Fondation Aga Khan
Afghanistan · 3 novembre 2023 · 6 min
Depuis maintenant deux ans, l’Afghanistan est aux prises avec l’une des pires crises humanitaires que le monde ait connues. Plus de 90 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, alors que le pays a augmenté sa dépendance envers l’aide humanitaire de 60 % depuis 2021. À cette crise socio-économique s’ajoutent les catastrophes naturelles, dont l’intensité ne cesse de croître en raison du changement climatique et de conditions météorologiques extrêmes. Ces facteurs viennent malheureusement mettre en péril le peu de moyens de subsistance encore exploitables. Jour après jour, les Afghans font montre d’une résilience à toute épreuve dans la lutte continue qu’ils mènent pour gagner leur vie et nourrir leur famille.
Bien que l’aide humanitaire reste à ce jour essentielle - 28 millions des 35 millions d’habitants de l’Afghanistan ont un besoin immédiat - elle est en soi une solution à court terme. Forts d’un travail collaboratif historique en soutien au peuple afghan, la Fondation Aga Khan (AKF) et le gouvernement britannique ont conclu un nouveau partenariat pour répondre à la situation. D’une durée de 15 mois, le programme prévu vise à aider les communautés afghanes à sortir des mécanismes d’aide humanitaire immédiate pour faciliter leur reconstruction et leur autonomisation.
Depuis 2022, 300 000 personnes ont déjà bénéficié de ce programme d’une valeur de 10,2 millions de livres mis en œuvre dans neuf provinces. Dans le cadre de ce partenariat, l’AKF axe son travail sur plusieurs secteurs où les besoins sont les plus urgents : agriculture et sécurité alimentaire, renforcement des moyens de subsistance et inclusion économique, et santé. Le programme a également comme objectif d’améliorer la qualité et l’accessibilité de l’éducation pour les enfants et les jeunes.
Stimuler le secteur agricole et renforcer la sécurité alimentaire
Dans les régions rurales d’Afghanistan, les moyens de subsistance agricoles sont en péril. En effet, la flambée des prix des denrées alimentaires vient se greffer à un cycle incessant d’épisodes de sécheresse et de catastrophes naturelles. Pour les communautés rurales, cette réalité brutale fait planer l’ombre d’une grave famine. Pour répondre à cette situation, l’AKF s’efforce d’aider 15 000 petits exploitants agricoles à produire du blé et des légumes.
Ghani Bai habite dans un village de la province de Baghlân où environ 300 familles vivent de l’agriculture. Les sécheresses récurrentes et le coût élevé de semences certifiées étouffent cette petite communauté, qui ne tire plus que de maigres récoltes sur des terres qui étaient autrefois fertiles. Dans le cadre du programme, l’AKF a fourni à Ghani Bai des semences de qualité et des engrais adaptés. « J’ai planté les semences qui m’ont été fournies, et maintenant, mes parcelles sont prêtes pour la récolte. Je pense gagner suffisamment en vendant mes légumes pour subvenir aux besoins de ma famille et me réapprovisionner pour la saison prochaine. »
Ghani Bai – Agriculteur
Pour ceux qui ne possèdent pas de terres, il est extrêmement difficile de trouver un emploi près de chez eux. Pour stimuler l’économie locale, l’AKF soutient ainsi la mise en œuvre d’initiatives de travail rémunéré en espèces afin d’améliorer la productivité agricole tout en développant l’emploi.
Khan Lala, qui habite également dans la province de Baghlân, a subi de plein fouet cette diminution du travail. « Je suis allé dans d’autres provinces, et même à Kaboul, pour trouver un emploi, mais mes recherches sont malheureusement restées vaines », explique-t-il. « J’en suis venu à devoir emprunter de l’argent pour subvenir aux besoins de ma famille. » Khan Lala a rejoint une initiative de travail rémunéré en espèces, dans le cadre de laquelle il a, avec d’autres hommes de sa communauté, restauré un canal d’irrigation de trois kilomètres. Le but de ce projet était d’améliorer le débit d’eau du canal et de permettre aux agriculteurs locaux d’irriguer plus régulièrement leurs rizières.
Khan Lala fait partie des plus de 1 400 membres de communautés locales ayant participé à des initiatives de travail rémunéré en espèces soutenues par l’AKF. Outre le fait de gagner un revenu direct, ces bénéficiaires ont également effectué un travail de protection et de restauration des terres agricoles dont leurs communautés profiteront sur le plus long terme.
Développer les moyens de subsistance
Hors du secteur agricole, l’emploi a également diminué, et de nombreuses familles ont subi une baisse de leurs ressources. Les micro-entreprises et petites entreprises mènent une lutte incessante pour survivre dans un contexte d’instabilité économique où l’accès à des services financiers adaptés est insuffisant. Les mouvements de population à l’intérieur du pays viennent aggraver cette situation déjà précaire. Depuis 2021, 3,25 millions d’Afghans ont été contraints de fuir leur domicile, que ce soit en raison de phénomènes météorologiques extrêmes ou de déplacements économiques qui les éloignent de leurs sources de revenus habituelles.
