par Président Yoweri Kaguta Museveni , Kampala, Ouganda · 11 septembre 2025 · 9 min
AKDN / Akbar Hakim
Honorables ministres présents avec nous aujourd’hui, à commencer par la ministre de l’Éducation et des Sports, et toutes les personnes ici aujourd’hui :
Premièrement, permettez-moi de vous adresser à nouveau, Votre Altesse l’Aga Khan, toutes mes condoléances pour la perte de votre père, qui était un très cher ami et avec qui nous avions passé du temps ensemble il n’y a encore pas si longtemps. Nous sommes très affectés par sa disparition, alors qu’il œuvrait encore en faveur de l’humanité.
Deuxièmement, je vous souhaite la bienvenue, ici en Ouganda, ainsi qu’aux membres de votre famille, qui ont fait le déplacement spécialement pour la mise en service du campus de l’Université Aga Khan (AKU). Soyez les bienvenus.
Troisièmement, permettez-moi de dire qu’il semble que les prières de la communauté ismailie semblent plus puissantes que les autres, car vous nous avez amené la pluie. Nous l’attendions depuis longtemps, et moi-même je priais en silence pour qu’elle arrive, mais il semble que vos prières aient été plus entendues.
Hier, je racontais à Son Altesse ma première rencontre avec une figure ismailie. C’était à Ntungamo, ma ville de naissance. À l’époque, il y avait quelques échoppes tenues par des Indiens - nous les appelions tous ainsi, sans faire de distinction. Quatre échoppes, toutes apparemment, appartenaient à des Ismailis. J’expliquais hier à Son Altesse que ces mêmes commerçants accrochaient des portraits dans leurs échoppes. Il y en avait au total trois. Tout en haut, on trouvait celui de la reine Élisabeth II, car nous étions alors sous colonisation britannique. En dessous, sur la droite, il y avait le portrait d’un homme âgé d’origine asiatique. À cette époque, je ne savais pas de qui il s’agissait. Puis, sur la gauche, il y avait le portrait de l’Omugabe, notre roi local. En 1957, nous apprenions que ces mêmes commerçants avaient échangé le portrait de l’homme âgé par celui d’un nouveau jeune homme. Son visage laissait deviner sa jeunesse. On nous disait qu’il s’agissait alors du nouveau « roi des Indiens ». C’était Son Altesse l’Aga Khan IV. À l’époque, nous pensions que tous les Indiens étaient ismailis. C’est donc à ce moment que j’ai commencé à découvrir l’histoire de l’Aga Khan et des Ismailis. Lorsque j’ai fait mon entrée au gouvernement, j’ai commencé à travailler en étroite collaboration avec lui. Je tiens donc à rendre hommage à la communauté de l’Aga Khan, qui est résolument tournée vers les problématiques de développement.
En 1959, lorsque j’ai quitté mon petit village, celui où se trouvaient ces fameuses échoppes tenues par des Indiens, mais où il y en avait deux autres tenues par des personnes originaires de la péninsule arabique, je me suis rendu dans la ville principale de notre district, Mbarara. À cette époque se trouvait là-bas une grande école secondaire, l’École secondaire Aga Khan, destinée aux enfants d’origine asiatique, mais fréquentée également par d’autres élèves. Cet établissement se trouvait relativement loin de Kampala, à environ 320 kilomètres. Mais, déjà en 1959, l’École secondaire Aga Khan existait. Je crois qu’il s’agissait alors d’un collège ou d’une institution similaire. Lorsque je suis arrivé à Kampala, il y avait une grande école, dont je ne pourrais affirmer l’existence encore à ce jour, dans le quartier de Mengo. Elle aussi portait le nom d’École secondaire Aga Khan. Existe-t-elle encore ? C’était un établissement important, qui s’accompagnait d’autres projets satellites.
Comme je l’ai évoqué hier avec Son Altesse, il y a eu, dans les années 1960, certaines difficultés liées à un climat politique tumultueux. Dans le cadre du mouvement anticolonial, le rôle du secteur privé faisait l’objet d’une certaine confusion. Certains combattants anticoloniaux considéraient alors que le secteur privé était synonyme de colonialisme. Ainsi, pour obtenir l’indépendance, il leur semblait alors nécessaire que l’État contrôle l’économie. C’est ainsi que nos gouvernements, ici en Afrique de l’Est particulièrement, ont perturbé certains de vos programmes [du Réseau Aga Khan de développement].
Je me souviens de ce bâtiment, même si je ne sais pas s’il existe encore ; l’immeuble des Industrial Promotion Services (IPS), au cœur de Kampala. Il y en avait également un à Dar es Salaam. Pour l’époque, il s’agissait de très beaux édifices.
