par Son Altesse l'Aga Khan, Ottawa, Canada · 6 juin 2005 · 7 min
Votre Excellence la Gouverneure Générale,
Monsieur le Maire,
Vos Excellences,
Invités distingués,
Mesdames et messieurs,
Je suis profondément touché par les paroles cordiales et l’accueil généreux qui m’ont été réservés par votre Excellence. Je remercie également le gouvernement du Canada pour sa gentillesse et les facilités qui m’ont été accordées au cours de cette visite et des nombreuses autres visites, ainsi que, Monsieur le Maire, pour l’hospitalité de cette belle ville. Je suis particulièrement heureux de souhaiter la bienvenue et de remercier nos invités distingués d’être parmi nous lors d’une occasion qui revêt une signification spéciale pour la communauté ismailie et l’Imamat. Car, il s’agit en effet d’un moment précieux, d’une étape importante dans l’avancement de notre relation de valeur.
Il y a presque trois décennies et demie, le Canada ouvrait ses portes à des milliers de personnes dépossédées – des Ismailis et d’autres – qui avaient été expulsés de leur pays natal, l’Uganda, qui faisait alors l’objet d’une tyrannie brutale. De nombreux autres gens, venant de pays en détresse comme l’Afghanistan et le Tajikistan, ont également trouvé ici, une terre accueillante.
Grâce à l’industrie, l’intelligence, l’éducation et l’initiative personnelle, mais avant tout, grâce à toutes les réassurances que confère une société pluraliste équitable, ils ont été en mesure de rebâtir rapidement leur vie et leurs institutions, et ils s’acquittent de leurs responsabilités en tant que citoyens de ce merveilleux pays et envers les moins privilégiés ailleurs.
La cérémonie d’aujourd’hui est, par conséquent, une occasion appropriée pour réitérer, au nom de la communauté ismailie et moi-même en tant que leur Imam, notre gratitude durable à l’égard du gouvernement et des gens du Canada. L’événement qui nous réunit, soit l’initiation de la Délégation de l’Imamat ismaili, est une célébration de la présence de la communauté à titre permanent au Canada, et de son engagement envers ce pays.
Reflétant le pluralisme du monde musulman en général, les Ismailis sont une communauté d’une riche diversité au sein de la secte Shia de l’Islam, qui appartiennent à des traditions ethno-géographiques et linguistiques distinctes, notamment, arabes, iraniennes, de l’Asie centrale, chinoises et de l’Asie du Sud. Ils vivent partout en Asie, au Moyen-Orient et dans l’Afrique sub-saharienne, mais dans les dernières décennies, se sont également établis en grand nombre en Amérique du Nord et en Europe. Étant par conséquent, une communauté transnationale, les Ismailis sont, d’abord et avant tout, des citoyens actifs et loyaux des pays dans lesquels ils vivent, bien que du point de vue de leur perspective, ils transcendent les divisions Nord, Sud, Est et Ouest. Quel que soit le contexte de leur vie, ils partagent tous, comme les autres musulmans, l’engagement envers une éthique dont les valeurs convergent sur la dignité inhérente de la personne humaine en tant que la création la plus noble. Sur le plan historique, ils sont unis par une allégeance à l’Imam héréditaire vivant du temps par la descendance du dernier Prophète de l’Islam, le Prophète Muhammad (Que la paix soit sur lui) par l’intermédiaire de sa fille Fatima et de son mari, Hazrat Ali, le cousin du Prophète et le premier Imam Shia.
Dans la tradition éthique musulmane, qui relie l’esprit à la matière, l’Imam ne dirige pas seulement l’interprétation de la foi, mais aussi l’effort d’améliorer la qualité de la vie de sa communauté et de celle des sociétés plus larges dans lesquelles elle vit; car le principe directeur des institutions de l’Imamat est de remplacer les murs qui divisent par des ponts qui unissent.
