par Feu Son Altesse le Prince Karim Aga Khan IV, Antananarivo, Madagascar · 27 novembre 2007 · 4 min
Monsieur le Premier Ministre,
Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale
Messieurs les Ministres,
Excellences,
Mesdames et Messieurs,
Je tenais tout d’abord, particulièrement à vous remercier pour l’invitation que vous m’avez adressée au nom du Président de la République et du Gouvernement malgache, ainsi que pour l’accueil chaleureux et l’hospitalité si caractéristiques du peuple malgache, que vous m’avez réservés. Cela me va droit au coeur. Je voudrais également vous dire combien vos mots me flattent et m’honorent, tout autant qu’ils honorent ma communauté.
C’est en 1956, il y a 50 ans, que pour la première fois, j’ai mis les pieds sur le sol Malgache. Parmi les visites effectuées depuis, celle-ci revêt un caractère particulier et symbolique pour moi et ma communauté. Je célèbre, en effet, l’année de mon Jubilée d’Or et je vous remercie de vos félicitations à cette occasion en visitant tous les pays chers à mon cœur, et ayant une signification particulière pour les Ismailis et moi-même.
La communauté ismailie, implantée à Madagascar depuis une centaine d’années, s’est fortement impliquée dans la vie économique et sociale du pays et s’est fondue dans le tissu national, pour devenir l’une des nombreuses cultures et traditions qui font la richesse du pays. Les Ismailis sont établis dans près de trente-cinq pays à travers le monde et représentent un pluralisme culturel et linguistique considérable.
L’éthique de l’Islam établit un lien indissociable entre la vie spirituelle et la vie matérielle, Din et Dunya. En conséquence, mes responsabilités de chef spirituel et d’interprète de la foi vont-elles de pair avec un profond engagement en faveur de l’amélioration de la qualité de la vie. Cette action ne se limite pas à la communauté ismailie, elle s’étend à tous ceux qui partagent leur vie, que ce soit à l’échelle locale, nationale ou internationale.
Notre devoir est de chercher à libérer les hommes de la pauvreté. Et pour moi, pauvreté signifie être sans abri, sans protection, sans accès à la médecine, à l’éducation, au crédit, et sans espoir d’autonomie face à son destin. Cela veut dire la condamnation de ses enfants et petits-enfants à des conditions de vie inacceptables.
Une démarche volontariste et novatrice doit être entreprise dans la perspective de casser cette chaîne de désespoir et d’emprisonnement total.
C’est pourquoi, en tant qu’Imam des Ismailis, j’ai considéré qu’il était de mon devoir de relever les défis auxquels ces populations sont confrontées aujourd’hui. J’ai choisi de m’engager dans des projets de développement dans tous ces domaines, par l’intermédiaire d’un groupe d’agences privées connues sous le nom du Réseau Aga Khan de Développement (AKDN), un réseau multisectoriel ayant pour but de combattre la pauvreté, au service de tous, sans distinction de religion ni d’origine.
En mai 2005, avec le soutien du gouvernement de Madagascar et des Ministres ici présents, nous avons identifié la région de Sofia afin d’y établir un programme de développement rural. Ce programme, utilisant des méthodes novatrices, notamment dans la formation des paysans, a permis de doubler le rendement à l’hectare de la production rizicole et bénéficie d’ores et déjà à près de 10 000 agriculteurs participants.
En s’appuyant sur un savoir-faire acquis dans plus de 12 pays d’Afrique et d’Asie, nous avons également introduit en 2006 à Madagascar une agence de microfinance, la P.A.M.F. qui compte, à ce jour, sept filiales en zone rurale et urbaine et près de 3 000 clients.
Parmi d’autres initiatives, le Fonds Aga Khan pour le Développement Economique (AKFED), encourage le progrès économique des pays en développement ou en reconstruction post-conflit. L’AKFED intervient dans des domaines où les retours sur les investissements sont longs et incertains, et où nombre d’investisseurs privés considèrent qu’il est risqué d’investir. Les profits générés par AKFED sont réinvestis dans des projets dans des pays, en insuffisance d’investissement étranger afin de consolider leur économie nationale. Nous avons ainsi récemment lancé des projets dans les domaines de l’énergie auxquels vous avez fait référence (avec l’inauguration il y a quelques mois d’une nouvelle centrale hydroélectrique à Bujagali en Ouganda), des télécommunications (en Afghanistan) ou du tourisme (notamment en Afrique de l’Est), où l’initiative privée se met au service des priorités nationales.
L’importance capitale que le « Madagascar Action Plan » (MAP) accorde à l’éducation a particulièrement retenu notre attention car il concourt avec l’approche de notre Réseau.
L’objectif est de stopper la fuite des cerveaux, véritable fléau des pays en voie de développement, en proposant des universités aux standards internationaux dans des campus régionaux tels que celui que je viens juste d’annoncer à Arusha qui pourrait à terme servir tous les pays de l’Afrique de l’Est et de l’Océan indien. De telles institutions permettront, je l’espère, de rompre la dépendance du Sud par rapport au Nord et de former le leadership de demain. L’amélioration des institutions d’enseignement primaire et secondaire d’excellence, avec un curriculum international et multilingue, permettra aux élèves d’accéder à ces universités ainsi qu’aux meilleures institutions dans le monde. De plus, un Centre de Développement Professionnel soutiendra l’amélioration de la compétence des enseignants, et l’introduction de méthodes d’enseignement innovantes.
Madagascar, en ayant identifié les défis auxquels sa population fait face, a clairement défini sa feuille de route. Et c’est en partageant de manière idoine avec le Réseau Aga Khan de Développement sa vision du futur, que nous pouvons dorénavant avancer main dans la main pour les générations à venir.
Merci.