Madagascar · 25 juin 2019 · 3 min
Selon l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), l'autorité mondiale pour ce qui concerne l’état du monde naturel et les mesures nécessaires afin de le sauvegarder, 13 millions d’hectares de forêt sont détruits par an pour les besoins agricoles, industriels et domestiques de l’homme. Nous perdons environ 200 kilomètres carrés de forêt par jour. Les forêts absorbent l’eau et maintiennent la stabilité du sol, ce qui réduit les risques d'inondations et de coulées de boue entraînées par des catastrophes naturelles comme les séismes et les ouragans. Dans les régions rurales pauvres où les populations dépendent de la combustion de bois pour cuisiner et chauffer leurs maisons, la réduction rapide de la couverture forestière expose les communautés à un risque croissant de catastrophes, de perte de biens et les entraîne ainsi dans un cercle vicieux de pauvreté.
En avril 2018, nous nous étions rendus sur les lieux d'un programme pilote dans la région Diana, à Madagascar, où la Fondation Aga Khan (AKF) tentait d’introduire le biogaz comme combustible de cuisson en alternative au bois. L’utilisation d'un biodigesteur, grâce auquel on produit un gaz de cuisson inodore avec des excréments de bovins, aide à protéger l’environnement contre la déforestation. Cette méthode permet en effet d’économiser jusqu’à cinq kilos de bois et huit kilos de combustible fossile par jour. L’utilisation de gaz pour cuire les aliments réduit également les émanations de fumée dans les maisons, qui sont souvent la cause de maladies respiratoires chez les habitants de foyers ruraux pauvres. Enfin, le temps auparavant consacré à la coupe, au séchage et à la préparation du bois est désormais mis à profit par les populations pour mettre en œuvre des activités génératrices de revenus.
Martinique Boeny avait été choisie pour intégrer le programme pilote car elle possédait du bétail dont les excréments pouvaient alimenter un biodigesteur. Après avoir acheté le ciment et les autres matériaux nécessaires à la construction d'un biodigesteur, l’AKF lui avait appris comment le construire. Lors de notre visite, Mme Martinique nous avait montré comment elle nourrissait ses bovins avec de l’ahibano afin d’augmenter leur production de déchets organiques (une méthode qu’elle a apprise auprès de l’AKF), qu’elle faisait ensuite fermenter dans le biodigesteur afin de produire du biogaz. Elle nous avait ensuite montré comment ce biogaz était acheminé par des conduites jusque dans sa cuisine, où elle s’en servait pour faire fonctionner son cuiseur de riz et sa cuisinière, obtenus grâce au programme.
Nous avons récemment recontacté Mme Martinique pour savoir si son biodigesteur fonctionnait toujours bien. Elle nous a expliqué que, depuis sa mise en service, elle n’avait pas dépensé un centime dans l’achat de charbon ou de bois. Cela lui permet ainsi d’économiser 40 000 ariarys (10 dollars) par mois, qu’elle investit dans son groupe d’épargne communautaire. Une fois qu’elle aura récupéré la rétribution annuelle du groupe d’épargne, elle prévoit d'utiliser l’argent pour acheter un zébu femelle pour la reproduction de son bétail. Mme Martinique nous a également raconté avoir plus de temps libre depuis qu’elle utilise du biogaz. Elle n’a en effet plus besoin d’aller chercher du bois, une activité souvent très chronophage. En outre, en cuisinant au gaz, elle est en mesure de cuisiner, de faire le ménage et d’accomplir d’autres tâches en parallèle, ce qui lui laisse le reste de la journée pour s'occuper de son bétail et de ses champs.
Avec l’aide de la coopération Commission de l'océan indien - Union européenne (COI-UE), le programme de l’AKF à Madagascar a installé 64 biodigesteurs à ce jour et prévoit d’en installer un total de 120 unités dans la région Diana d’ici la fin de 2019.