Indisponible · 27 septembre 2023 · 4 min
Shenin Virji travaille au sein du groupe Serena Hotels depuis 20 ans. Dans le cadre de ses missions, elle combine sa passion pour la protection de l’environnement et ses connaissances en gestion des données pour assurer la croissance et le développement stratégiques de l’entreprise. Responsable de la planification et de l’analyse des activités pour l’Afrique, elle mesure l’impact du travail du groupe en matière de durabilité et le compare aux meilleures pratiques afin de garantir qu’il contribue à la protection de la planète et de toutes les personnes qui la peuplent. Shenin nous parle des changements environnementaux qui touchent les hôtels d’Afrique de l’Est et de la manière dont Serena Hotels fait face à la situation.
« Lorsque le groupe Serena Hotels a été créé il y a 50 ans, l’objectif n’était pas seulement de mettre sur pied une organisation rentable, mais également de montrer l’exemple », explique Shenin. « Nous nous donnons pour mission de contribuer à la croissance économique et de développer le tourisme tout en réduisant notre empreinte écologique. Le paysage du développement durable évolue inexorablement et, récemment, même les normes comptables internationales (IFRS) ont publié leurs premières normes relatives à l’information sur le développement durable. Nous avons déjà une longueur d’avance sur ce point. »
Au cours de ses déplacements dans les différents établissements Serena, Shenin ne peut que constater la pression que les humains font peser sur l’environnement. « En raison de la croissance démographique, on observe une diminution de la couverture forestière. Les ressources en eau, elles, continuent de se raréfier. Cependant, au cours des 30 dernières années, les changements que j’ai le plus remarqués sont l’imprévisibilité des précipitations et l’augmentation des températures, qui entraînent des épisodes de sécheresse de plus en plus fréquents. Vers la fin de l’année dernière, le Kenya a connu sa pire sécheresse depuis 40 ans. Avec l’aide de nos fournisseurs, le groupe Serena Hotels a mis à disposition des communautés locales vivant aux alentours des Safari Lodges Amboseli Serena et Kilaguni Serena des vivres et de l’eau et a mis sur pied des camps de santé. Nous avons également réapprovisionné régulièrement les points d’eau pour la faune sur toute cette période. »
« Avant cela, la fonte des glaciers du Kilimandjaro avait transformé le parc national d’Amboseli en un écosystème de zones humides. De nouvelles espèces d’oiseaux aquatiques sont alors apparues, ce qui a modifié la palette de couleurs du paysage. Mais de l’autre côté de la montagne, le temps était beaucoup plus sec qu’à l’accoutumée. Nous observons des changements permanents dans les paysages qui entourent nos établissements. En outre, depuis que je travaille avec Serena Hotels, je vois le niveau de la mer continuellement augmenter. »
« Plusieurs conséquences du changement climatique sont occultées, notamment ce que l’on appelle l’’éco-anxiété’ et les problèmes de santé mentale. Les changements environnementaux provoquent des vagues de chaleur, de longs épisodes de sécheresse, l’élévation du niveau de la mer et l’érosion des côtes. Tous ces phénomènes menacent les moyens de subsistance, les habitats, l’accès à la nourriture et la sécurité hydrique ce qui, par un effet domino, entraîne l’apparition de maladies, une augmentation de la malnutrition, du chômage et de la pauvreté, des conflits entre les humains et la faune et des déplacements de population. Face à une telle situation, certaines personnes pourraient sombrer dans le désespoir le plus total. D’autres pourraient subir des traumatismes liés à des événements climatiques extrêmes. »
Le secteur du tourisme aggrave-t-il ces problèmes ou, au contraire, fait-il partie de la solution ?
« Nous devons mener une action collective si nous souhaitons ouvrir la voie au changement dans différentes régions. Tout le monde devrait s’investir de la responsabilité de faire une différence. Malheureusement, c’est parfois plus facile à dire qu’à faire. Chez Serena Hotels, nous mettons en œuvre des initiatives pour montrer qu’il est possible d’agir. »
Les activités environnementales de Serena vont du renforcement de la biodiversité à la préservation de l’eau.
Dans les différentes propriétés du groupe, les clients peuvent voir des animaux menacés tels que le pélican blanc, la girafe de Rothschild, le rhinocéros blanc du Nord, le lycaon ou le gorille des montagnes. « Les frais d’entrée dans le parc nous permettent d’assurer la conservation de la faune, de lutter contre les braconniers et de lancer des initiatives en faveur des communautés locales qui résident et élèvent leur bétail dans le parc », explique Shenin.
« Il y a une dizaine d’années, nous avons lancé notre programme ‘Adopt a School’ (Adoptez une école), dont le but est d’amener les écoliers à apprendre directement dans la nature. Notre naturaliste nous aide à superviser les éco-clubs formés dans le cadre de ce programme. Les élèves qui en font partie plantent des arbres, visitent nos centrales photovoltaïques et nos stations d’épuration et apprennent à réduire et à recycler les déchets. »
« Nous mettons en œuvre de nombreux autres projets : recyclage et réutilisation de l’eau pour minimiser l’utilisation de bouteilles en plastique à usage unique, éducation des pêcheurs sur les pratiques de pêche néfastes et mise en place d’un programme incitatif avec rétribution pécuniaire en leur faveur pour protéger les tortues qui éclosent à Mombasa, plantation d’arbres ou encore utilisation de briquettes pour diminuer la production de charbon. Nous ne relâchons pas nos efforts et avons un plan d’action de décarbonisation qui s’appuie sur les données scientifiques relatives au climat les plus récentes. »
« Dans cet esprit, je pense qu’il est important de parler du travail du Prix Global Best Practices de CINET. Le Safari Lodge Kilaguni Serena, le premier lodge entièrement alimenté à l’énergie solaire au Kenya, a remporté le prix national en 2018. L’établissement a été récompensé pour la mise en œuvre de pratiques respectueuses de l’environnement dans l’entretien professionnel du textile au travers de services de blanchisserie durables et écoénergétiques pour le linge d’hôtel et les uniformes du personnel. Le lodge a été construit en 1962 et s’impose aujourd’hui comme un exemple de premier plan de la façon dont il est possible d’atteindre l’indépendance en matière d’énergie renouvelable, même dans un parc de safari reculé. Il s’est fait le précurseur de l’appel à l’action climatique dans le secteur du tourisme et de l’hôtellerie au Kenya. Depuis, le Safari Lodge Amboseli Serena et le Safari Lodge Mara Serena ont eux aussi remporté le prix. »
Avez-vous observé une évolution dans les comportements à l’égard de l’environnement et du changement climatique depuis que vous occupez ce poste ?
Bien que Shenin ait constaté une diminution du déni du changement climatique, elle a également remarqué un phénomène de concurrence des priorités. La flambée des prix de l’énergie, la sécheresse et l’insécurité alimentaire éclipsent aujourd’hui les considérations environnementales à long terme. Elle n’en reste pas moins optimiste pour l’avenir.
« Les gouvernements d’Afrique de l’Est ont pris des engagements encourageants au sujet des plans et des réglementations nécessaires pour atteindre la neutralité carbone. Lors du Sommet africain du climat 2023, les chefs d’État de plus de 25 pays du continent ont fait des annonces et pris des engagements à l’échelle nationale. Nous devons maintenant attendre de voir comment ces appels à l’action se matérialiseront au cours des prochaines années. »
En savoir plus :
Tourism Promotion Services
L’impact économique, environnemental et social du groupe Serena Hotels
Lire les autres volets de la série :
Aux frontières du changement climatique : entretien avec Harpalsinh Chudasama et Mohammad Zaman