vitales lors d’épisodes d’inondations ou d’autres catastrophes.
Ibrahim Khan, membre volontaire de la CERT locale, affirme que les postes de surveillance météorologique, les systèmes d’alerte précoce et les volontaires formés constituent un réseau efficace qui sauve les vies des communautés locales.
AKAH Pakistan
Ibrahim informe des membres de la communauté.
AKAH Pakistan
Au niveau de ce poste de surveillance météorologique, Ibrahim explique à des membres de la communauté le fonctionnement du SAP et la signification des sirènes utilisées pour les évacuations d’urgence. Lors de ces sessions, les habitants apprennent non seulement à interpréter les signaux sonores, mais aussi les actions à entreprendre, ce qui renforce leur préparation et réduit les risques auxquels ils s’exposent lors d’épisodes météorologiques extrêmes.
« Les postes de surveillance météorologique, les systèmes d’alerte précoce et les volontaires formés constituent un réseau efficace qui renforce la préparation aux catastrophes et sauve les vies des communautés locales », affirme Ibrahim Khan, membre volontaire de la CERT locale.
La ville de Chitral.
AKAH Pakistan
Le grand marché de la ville de Chitral constitue un véritable centre névralgique où les communautés locales achètent les produits essentiels qui ne sont pas disponibles dans les petits marchés des villages voisins.
Les catastrophes comme les inondations et les glissements de terrain peuvent perturber les routes commerciales et ainsi couper l’accès à des produits de première nécessité. Dans de tels cas, les familles les plus isolées sont les plus touchées.
Des membres de l’AKAH et de l’AKF effectuent une étude du marché local.
AKAH Pakistan
Pour parer à cette situation, l’AKAH et l’AKF diligentent des experts chargés de mener des études de marché dans le nord et le sud du district de Chitral pour évaluer l’accessibilité, le prix des produits et l’impact des catastrophes sur les flux commerciaux. Ces études alimentent un système de distribution d’aide en espèces.
« En période de catastrophe, le temps et la dignité sont les deux aspects les plus importants dans les efforts d’intervention auprès des communautés touchées », explique Zeeshan Azmat, responsable du projet.
« Le système de distribution d’aide en espèces permet aux autorités locales de proposer un soutien financier rapide et transparent aux familles vulnérables, ce qui leur donne le pouvoir de décision quant à leurs besoins les plus urgents. Il est prévu que ce mécanisme coordonné et durable continue de soutenir les communautés à risque.
Zeeshan Azmat, chef de projet auprès de l’AKAH
Des dégâts visibles sur l’extérieur d’une habitation dans le village de Murdan.
AKAH Pakistan
En coordination avec les équipes d’évaluation et d’intervention en cas de catastrophe (DART), les membres volontaires de la CERT locale se rendent auprès des ménages touchés dans le village de Murdan pour les inscrire au programme d’aide en espèces. En combinant des évaluations menées sur le terrain et un suivi numérique, le programme garantit que les personnes les plus vulnérables reçoivent l’aide nécessaire pour reconstruire leur habitation, rétablir leurs moyens de subsistance et se relever des conséquences des inondations ou d’autres catastrophes climatiques.
Grâce au travail des membres volontaires des CERT, des autorités locales et de partenaires tels que l’AKF et l’AKAH, les habitants du district de Chitral sont de mieux en mieux préparés à faire face aux inondations, aux avalanches et à d’autres menaces climatiques. Ces efforts montrent que, même dans les environnements les plus difficiles, les communautés sont capables de s’adapter, de se relever et de construire un avenir plus sûr et résilient pour les générations futures.
Ce programme est mis en œuvre avec le soutien généreux de l’Union européenne.
Cet article a été réalisé en partenariat avec l'Agence Aga Khan pour l'habitat et la Fondation Aga Khan.