Pakistan · 7 mars 2024 · 5 min
À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes 2024, partez à la rencontre d’Afsheen Jiwani, fervente militante en faveur du renforcement du pouvoir des femmes, de la diversité et du bénévolat. Sa confiance en elle, elle l’attribue à ses années passées au Lycée Aga Khan de Karachi (AKHSS). Découvrez son histoire.
« C’était une formidable époque », raconte-t-elle. « J’étais en filière économique, et mes camarades et moi formions un groupe très agréable. Je suis toujours en contact avec une bonne partie d’entre eux. Je chéris vraiment les amitiés que j’y ai forgées. »
« À ce moment, l’établissement était relativement nouveau, il n’était donc pas facile d’y entrer. Lorsque j’ai reçu ma lettre d’admission, mes parents étaient très fiers de moi. Je revois mon père pleurer de joie. »
« J’ai grandi dans un milieu modeste », explique Afsheen. « Mon père était vendeur, ma mère institutrice dans le public. Cependant, ils faisaient tout pour que mon frère et moi bénéficiions d’une éducation de qualité. Je leur suis infiniment reconnaissante pour les sacrifices qu’ils ont faits en ce sens. »
« Le système scolaire dans lequel j’ai commencé mon cursus était correct, mais cela ne me suffisait pas. J’avais de bonnes notes, je voulais étudier. J’avais envie de passer à la vitesse supérieure. L’AKHSS jouit d’une excellente réputation, et les cours y sont dispensés en anglais. »
Afsheen se souvient d’un environnement studieux et stimulant. Ses enseignants, qui voyaient en elle une élève passionnée, mais réservée, l’ont encouragée à prendre part à des concours de débat. Bien que l’expérience fût intimidante de prime abord, elle s’est révélée être un élément déclencheur.
« J’étais timide, je n’aimais pas du tout prendre la parole en public », se souvient-elle en riant. « Mais au lycée, j’ai débloqué cette partie de moi, de sorte que je n’aurais aujourd’hui aucun problème à prendre la parole devant une centaine de personnes. L’AKHSS encourage ses élèves à croire en eux-mêmes, et toutes les perspectives qui s’offrent à eux lors de leur cursus leur permettent d’acquérir une expérience de la vie réelle. Pour ma part, j’en ai tiré des leçons qui me servent encore aujourd’hui. »
Lycéenne, étudiante, collectrice de fonds
Après avoir obtenu son diplôme de fin d’études secondaires [équivalent du baccalauréat] en 2002, Afsheen a obtenu une bourse Aga Khan pour préparer un diplôme de licence, puis un diplôme d’études supérieures en administration des affaires. Elle a ensuite rejoint le département de développement des ressources de l’Université Aga Khan (AKU).
« C’est une expérience qui a transformé mon regard. J’ai été plongée dans une organisation d’envergure internationale, dont les nouveaux dirigeants venaient du Canada, ce qui nous a permis de mieux comprendre la situation dans le monde occidental. J’ai travaillé avec des donateurs internationaux et ai eu l’occasion de me rendre à Dubaï pour rencontrer d’autres collecteurs de fonds venant du monde entier. »
« C’est à ce moment que je me suis rendu compte de l’impact de notre travail sur la vie des personnes qui en bénéficiaient. C’était une mission très gratifiante. C’est d’ailleurs ce qui m’a ouvert les portes de mon métier actuel. »
Un saut dans l’inconnu
Résolue à devenir une actrice proéminente dans le domaine de la collecte de fonds, Afsheen a fait un saut dans l’inconnu en 2012 et a déménagé, avec sa famille, à Toronto, au Canada, où elle ne connaissait personne.
