Projecteur
Sur le chemin de l’égalité
Indisponible · 7 mars 2025 · 5 min
À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes 2025, nous mettons à l’honneur les femmes de différentes générations et de différents continents, qu’elles mènent des opérations de sauvetage d’urgence, créent des emplois, forment des chirurgiens ou se fassent les ambassadrices de la culture nationale de leur pays. Chacune de ces femmes est un modèle de résilience dans un contexte de lutte contre les obstacles systémiques liés au genre et de progression sur la voie de l’égalité.
Gulnora Mukhamadieva, directrice monde pour l’égalité des genres à la Fondation Aga Khan
« Chaque tâche confiée aux enfants vise à les rendre capables dans tous les aspects de leur vie et à les pousser à ne jamais hésiter à saisir une occasion en raison de leur genre », explique Waseema Khawaja, directrice de l’école maternelle de l’Académie Aga Khan de Nairobi.
AKDN / Georgina Goodwin
Bien que les filles et les garçons apprennent dès leur plus jeune âge que leur genre ne doit pas conditionner leur profession, les filles des pays à faible revenu sont souvent confrontées à davantage d’obstacles, qu’il s’agisse de l’absence de toilettes adaptées dans les écoles, des coutumes exigeant qu’elles ne puissent pas vivre hors de leur domicile pour étudier - ce qui limite leurs options s’il n’existe aucune école à proximité - ou de certaines traditions qui les poussent au mariage plutôt qu’à une carrière professionnelle. Dans un tel contexte, un mental de fer est de rigueur.
Pour la Dre Asel Murzakulova, il est important d’encourager les jeunes scientifiques en devenir : « Pour moi, la recherche scientifique est une source de satisfaction, de bonheur et même de force. »
UCA
« La plupart des écoles de Bichkek sont surpeuplées. Dans ce contexte, ce sont généralement les jeunes filles qui sont contraintes de quitter l’école, ou c’est tout du moins ce qu’on attend d’elles. Cette situation se traduit par une sous-représentation des femmes sur le marché du travail formel en comparaison aux hommes », explique la Dre Asel Murzakulova, scientifique de premier plan dans les domaines des conflits, des migrations, de la gestion des ressources naturelles, de la religion et du nationalisme en Asie centrale.
Directrice de recherche à l’Institut de recherche sur les communautés des régions de montagne (MSRI) de l’Université d’Asie centrale (UCA), elle a reçu la Médaille internationale de la Commission de l’éducation nationale de Pologne pour sa contribution au développement de l’éducation civique en République kirghize.
Elle considère la recherche comme un moyen d’améliorer la qualité de vie. « Nous menons des recherches scientifiques pour partager les résultats avec des institutions partenaires, comme la Fondation Aga Khan (AKF) et le Programme de soutien au développement des communautés des régions de montagne (MSDSP), afin que les populations auprès desquelles nous travaillons puissent en tirer des bénéfices le plus rapidement possible. »
Le programme de mise en circulation de rickshaws électriques roses améliore l’indépendance des femmes et permet aux conductrices telles qu’Arti d’avoir un emploi stable.
AKF / Tariq Khan
L’éducation ne devrait pas s’arrêter à la maternité. Mariée à 13 ans, Arti, une jeune femme originaire de l’Uttar Pradesh, en Inde, a suivi une formation professionnelle basée sur l’entrepreneuriat et la préparation à la vie active dans le cadre du projet Lehar. Au cours de sa formation, elle a découvert le programme de mise en circulation de rickshaws électriques roses mis en place par le gouvernement indien, dont le but est d’offrir un emploi aux femmes vulnérables et un moyen de transport sûr pour les usagères. Aujourd’hui, elle gagne suffisamment d’argent pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa fille. En 2024, elle s’est même rendue à Londres pour y recevoir le prix Amal Clooney pour l’autonomisation des femmes.
« J’ai découvert un nouveau sens de l’indépendance, une vie où je peux compter sur moi-même », explique Arti. « Je suis fière de pouvoir être source d’inspiration pour d’autres filles qui traversent une situation similaire à la mienne. »
Elizabeth Mbogo a formé 2 000 agriculteurs à cultiver le moringa en plus de leurs cultures existantes et à faire pousser des jardins-forêts composés d’arbres classiques, oléagineux et fruitiers et de plantes qui nécessitent peu d’entretien, améliorent la sécurité alimentaire et régénèrent les sols.
Ongoza
Au Kenya, il peut être difficile pour les femmes de créer une entreprise. La plupart d’entre elles ne possèdent pas de terre et n’ont pas de garantie à présenter pour l’obtention d’un prêt commercial. En outre, elles sont souvent tenues de s’acquitter des tâches domestiques et de s’occuper des enfants, ce qui limite le temps qu’elles ont à consacrer à leurs projets.
À ses débuts, Elizabeth Mbogo, fondatrice de Botanic Treasures, société spécialisée dans la nutrition, peinait à obtenir des services de soutien aux entreprises, et ce malgré son succès. C’est pourquoi elle a rejoint Accelerating Women Climate Entrepreneurs (AWCE), qui s’efforce de répondre aux besoins des entrepreneuses, par exemple par la mise en place de services de garde d’enfants. Après avoir suivi une formation professionnelle, reçu un financement de 5 000 dollars et bénéficié d’un accompagnement personnalisé pendant six mois, elle a été en mesure de rénover son magasin et d’aider ses employées à créer des coopératives et à épargner en toute sécurité pour payer les frais de scolarité de leurs enfants et répondre à d’autres besoins.
