par Feu Son Altesse le Prince Karim Aga Khan IV, Ottawa, Canada · 25 octobre 2006 · 4 min
Bismillah-ir-Rahman-ir-Rahim
Monsieur le Premier ministre Harper
Honorables ministres
Vos excellences
Chers invités
Mesdames et Messieurs
Il y a à peine 18 mois, le gouvernement du Canada annonçait son partenariat avec l’Imamat ismaélien et le Réseau Aga Khan de développement (Réseau) en vue de la création de notre Centre mondial du pluralisme. Nous nous sommes réjouis à l’époque de ce partenariat multipartite, certes financier mais aussi institutionnel et intellectuel.
Notre sens du partenariat n’a rien de nouveau. En fait, le Réseau et le Canada ont entrepris une collaboration unique il y a de cela près d’un quart de siècle — l’année prochaine étant la 25ème année de ce partenariat — dans le cadre d’une vaste gamme de projets et dans un grand nombre de lieux, particulièrement en Asie du Sud et du Centre, en Afrique occidentale et orientale, et au Moyen Orient. L’origine de notre collaboration remonte donc à bien longtemps.
Cette collaboration modèle est fortement ancrée dans une convergence extraordinaire de valeurs — notre dévouement à la fois mutuel et fort envers le concept et la pratique du pluralisme.
En ma qualité d’Imam des Musulmans ismaéliens chiites au cours du dernier demi siècle, j’en suis venu à apprécier l’importance du pluralisme sous toutes ses formes. Après tout, la communauté ismaélienne est, elle même, une grande famille internationale, recouvrant un grand nombre de régions géographiques, de cultures, de langues et d’ethnies — et partage son existence avec des populations de plusieurs fois. En outre, la plupart du travail que j’ai effectué au cours de cette période a concerné des sociétés hautement diverses du monde en développement, bien souvent souffrant de pauvreté, de violence et de désespoir. Dans de telles circonstances, un engagement envers le pluralisme n’est donc pas un accident. Le pluralisme est, en effet, une série délibérée de choix qu’une société doit faire si elle veut éviter des conflits coûteux et canaliser la puissance de sa diversité pour régler les problèmes humains.
Vous ne serez donc pas surpris de constater que l’expérience du Canada en tant que société pluraliste modèle me fascine. Mon engagement actif aux côtés du Canada a commencé dès les années 1970 lorsqu’un grand nombre d’Ismaéliens ont trouvé un refuge chaleureux, ici même au Canada, après avoir fui les conflits ethniques en Afrique orientale. Depuis, la communauté ismaélienne s’est fortement enracinée ici, est devenue autonome, et peut dorénavant apporter sa propre contribution au modèle pluraliste du Canada. Ce modèle, à son tour, en est un qui peut enseigner bien des choses au monde entier, et l’inspirer.
Comme les Canadiens le savent si bien, l’idéal du pluralisme n’est pas nouveau en ce monde. Il a des fondations honorables et anciennes, y compris des racines profondes dans la tradition islamique. Ce qui est sans précédent aujourd’hui, c’est une société mondialisée, intimement interconnectée et extraordinairement interdépendante.
De nombreux facteurs ont contribué à ce nouvel ordre: la fin de la Guerre froide, les avancées techniques des transports et des communications, les migrations accélérées des peuples. Or l’impact de ces forces va probablement s’intensifier à l’avenir. A mon avis, ce à quoi nous faisons face actuellement, c’est à une nouvelle et éprouvante période de l’histoire humaine, où les valeurs et les pratiques pluralistes séculaires ne sont plus tout simplement désirables – elles sont devenues absolument essentielles – et pas seulement pour l’évolution future du monde mais également pour notre survie même.
L’Imamat ismaélien et le Réseau Aga Khan de développement sont fortement reconnaissants envers le gouvernement et la population du Canada pour la vision, la générosité et le respect mutuel qui nous ont amenés à ce moment mémorable.
Notre entente est l’exemple même du pluralisme au travail, regroupant des individus, des idées et des ressources, venant de continents et de cultures différentes, de traditions religieuses et séculaires, ainsi que des secteurs public et privé. Il est en parfaite harmonie avec cet esprit, aujourd’hui.
Cette impulsion que nous ressentons à ce moment ci va certainement renouveler notre confiance alors que nous cherchons à faire le lien entre nos passés diversifiés et notre futur commun.
Nous espérons profondément que le Centre mondial du pluralisme deviendra une force vitale pour la recherche, l’apprentissage et le dialogue, dans notre monde; fera appel aux Canadiens et Canadiennes de tous les horizons; et tendra la main à une vaste gamme de partenaires.
Je suis fortement reconnaissant envers le gouvernement du Canada d’avoir si généreusement contribué à ses ressources matérielles et intellectuelles. La mise à la disposition de l’ancien Musée de la guerre, pour en faire le siège du Centre, est un geste particulièrement généreux et symbolique. Remplaçons la guerre par la paix. Nous nous engageons à investir dans cet édifice de sorte qu’il devienne un digne testament du leadership du Canada sur la scène mondiale en faveur du pluralisme.
Les personnes qui parlent d’une inévitablement « confrontation des civilisations » peuvent aujourd’hui pointer du doigt un nombre sans cesse croissant de symptômes qui semblent leur donner raison.
Toutefois, j’ai la ferme conviction que ce diagnostic est faux — que ces symptômes sont plus spectaculaires que représentatifs, et qu’ils sont ancrés dans l’ignorance humaine plutôt que dans la personnalité humaine.
Le problème de l’ignorance en est un qui peut être confronté. Peut être même peut il être réglé — mais uniquement si nous nous concentrons sur l’éducation avec une énergie, une créativité et une intelligence à toute épreuve.
Voilà donc pourquoi nous sommes convaincus que le Centre mondial du pluralisme est indispensable. Voilà pourquoi le Centre mondial du pluralisme existe aujourd’hui. Et voilà aussi pourquoi le Centre mondial du pluralisme suscite d’énormes promesses pour notre avenir à nous tous et toutes.
Je vous remercie.