Qatar · 30 octobre 2024 · 6 min
Doha, Qatar, le 31 octobre 2024 - L’art vivant et la performance musicale ont harmonieusement fusionné lors d’une première mondiale mettant en scène la peintre et artiste visuelle Tazeen Qayyum et le collectif « Aga Khan Master Musicians » (AKMM). Présentée conjointement par le musée Art Mill et le Programme Aga Khan pour la musique (AKMP), cette performance a été spécialement commissionnée pour l’inauguration de Manzar, une exposition avant-gardiste célébrant l’art et l’architecture du Pakistan. Cet événement marque le début d’un nouveau partenariat entre l’AKMP et les institutions culturelles qataries.
Intitulée Isma’u wa’u, la performance réunit sur scène la célèbre artiste visuelle pakistano-canadienne Tazeen Qayyum et des membres fondateurs du collectif « Aga Khan Master Musicians », à savoir Basel Rajoub et Feras Charestan, dans le cadre d’une représentation immersive basée sur la calligraphie, la musique improvisée, la transe et le mouvement.
Le nom Isma’u wa’u, qui peut se traduire en français par « Écoutez et apprenez », provient d’un célèbre idiome arabe attribué au chef religieux et écrivain du 7e siècle Quss Ibn Sa’ida. Prenant cette expression comme point de départ, Tazeen Qayyum a sélectionné quatre mots clés qui en traduisent certaines idées essentielles : Sama (écouter), Basr (voir), Fehm (comprendre) et Dikr (se souvenir). Ces termes, dont la signification et la résonance transcendent les cultures, sont utilisés et compris dans plusieurs langues, notamment en ourdou (la première langue de Tazeen Qayyum), en arabe et en farsi.
L’exposition et la performance ont attiré un public composé d’éminentes personnalités internationales, à l’image de l’émir du Qatar, Son Altesse Cheikh Tamim ben Hamad Al-Thani, Son Excellence Cheikha Al Mayassa Bint Hamad Bin Khalifa Al-Thani et le Premier ministre du Pakistan, Shehbaz Sharif.
Récit de la performance : Partant du centre d’une grande toile posée à même le sol, Tazeen Qayyum inscrit les quatre mots dans une calligraphie complexe en formant des cercles concentriques qui rayonnent de plus en plus vers l’extérieur et s’agrandissent et se développent au fur et à mesure qu’elle travaille. Son écriture se mue alors presque en une sorte de danse en solo, alors que ses mouvements intimes se reflètent dans les gestes tout aussi délicats de Basel Rajoub (saxophone) et de Feras Charestan (kanoun) sur leurs instruments respectifs. La représentation se veut à la fois un test d’endurance physique exigeant pour l’artiste et les musiciens, mais aussi un voyage émotionnel intense, tel un pèlerinage philosophique vers la profondeur des concepts que représentent les mots choisis.
Basel Rajoub et Feras Charestan observent l’écriture et les mouvements de Tazeen Qayyum et y répondent étroitement au travers d’une musique improvisée en duo et inspirée des traditions moyen-orientales dont ils sont si proches. À l’instar de la calligraphie complexe de leur partenaire, leur processus de création musicale se déroule spontanément, sous la forme d’une improvisation collective, unissant les trois artistes dans un acte de création visible. Bien que la réponse musicale des deux musiciens soit profondément enracinée dans la tradition, elle amène également un nouveau contexte et un sens redéfini à cette musique traditionnelle, encourageant ainsi le public à la redécouvrir.
Tazeen Qayyum crée des œuvres calligraphiques circulaires similaires dans des espaces internationaux depuis une dizaine d’années. L’écriture des textes qu’elle choisit devient une performance, explique-t-elle, et invite les spectateurs à prendre part au processus créatif d’une œuvre d’art à la fois par l’observation et par l’écoute. Elle entre souvent dans un état qu’elle décrit comme proche de la transe, alors que le sens de ses mots s’efface au profit de leurs formes et des mouvements nécessaires pour les réaliser. Bien qu’elle s’inspire de la riche histoire de la calligraphie islamique, elle apporte une perspective résolument moderne axée sur l’acte de création lui-même et sur ses liens matérialisés avec la performance musicale. Elle explique que son objectif est que tous les participants, à savoir elle-même, les musiciens et le public qui observe la représentation, ralentissent le cours de leurs pensées et de leurs actions, se concentrent sur l’écriture et la musique et contemplent les images, les sons et les mouvements, ainsi que leurs similitudes et leurs différences. Isma’u wa’u encourage ainsi une observation attentive de l’œuvre qui prend vie spontanément, les quatre mots choisis - écouter, voir, comprendre, se souvenir - devenant des suggestions sur la manière de la percevoir.
La première mondiale d’Isma’u wa’u s’est déroulée après le coucher du soleil au musée national du Qatar, à Doha, un bâtiment conçu par le célèbre architecte français Jean Nouvel. Cette représentation ouvre la voie à un nouveau partenariat entre le Programme Aga Khan pour la musique, le musée Art Mill et le Music Lab, une institution innovante qui accompagne les jeunes talents locaux.