Dans plusieurs provinces du pays, les communautés se sont penchées sur un nouveau moyen de subsistance : l’apiculture. Dans l’objectif de soutenir ces efforts, l’AKF fournit du matériel et propose une formation technique à actuellement 249 personnes, qui ont ainsi l’occasion d’exploiter une nouvelle chaîne de valeur. La Fondation soutient les initiatives d’apiculture depuis de nombreuses années dans le pays. Dans la province de Takhâr, Abdul Hakim élève des abeilles avec le soutien de l’AKF depuis 2015. « Maintenant que je suis passé expert dans le domaine, je peux exporter un miel d’excellente qualité sur le marché », explique-t-il.
Abdul Hakim - Apiculteur
L’AKF soutient également la mise en place de groupes d’épargne communautaires (CBSG) depuis de nombreuses années en Afghanistan. Dans le contexte de la crise actuelle, les CBSG constituent un filet de sécurité financière pour de nombreuses communautés, qui se voient bénéficier d’un espace sûr pour se réunir et partager leurs expériences.
Dans un village de la province de Deykandi, la plupart des habitants dépendent de l’horticulture et gagnent donc des revenus selon la saisonnalité de leurs plantes. En résultat, ils ont souvent des difficultés à répondre à leurs besoins de base hors saison. Les femmes, en particulier, ont un accès limité aux services d’épargne et de prêt ou à l’emploi. Grâce à un CBSG créé avec le soutien de l’AKF, 14 femmes d’une communauté locale peuvent désormais envisager l’avenir. Chaque membre verse 100 afghanis (1,33 dollar) par mois au fonds d’épargne du groupe. Chacune peut en parallèle emprunter de l’argent pour acheter des médicaments, des vivres ou d’autres produits de première nécessité. Certaines d’entre elles sortent même des sentiers battus : Bahar a par exemple contracté un prêt pour ouvrir une épicerie au sein de son village. Face à son succès, d’autres membres ont utilisé l’argent du CBSG pour créer de petites entreprises. Toutes disent vouloir soutenir les moyens de subsistance locaux sur le long terme. Dans le cadre du programme, l’AKF a soutenu 731 CBSG comme celui-ci, pour un total de plus de 3 360 bénéficiaires.
Renforcer le système de santé
Au cours des dernières décennies, le système de santé afghan était principalement financé par la communauté internationale. Malheureusement, dans le contexte de la crise actuelle, ce financement s’est appauvri, ce qui soumet le système de santé à une pression sans précédent. Cette situation a entraîné des taux alarmants de mortalité néonatale, maternelle et des enfants de moins de cinq ans. En parallèle, les catastrophes naturelles accélèrent la propagation de maladies infectieuses telles que la rougeole, le tétanos, le paludisme et même la COVID-19.
Dans ce contexte, l’AKF distribue des médicaments essentiels aux établissements de santé afin que les patients puissent bénéficier de traitements gratuits. Depuis le début du programme, 27 hôpitaux ont reçu des médicaments. À ce jour, ils ont traité plus de 34 000 femmes souffrant de problèmes de santé maternelle et reproductive.
Pour prévenir la propagation de maladies, l’AKF a également mené des campagnes de sensibilisation à la santé et à l’hygiène, travaillant directement auprès des communautés pour aborder l’importance de la santé maternelle et infantile, de la vaccination, de la nutrition et de la santé mentale. Dans un village reculé de la province de Bâmiyân, les mères n’avaient pas accès à des informations fiables sur les soins de santé. Grâce aux campagnes de l’AKF, Maryam, une jeune mère, a renforcé ses connaissances en matière de vaccination et de santé maternelle et infantile et milite désormais en faveur de l’application de bonnes pratiques dans ces domaines au sein de son village.
Outre les affections physiques, des millions d’Afghans ont développé des troubles de santé mentale, alors qu’ils luttent quotidiennement pour leur survie. Déjà confrontée à la tragédie collective de la crise humanitaire, Razia, une femme de la province de Deykandi, a essuyé de terribles drames personnels, notamment la mort de son mari et de son jeune fils. Avec l’aide de l’AKF, Razia a pu consulter un psychologue qui l’a aidée à mieux comprendre sa santé mentale. Grâce aux sessions qu’elle a suivies, elle a trouvé un nouveau but et a retrouvé goût à la vie au travers de son nouveau travail de tisseuse de tapis. Son psychologue l’a mise en relation avec un programme de formation professionnelle soutenu par l’AKF, ce qui lui a permis de lancer son entreprise de création de tapis et d’atteindre l’indépendance financière.
L’espoir en dépit de la crise
Le partenariat entre l’AKF et le gouvernement britannique en Afghanistan a déjà permis d’établir des bases solides pour que les communautés rurales du pays puissent continuer à renforcer leur résilience en dépit de la crise. Les histoires de personnes comme Ghani Bai, Khan Lala, Bahar, Maryam et Razia sont représentatives de l’espoir inébranlable dont font preuve les communautés du pays. Alors que sur les mois et les années à venir plane l’ombre de l’incertitude, l’AKF reste fermement engagée à soutenir le peuple afghan et à l’aider à se construire un avenir au-delà de la seule survie, un avenir marqué par la prospérité.
Les noms des personnes mentionnées dans cette histoire ont été changés pour protéger leur identité.
Cet article est à l’origine paru sur le site www.akf.org.uk.
En savoir plus sur le lancement du programme.