Dans le nord du Pakistan, les premières femmes à avoir intégré des équipes de recherche et de sauvetage font encore figure d’exemples une génération plus tard.
AKDN
Gul Noori a fait partie de la première génération de femmes du nord du Pakistan à rejoindre une équipe de recherche et de sauvetage, qui intervient dans des situations d’urgence potentiellement mortelles comme les avalanches. Pour les femmes comme elle, les obstacles étaient alors nombreux : nécessité de porter des caisses à outils de 80 kg, descendre des flancs de montagne en rappel et gérer les plaintes de leurs familles quant au fait qu’elles portaient des chemises et des pantalons pendant l’entraînement. « Nous avons surmonté nos peurs et gagné en courage. Aujourd’hui, nous n’avons plus peur de rien. » L’histoire de Gul Noori a inspiré d’autres femmes dans la région.
L’une d’entre elles s’appelle Fauzia. Vingt-cinq ans plus tard, certaines personnes lui disent encore que les femmes ne peuvent pas être secouristes. Mais après avoir participé à de nombreuses opérations de recherche de victimes après une catastrophe, elle peut aujourd’hui affirmer à sa fille : « Tu n’as pas à être timide, tu peux être forte. » Selon elle, de nombreuses femmes s’inquiètent encore de la garde de leurs enfants et de la gestion des tâches ménagères, mais « si les femmes ne pensent qu’à cela, elles n’accompliront jamais rien. Nous devons continuer à travailler pour aller de l’avant et ne jamais nous arrêter. »
Dans le nord du Pakistan, près de 50 % des volontaires de l’Agence Aga Khan pour l’habitat (AKAH) sont des femmes.
« Il n’est pas ici question de donner raison à un genre plus qu’à l’autre, mais de déterminer la manière dont nous pouvons rassembler nos compétences et nos points de vue pour créer un corps professionnel diversifié qui contribue à améliorer l’expérience des patients qui passent par les systèmes de santé africains », explique la Dre Mutebi.
AKU
Éminente chirurgienne spécialisée dans le cancer du sein, la Dre Miriam Mutebi a cofondé l’Association panafricaine des chirurgiennes (PAWAS), qu’elle décrit comme « un réseau continental, une sorte de sororité, qui s’étend du Cap au Caire » dont le but est d’aider des chirurgiennes à se rencontrer et à aborder différentes questions. « Les femmes ont un rôle unique à jouer dans le secteur de la santé, notamment parce qu’elles peuvent contribuer à faire tomber certains obstacles socio-culturels auxquels elles sont confrontées dans nos communautés lorsqu’elles cherchent à se faire soigner. »
« Être la première chirurgienne spécialisée dans le cancer du sein au Kenya fait peser d’importantes responsabilités sur mes épaules, mais je suis reconnaissante d’avoir ce privilège. Cela s’applique à tous les secteurs ; lorsqu’on est la première personne à occuper quelque poste que ce soit, il faut faire en sorte de ne pas être la dernière à l’avoir fait. Nous nous devons donc d’encadrer nos collègues et d’encourager davantage de femmes à intégrer le domaine de la chirurgie afin de garantir la diversité du personnel de santé et d’améliorer les résultats pour les patientes. »
« L’exposition Kurak: The Interwoven Stories of Women (Kurak : les histoires croisées des femmes) reflète le passé, le présent et la solidarité qui unit les femmes de génération en génération », explique Altyn.
Image courtesy of Baktygul Midinova
Pendant des siècles, les femmes des sociétés nomades ont joué un rôle crucial, alors qu’elles s’acquittaient de nombreuses tâches, telles que la conduite des chevaux, la gestion du foyer, le montage et le démontage des tentes, l’éducation des enfants et la confection d’objets artisanaux. Pourtant, leurs contributions ont souvent été oubliées dans les archives historiques ou dans les données des institutions culturelles.
Altyn Kapalova, chercheuse au sein de l’Unité pour le patrimoine culturel et les sciences humaines (CHHU) de l’Université d’Asie centrale (UCA), s’assure que l’histoire et les contributions des femmes soient reconnues et représentées. À la tête du programme de développement des musées d’Asie centrale, qui favorise l’inclusion des genres dans les musées, elle est la commissaire de l’exposition Kurak, qui met en lumière l’art textile des femmes de la région. L’un des musées partenaires de ce programme a par exemple ravivé l’histoire des ouvrières du coton et fait aujourd’hui connaître leur rôle dans le façonnement du paysage économique et social de la République kirghize.
« Aujourd’hui, lorsqu’on entre dans un musée, il y a une dominante masculine. Or, qu’une femme soit activiste, artiste ou femme au foyer, elle doit pouvoir se voir reflétée dans l’histoire. Ces histoires ne relatent donc pas seulement le passé ; elles constituent une base pour les femmes d’aujourd’hui », explique Altyn. « Nous réinscrivons les femmes dans l’histoire, là où elles sont censées apparaître. »