C’est un honneur et un privilège de vous avoir parmi nous Votre Excellence pour la mise en place de la Délégation de l’Imamat ismaili. Je remercie également la Commission de la capitale nationale sous la direction du président Marcel Beaudry, Monsieur le Maire Robert Chiarelli et le conseiller municipal Georgres Bedard de la ville d’Ottawa, dans le quartier duquel se trouve la Délégation, ainsi que la direction civique de la capitale en général pour le soutien vital et l’encouragement constant qu’ils ont prodigués dans la recherche de ce site et de son développement.
La Délégation jouera un rôle de représentation de l’Imamat et de ses agences de développement philanthropiques et non confessionnelles que constituent le Réseau de développement Aga Khan, l’AKDN. Installation ouverte et séculaire, la Délégation sera un sanctuaire pour la diplomatie pacifique et discrète, éclairée par la perspective de convergence mondiale et de développement de la société civile de l’Imamat. Ce sera un lieu propice à la tenue d’engagements publics, de services d’information et de programmes d’éducation fructueux, qui seront tous appuyés par une recherche de grande qualité, afin d’assurer la vie d’un centre intellectuel vibrant et d’une institution chargée d’éclaircir les politiques clés.
La planification architecturale a été confiée aux mains très capables de M. Fumihiko Maki, un architecte de renommée mondiale. Maki and Associates ont mon admiration enthousiaste pour traiter avec tact et empathie des défis que pose la conception qui est à la fois difficile et subtile. En effet, celle-ci requiert l’interprétation de concepts dont le contexte s’inscrit dans notre foi et notre histoire, mais avance avec audace et confiance dans l’avenir, dans la modernité; elle exprime à la fois la nature exotérique et ésotérique, la fierté dans notre humilité à l’égard des mystères de la Nature, du Temps et au-delà.
Le résultat est une action réciproque de multiples facettes, comme le crystal de roche. Dans celles-ci se trouvent des plateformes d’une horizontalité pure mais translucide. Tout le spectre de la lumière prend vie et disparaît avec le mouvement des yeux. Dans l’Islam le divin se reflète dans la création de la Nature.
L’immeuble reposera sur un podium construit d’une pierre de granite linéaire solide. Il sera recouvert d’un dôme en verre à travers lequel la lumière illuminera deux espaces symboliques de multiples directions : un atrium intérieur et une cour extérieure paysagée en quatre quartiers, rappelant le jardin islamique persan traditionnel, le Chahr-bagh. La nature sera présente, non seulement dans la verdure des arbres et des fleurs qui égaieront le site, mais aussi dans l’immeuble, puisque nous pourrons parfois voir les feuilles et les pétales capturées dans le crystal de roche, mais toujours visibles à travers la translucidité unique. L’immeuble sera une métaphore de l’humanisme et de l’esprit éclairé ainsi que de l’humilité qui découle de la quête incessante de réponses menant inévitablement à d’autres questions.
Grâce à son ouverture et à sa transparence, la Délégation sera un siège symbolique de la présence permanente de l’Imamat au Canada et une plateforme destinée à établir des échanges constructifs qui permettront d’élargir mutuellement les horizons moraux et intellectuels. Pour l’AKDN, ce sera une fenêtre servant à renforcer les partenariats existants et cultiver de nouveaux avec les agences nationales et internationales présentes à Ottawa, et qui partagent l’éthique de contribuer à l’amélioration de la qualité de la vie dans les pays en développement.
Ce souci d’améliorer la condition humaine souligne la relation de longue date qu’entretient l’Imamat ismaili et l’AKDN avec le gouvernement du Canada et les institutions de société civile dans de nombreuses parties d’Afrique et d’Asie.