Certaines de ces propriétés ont été saisies par nos gouvernements. On parlait alors de nationalisation ou, en swahili, de kutaifisha.
Le positif, comme je le rappelais à Son Altesse hier, est que certains d’entre nous, depuis 1960, ont continuellement été impliqués dans la lutte pour l’indépendance de l’Afrique. C’est pourquoi, au fur et à mesure de nos études, nous avons compris qu’il y avait eu une erreur dans la stratégie adoptée. Certes, les combattants anticoloniaux aspiraient à l’indépendance et à la puissance. Mais comment acquiert-on cette puissance ? Sans une économie solide, ce n’est tout simplement pas possible. Et alors, la question se pose : qui peut nous aider à bâtir une économie forte ?
Ainsi, vers 1975, nous avons enfin compris, et je m’inclus dans le lot, qu’il n’y avait en réalité aucun problème avec le secteur privé. Que c’était précisément lui qui pouvait contribuer à renforcer l’économie tout en limitant les coûts, grâce à une supervision autonome et à son esprit d’innovation, et nous permettre d’exploiter tout notre potentiel. Lorsque nous sommes arrivés au gouvernement en 1986, toute cette confusion n’occupait plus nos esprits. … Nous conservons encore quelques entreprises publiques, comme la National Water Corporation, mais la majeure partie de l’économie a été privatisée. C’est donc avec cette vision claire que nous avons repris nos relations avec Son Altesse. Nous avons restitué toutes les propriétés des citoyens privés qui avaient été saisies par le gouvernement, ainsi que celles des institutions, telles que celles de l’Aga Khan. Ainsi, en ce jour, je tiens à assurer à Son Altesse et à toutes les parties concernées que, sur le plan politique, les combattants pour la liberté en Afrique ont désormais une compréhension claire.
Et le positif dans cette histoire est que certains d’entre nous bénéficiaient d’une autorité établie. Ce que les Africains rejettent, ce sont les personnes qui se mettent à la solde des intérêts étrangers. Si l’on pense que vous êtes à la solde d’intérêts étrangers, on ne vous accordera pas de confiance, car ce sont de telles personnes qui ont causé de nombreux problèmes dans notre région. Mais, à l’époque, c’était justement là notre avantage : chacun connaissait notre histoire, savait qui nous étions. Lorsque j’ai prononcé le discours au Parlement, alors que nous débattions vigoureusement de la voie à suivre, nous nous demandions ce qu’il fallait faire. Qu’est-ce qui est bon à prendre ? Qu’est-ce qui n’est pas bon à prendre ? Maintenant, il est clair pour tout le monde que le secteur privé constitue la meilleure voie pour bâtir une économie solide. Le gouvernement peut intervenir ponctuellement, mais l’effort principal doit émaner du secteur privé.
Aujourd’hui, le climat d’investissement est bon en Ouganda. Cependant, conservez votre vigilance, car il existe certaines formes de corruption ! Et le point faible se cache derrière les investisseurs qui ne dénoncent pas ces comportements. Pour ma part, je m’en rends généralement compte moi-même tardivement. Ainsi, chers investisseurs, je vous encourage à signaler ces personnes qui cèdent à la corruption, celles qui vous demandent de l’argent, qui réclament des parts dans des entreprises dans lesquelles elles n’ont aucune implication. Dénoncez-les ! Sauf si vous faites partie de ces personnes, nous sommes prêts à collaborer efficacement avec vous.
Nous travaillons également avec nos frères africains sur la question de l’intégration des marchés, car il est impossible de développer une économie ou une production sans disposer d’un marché. Où vendre ses produits ? Depuis longtemps, nous nous efforçons d’apporter des solutions à cette question de l’intégration des marchés, et nous avons réellement progressé sur ce sujet. Il subsiste encore certains points bloquants, mais nous les surmonterons, car la logique est du côté de la rationalisation et une part essentielle de cette rationalisation consiste en l’intégration des marchés en Afrique.
C’est donc avec une grande joie que je me tiens ici aux côtés de Mama et de Son Altesse l’Aga Khan pour inaugurer ce Centre académique. Félicitations à la communauté de l’Aga Khan. Je vous adresse tous mes remerciements pour la construction de ce centre d’envergure internationale, qui s’appuiera sur des salles connectées et des technologies de pointe pour former nos étudiants, sans que nous ayons recours à toutes les méthodes manuelles que nous utilisions par le passé.
