par Très Hon. Adrienne Clarkson, Toronto, Canada · 15 octobre 2010 · 5 min
Votre Altesse,
Chers amis,
J’ai le privilège de vous présenter ce soir Son Altesse l'Aga Khan, l'imam des musulmans chiites ismailis.
Il est la personnification même des valeurs que les Canadiens chérissent le plus et des actions qui ont fait de ce pays ce qu'il est aujourd’hui. Il ne célèbre pas seulement la diversité, mais il honore également les différences entre les peuples qui, paradoxalement, peuvent se révéler être leurs plus forts liens. Dans ce monde, l’Aga Khan assume deux rôles ; l’un dont il a hérité et qui lui confère une extraordinaire mission, et l’autre sur lequel il s’est appuyé et qu'il s’est réapproprié, qui nous concerne tous aujourd'hui. Il témoigne des relations créatives entre valeurs spirituelles et préoccupations matérielles, une idéologie unique dans le monde d’aujourd'hui et qui constitue un modèle pour nous tous.
Il est le 49e imam héréditaire des musulmans chiites imamites ismailis. Il est un descendant direct du prophète Mahomet (que la paix soit sur lui et sur sa famille) par l'intermédiaire de son cousin et gendre Ali, le premier imam, et de sa femme Fatima, la fille du Prophète. Il est ainsi le chef spirituel d’environ 14 millions d’ismailis, qui vivent à travers le monde entier, principalement en Asie centrale et occidentale, en Afrique, au Moyen-Orient, en Amérique du Nord et en Europe occidentale.
Il englobe le monde dans sa propre existence. Fils du prince Aly Khan et petit-fils de Sir Sultan Mahomed Shah Aga Khan, il est né à Genève. Il a passé son enfance à Nairobi, au Kenya, a fréquenté l’Institut LeRosey, en Suisse, et a obtenu un diplôme à Harvard, aux États-Unis, en 1959. Alors qu’il n’avait que 20 ans et était encore étudiant à Harvard, il est devenu l’imam héréditaire, après avoir été directement désigné par son grand-père, comme le veut la tradition. J’étais étudiante à l’université ici, au Canada, au moment où Son Altesse est devenue l’Aga Khan. Je me rappelle très bien avoir pensé à ce qu’il avait dû ressentir, alors qu’il venait d’être investi soudainement d'une immense responsabilité au même âge que moi, et qu'une grande confiance avait alors été placée en lui par son remarquable grand-père, qui avait la tâche complexe de gérer la communauté ismailie pendant la période coloniale. Son petit-fils a depuis vu le monde évoluer, grandir et devenir de plus en plus complexe, notamment au lendemain de l'indépendance des républiques centre-asiatiques de l’ancienne Union soviétique.
Toutefois, sa famille s’était déjà fait une place dans le domaine du développement de l'interconnectivité de notre monde. Dans les années 1930, son grand-père fut le Président de la Société des Nations, une organisation qui servit de base à la création des Nations Unies. Son père, le prince Aly Khan, fut l’Ambassadeur du Pakistan aux Nations Unies. Son oncle, le prince Sadruddin, dirigea le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et fut responsable du Programme humanitaire dans les pays du Moyen-Orient, jusqu’aux frontières de l’Irak et de la Turquie. Son frère, le prince Amyn, qui est parmi nous ce soir, est entré dans les affaires économiques et sociales de l’ONU dès sa sortie de Harvard et participe désormais à la gouvernance du Réseau Aga Khan de développement (AKDN).
Historiquement, les ismailis créèrent un État basé au Caire qui, pendant plusieurs siècles, développa les arts, la science et le commerce. Toutefois, ils furent dispersés au 13e siècle et se retrouvèrent en Perse, en Asie centrale, en Syrie et en Inde. Le Réseau Aga Khan de développement est le moyen de Son Altesse de rassembler la foi et les actions des ismailis. Selon la tradition ismailie, l’imam dirige ses fidèles dans l’interprétation des questions de foi et des relations de cette foi avec l’état du monde dans lequel nous vivons, dans lequel nous nous trouvons. Cette tradition repose sur l’éthique de l’islam, dans laquelle tous les aspects économiques, sociaux et culturels déterminent ensemble la qualité de vie des êtres humains. Comme l’Aga Khan le dit souvent, « nous avons été créés par un seul Créateur ».
Depuis 1957, il initie des projets qui ont toujours été soutenus par les communautés visées, aussi diverses soient-elles. Ces projets ont pour but d’autonomiser ces communautés et impliquent fréquemment des partenaires extérieurs à la communauté ismailie. Quiconque connaît des ismailis au Canada sait qu’ils sont les premiers à se porter volontaires ou à donner de leur temps en faveur de causes qui touchent l’intérêt général. Ce dévouement est inhérent à leur tradition et est admiré par tous les Canadiens. Son Altesse l’Aga Khan a accompli un immense travail au travers du Réseau Aga Khan de développement, car comme il l’a déclaré, « le développement n'est durable que si les bénéficiaires deviennent, petit à petit, maîtres du processus ».
Le Réseau de santé Aga Khan compte 168 centres dans des pays comme le Pakistan, l’Inde, le Tadjikistan, l’Afghanistan, le Kenya, la Tanzanie et l’Ouganda. Le Réseau Aga Khan de développement accueille les traditions culturelles très différentes dans tous les pays ou régions où il est actif. Et lorsqu’on y pense, ces régions et pays sont si variés qu’ils sont la définition même de la diversité et de la pluralité. Au travers de tout ce travail, l’Aga Khan cherche à former des passerelles entre les mondes développé et en développement. Quoi qu’il fasse, il reste très conscient de la dignité de tous les êtres humains. Il a conscience que nous sommes tous humains et que personne n’est plus humain que quiconque, mais aussi du droit de tous les êtres humains de bénéficier de ce que la vie a de mieux à nous offrir dans ce monde en matière de culture, de santé, d’éducation et d'implication dans la vie sociale.
Alors que j’étais Gouverneure générale en 2005, l’Aga Khan nous a fait l’honneur d’accepter d’être compagnon honoraire de l’Ordre du Canada. Au cours de ma dernière année à Ottawa, je l’ai aidé à planter la pelle dans le sol à l’occasion de la cérémonie de pose de la première pierre de la Délégation de l’imamat ismaili sur la promenade Sussex, dont le bâtiment est désormais ouvert et constitue un très beau modèle architectural sur cette importante route de la ville. Récemment, j’ai également participé à la cérémonie de pose de la première pierre, organisée à Toronto, du nouveau Centre ismaili et du Musée Aga Khan, qui occuperont un magnifique emplacement juste derrière la Don Valley Parkway. En 2009, il est devenu citoyen honoraire du Canada. La semaine dernière, le Centre mondial du pluralisme, un projet conjoint entre le Réseau Aga Khan de développement et le gouvernement canadien, a organisé sa première réunion. Je suis ravie de siéger au conseil d’administration et de présider le comité exécutif de ce centre, et de contribuer ainsi à concrétiser le projet de Son Altesse dans le cadre de son partenariat avec le Canada dans les domaines de la pluralité et de la diversité. Nous ressortirons tous plus forts de cette expérience. Le Canada peut être fier qu’il nous ait choisis comme centre pour ce travail, qui est très cher à son cœur. Au nom de tous les Canadiens, je souhaite le remercier.
Nous ne pourrions avoir de meilleur citoyen et de meilleur messager de la devise de l’Ordre du Canada : « ils veulent une patrie meilleure ». Grâce à l’Aga Khan et à ce qu'il représente, nous formons une meilleure patrie.