Notre présence dans ces régions, terre natale de certaines des populations les plus déshéritées et les plus diverses de la planète, nous a sensibilisé ensemble aux problèmes que pose le sous-développement persistant, notamment le fait que le progrès humain ne peut être soutenu que quand les gens peuvent participer à leur propre gouvernance. Les élections parlementaires ne sont qu’un seul aspect de la participation. Revêtant tout autant d’importance, sinon plus, est l’accès à une société civile saine, dotées de facettes multiples pouvant pénétrer tous les domaines de l’interaction humaine, rurale et urbaine, et qui soit capable d’aller chercher et de gérer le meilleur de tous les segments de la population.
La réussite de l’expérience de la démocratie, de la société civile et du pluralisme est le génie national du Canada qui fait âprement défaut dans une grande partie du monde en développement. À titre d’exemple – et il y en a de nombreux – est la façon dont ces atouts canadiens peuvent transformer les conditions de vie, je cite souvent notre expérience dans le nord du Pakistan; la situation d’une étude de cas d’un environnement physique difficile, d’une région mal lotie ayant des faibles perspectives de développement, le tout encore compliqué par des hostilités religieuses et ethniques.
L’AKDN y est présent depuis plus de vingt ans avec l’ACDI comme partenaire principal. Notre micro-expérience conjointe de la démocratie, de la société civile et du pluralisme au niveau local a servi de tremplin au triplement radical des revenus par personne et a entraîné les améliorations correspondantes des services sociaux et la prise de conscience culturelle dans ce qui était autrefois l’une des régions les plus pauvres de la terre. Les tensions refont surface à l’occasion, incitée par des méfaits, mais en général, là où il y avait conflit naissant du désespoir et des mémoires passées, il y a maintenant une humeur de consensus bâtie autour de l’espoir dans l’avenir.
C’est par conséquent une excellente occasion de reconnaître avec gratitude la contribution intellectuelle, institutionnelle et financière du Canada pour son partenariat avec l’AKDN dans la création d’un nouveau Centre mondial de pluralisme ici à Ottawa.
Tirant parti de l’expérience d’une démocratie pluraliste qu’est le Canada et en hommage à celle-ci, cette recherche et le Centre d’éducation travailleront en étroite collaboration avec les gouvernements, les milieux universitaires et la société civile dans des pays différents du point de vue culturel. Le but est d’encourager des politiques et des lois pour que le pluralisme prenne racine dans tous les aspects de la vie moderne : le droit, la justice, les arts, les médias, les services financiers, la santé et l’éducation.
Il est encourageant de savoir que dans un rapport publié au mois de mars cette année, le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international a reconnu l’importance critique d’établir des partenariats avec les pays du monde musulman. Il soulignait le besoin de travailler, non seulement avec les gouvernements, mais aussi avec la société civile et les minorités, pour réaliser les objectifs clés de la politique internationale du Canada qui consistent à partager son expérience de bonne gouvernance et de développement économique.
Reconnaissant la contribution de la civilisation musulmane au développement du monde occidental même, et de l’affinité de l’Islam aux valeurs de pluralisme et aux préceptes démocratiques libéraux, le Comité et le gouvernement ont signalé leur intention de prendre des mesures visant à améliorer la compréhension mutuelle entre le Canada et le monde musulman.
La Délégation de l’Imamat ismaili dans la capitale fédérale, le nouveau musée Aga Khan et le Centre ismaili qui sera construit à Toronto, figurent parmi les symboles de l’importance et du respect que le Canada, maître d’œuvre des pays de l’Ouest en général, accorde au monde de l’Islam, et dont la communauté ismailie, par une minorité très diverse, est pleinement représentative. Que cette compréhension mutuelle, si importante à la stabilité et au progrès de notre monde puisse se répandre à profusion.
J’espère sincèrement, que par sa présence et par les fonctions qu’elle remplira, la Délégation de l’Imamat Ismaili, sera un lieu d’intérêt éclairant sur le «Mile historique». Modèle d’amitié envers tout un chacun, elle fera rayonner les préceptes de l’Islam, soit une humanité unique, la dignité de l’homme, la noblesse de l’effort conjoint dans les actes de bonté.
Merci.