L’exposition Manzar est ouverte au public jusqu’au 31 janvier 2025. Elle rassemble environ 200 œuvres, notamment des peintures, photographies, vidéos, installations et tapisseries, qui représentent plus de 80 ans de création artistique. L’exposition propose au public d’explorer les thèmes de la continuité et de la discontinuité, de la résilience et des enjeux écologiques au travers du travail de près de 100 artistes et architectes basés au Pakistan et dans le monde entier. Elle met en lumière leurs langages visuels profondément personnels ainsi que leurs liens avec des styles nationaux et internationaux. Elle s’inscrit dans le cadre du programme automne/hiver de Qatar Crates, le programme annuel des arts et de la culture du Qatar qui vise à ancrer les arts et la culture dans la société qatarie et à ouvrir l’accès au meilleur de la culture du Qatar et d’ailleurs.
À propos des artistes
Née à Karachi et aujourd’hui basée en Ontario, au Canada, Tazeen Qayyum est une peintre et artiste visuelle de renommée internationale qui travaille au travers du dessin, de l’installation visuelle, de la sculpture, de la vidéo et de la performance. Elle a été nommée pour plusieurs récompenses artistiques prestigieuses, dont le Jameel Prize 2013 et le prix KM Hunter Award 2014, et a reçu le prix d’excellence 2015 de la Canadian Community Arts Initiative, ainsi qu’une bourse de l’UNESCO en 2000 pour travailler et étudier à Vienne. Elle intègre des éléments intangibles tels que la répétition, le rythme, l’équilibre et la géométrie dans ses œuvres visuellement complexes et propose ainsi une compréhension à plusieurs niveaux des matériaux et techniques qu’elle utilise au cours de son processus créatif.
Compositeur et virtuose du kanoun, Feras Charestan est originaire de la ville d’Al-Hasakeh, dans le nord-est de la Syrie, et réside actuellement à Stockholm, en Suède. Il a étudié le kanoun à Damas, et son travail s’étend à la musique traditionnelle ainsi qu’à des genres populaires et contemporains. Il se produit notamment en tant que soliste de kanoun aux côtés d’orchestres symphoniques. Il est l’un des membres fondateurs du collectif « Aga Khan Master Musicians ».
Saxophoniste, multi-instrumentiste, compositeur, improvisateur et enseignant, Basel Rajoub est né à Alep et vit aujourd’hui à Genève. Considéré comme un interprète pionnier de la musique du Moyen-Orient au saxophone, il a créé une musique nouvelle réunissant des musiciens du Moyen-Orient, d’Afrique du Nord, d’Asie et d’Europe. Il est également l’un des membres fondateurs du collectif « Aga Khan Master Musicians » et du Soriana Project, qui rassemble des musiciens syriens et occidentaux, mais aussi le directeur artistique de l’Ensemble oriental de la Haute École de Musique de Genève.
Programme Aga Khan pour la musique
Constitué en 2000, le Programme Aga Khan pour la musique (AKMP) collabore avec des musiciens et ensembles traditionnels d’Afrique de l’Ouest, d’Afrique du Nord, d’Asie centrale, d’Asie du Sud et du Moyen-Orient. L’AKMP met en lumière la musique comme une expression fondamentale de la spiritualité humaine et comme un moyen essentiel de promouvoir la tolérance, la curiosité et le pluralisme en fédérant les individus et les communautés et en faisant découvrir le travail de ses musiciens à un public mondial. Tout en honorant et en appuyant les traditions souvent anciennes des communautés auprès desquelles il travaille, le Programme encourage également les artistes contemporains à développer de nouveaux projets. Ces artistes, immergés dans leurs riches patrimoines, créent ainsi une musique inspirée de sources traditionnelles tout en conservant leur liberté créative.
L’AKMP mène ses activités par l’intermédiaire d’un réseau d’écoles de musique et de centres de développement implantés au Moyen-Orient et en Asie centrale, notamment en Égypte, au Pakistan, en République kirghize et au Tadjikistan. Ces établissements visent à réinventer le modèle traditionnel de transmission du savoir maître/apprenti propre à ces régions en l’adaptant à notre époque contemporaine. Ils ont également pour but de permettre à de jeunes musiciens d’exception d’apprendre et de se produire sur scène.
L’ensemble « Aga Khan Master Musicians » est un vivier d’interprètes exceptionnels sélectionnés parmi les meilleurs artistes ayant travaillé avec l’AKMP depuis ses débuts. Ces musiciens vont au-delà de leurs traditions individuelles pour partager leurs idées musicales et leur savoir au travers de performances novatrices, mais occupent également un rôle d’enseignants, de mentors et de conservateurs dans le cadre duquel ils transmettent leurs compétences aux nouvelles générations. Créés en 2018, les Prix Aga Khan de Musique récompensent la créativité, l’engagement et les initiatives tenant de l’exceptionnel en musique dans les sociétés du monde.