Nous nous réjouissons également du lancement de la construction de l’hôpital, qui commencera prochainement. Nous savons déjà que l’établissement contribuera grandement au secteur de la santé de notre pays. À chaque fois que je me rends en Tanzanie ou au Kenya, j’entends parler de l’Hôpital Aga Khan, même si je n’y suis jamais allé personnellement. Aujourd’hui encore, de nombreux Ougandais se rendent à Nairobi pour bénéficier des services de l’Hôpital Aga Khan. Je vous adresse donc mes remerciements et mes félicitations pour ces deux institutions, l’université et l’hôpital. Je tiens également à remercier les partenaires allemands de ce projet, dont je n’avais pas connaissance de l’implication. Bravo à nos amis allemands ! Merci du fond du cœur.
Sur le sujet de la santé, je souhaite informer chaque personne ici, ainsi que le monde entier, que notre peuple commence à apporter de belles contributions à l’humanité. Ce que beaucoup de personnes oublient, c’est que les êtres humains peuplent cette terre depuis près de 4,5 millions d’années, et que les premiers sont apparus ici, en Afrique. Ainsi, les racines de toutes les personnes ici présentes remontent à l’Afrique. Je vous considère toujours comme faisant partie de la diaspora africaine. Ce que certains d’entre vous ont peut-être négligé, c’est que vous représentez la diaspora, tandis que nous sommes les « résidents », les personnes qui sont restées ici. …Comme vous pouvez le voir, notre climat est favorable à l’existence humaine, bien plus que dans de nombreuses autres régions du monde. Lorsque je me rends en Europe, le climat est trop rigoureux pour moi. Il fait très froid, et à chaque voyage, j’ai hâte de revenir ici. Cependant, notre climat s’est aussi révélé propice à la prolifération de ce que j’appelle « nos ennemis ». Favorable à notre peuple, mais également aux autres organismes vivants qui nous sont hostiles : les moustiques, les mouches tsé-tsé, ou encore les bactéries. C’est pourquoi, à l’origine, vous, membres de la diaspora, vous êtes multipliés davantage que nous, les « résidents ».
Jusqu’à récemment, la population de l’ensemble de l’Afrique était inférieure à celle de l’Inde. L’Inde compte environ 1,4 milliard d’habitants et, jusqu’à récemment, la population totale de l’Afrique n’atteignait pas ce chiffre. Pourtant, l’Afrique est 12 fois plus grande que l’Inde. Aujourd’hui, pour la première fois, nous comptons plus d’habitants en Afrique qu’en Inde. Nous comptons aujourd’hui 1,5 milliard de personnes et, dans trente ans, nous estimons que nous serons 2,5 milliards, soit un quart de l’humanité. Si nous avons atteint ce chiffre, c’est parce que, enfin, nous avons pu contrôler nos ennemis sur le continent ; je parle une fois encore des moustiques, des mouches tsé-tsé et des bactéries qui limitaient jusque-là l’augmentation de notre population. Mais au cours de ces 4,5 millions d’années, nous avons accumulé de nombreuses connaissances sur la santé humaine, un savoir que les personnes externes au continent ne possédaient pas. Lorsque les Européens sont arrivés ici, ils ont fait preuve d’une grande arrogance et ont, en quelque sorte, mis de côté nos connaissances. Mais aujourd’hui, nous sommes remontés en puissance. Nos scientifiques font d’importantes avancées et découvrent de nombreuses solutions pour la santé humaine.
Il semble qu’ils aient découvert, pour la première fois, un traitement permettant de guérir le diabète, une maladie qui a longtemps représenté un problème majeur pour l’humanité. Nos scientifiques ont également, semble-t-il, découvert des traitements contre le cancer, contre toutes les formes de cette maladie qui ont causé tant de souffrances. Ils ont en outre découvert un traitement contre le paludisme, qui vient en complément de la quinine, découverte il y a de nombreuses années en Amérique du Sud. Notre peuple dispose aujourd’hui d’une approche alternative à la quinine pour lutter contre le paludisme. Je connais moi-même plusieurs solutions en matière de santé humaine, et j’ai encouragé le gouvernement à les mettre en œuvre.
C’est pourquoi, puisque le secteur de la santé s’inscrit dans vos intérêts, je tenais à vous informer que, si vous le souhaitez, nous pourrions également coopérer dans ce domaine. J’entends par-là de travailler sur ces connaissances indigènes, de les transposer dans des formes modernes qui puissent bénéficier à l’humanité, de manière efficace et à moindre coût, afin de permettre une guérison complète sans dépendance permanente à des médicaments.
Pour conclure, j’aimerais préciser que, lors d’une de ses visites, j’avais remis à feu Son Altesse l’Aga Khan des médailles. Je souhaiterais désormais remettre ces mêmes distinctions à vous, Votre Altesse. Je vous invite donc à prendre le micro et à présenter l’allocution justifiant l’attribution de ces médailles à Son Altesse et aux membres de sa famille.
Je vous remercie et vous souhaite une bonne continuation.