« J’étais très déterminée, car je voulais offrir la meilleure vie possible à ma fille. À l’époque, elle avait quatre ans, et mon mari et moi avons tout quitté dans ce but. »
« Ce n’était pas une décision facile. Je ne connaissais personne dans le domaine de la collecte de fonds, je ne savais pas ce que j’allais faire, mais nous n’avions pas d’autre choix que de survivre et de payer nos factures. »
À son arrivée au Canada, Afsheen a pris un emploi dans un centre d’appels, tout en cherchant, en parallèle, des offres dans le domaine de la collecte de fonds à l’échelle locale. Après avoir étudié la gestion de la collecte de fonds à l’Université métropolitaine de Toronto, elle a pris un poste d’agrégation de données pour des services sociaux visant les jeunes à risque. Elle a par la suite travaillé dans une banque alimentaire locale, où elle collectait des fonds à petite échelle.
« Parfois, il faut faire un pas en arrière pour aller de l’avant. »
« Ça n’a pas toujours été tout rose. Certaines personnes me mettaient des bâtons dans les roues. J’ai également été victime de racisme. J’ai essuyé des refus à cause de mes origines. Mais lorsqu’on me disait que je n’avais pas les compétences pour me faire une place dans le milieu, cela me motivait d’autant plus à montrer que je pouvais le faire. Et c’est ce que j’ai fait. »
« Ma famille était d’un incroyable soutien. Ma fille était une source d’inspiration, mais aussi de motivation. Il m’a fallu 10 ans pour enfin avoir l’occasion de travailler pour un hôpital, comme je le souhaitais. »
Aujourd’hui, Afsheen est directrice de campagne pour les dons majeurs auprès du Réseau universitaire de santé, l’une des principales fondations hospitalières du Canada.
Encourager les femmes à prendre confiance en elles
Lorsque le Women’s Executive Network (WXN), une organisation nord-américaine qui milite en faveur du développement, de l’émancipation et de la reconnaissance des femmes professionnelles, a dévoilé son Top 100 des Canadiennes les plus influentes 2023, Afsheen était sur la liste.
« Je n’en revenais pas. Jamais je n’aurais cru obtenir une telle reconnaissance, car tant de femmes ont fait tellement de choses dans leur vie. »
Cette distinction met en lumière les femmes qui « personnifient la définition de pouvoir au travers du travail qu’elles mènent en faveur du renforcement du pouvoir et de la défense des autres ». Pour Afsheen, il s’agit de la définition de l’importance de la représentation et de l’inclusion parmi les lauréates.
« Ce que j’espère le plus de cette récompense, c’est qu’elle puisse inspirer les autres. J’ai reçu quelques appels de femmes de couleur qui n’auraient jamais pensé pouvoir gagner ou même être nommées, qui m’ont expliqué que ma distinction les avait encouragées à prendre confiance en elles. »
Bâtir un monde plus inclusif
« Depuis mon enfance, j’ai toujours milité en faveur du renforcement du pouvoir des femmes. J’ai eu la chance d’avoir des parents qui m’ont donné les moyens de voler de mes propres ailes, qui m’ont offert une bonne éducation et qui ont cru en moi, mais j’ai également vu certaines femmes connaître le total opposé. »
« C’est ce qui m’a poussée à agir. Lorsque je suis arrivée au Canada et que je me suis lancée dans le domaine de la collecte de fonds, j’ai eu l’occasion de faire du bénévolat pour Up With Women, une organisation qui aide les femmes confrontées à la pauvreté et à la violence au sein de leur foyer. Nous aidons ces femmes à s’autonomiser et à travailler pour sortir de cet environnement délétère. »
Afsheen souligne l’importance de l’implication de tous, indépendamment du genre, dans la défense des droits des femmes.
« Je pense que la prochaine génération a les moyens d’aborder les choses sous un nouvel angle, mais cela dépendra de l’éducation de chacun. Selon moi, nous devrions apprendre aux garçons, et ça dès leur enfance, qu’ils doivent travailler autant que leur sœur ou leur mère. »
Le rôle de l’AKHSS de Karachi
Afsheen souligne l’impact que l’établissement a eu sur elle et sur son travail d’aujourd’hui.
« Au lycée, nous avions tous les mêmes chances. La parité des genres était respectée partout, même dans les filières technique ou économique. C’était un environnement très inclusif. Pas une seule fois il ne m’est arrivé de me retrouver bloquée en raison de mon genre. »
« L’AKHSS a ouvert mes horizons et m’a aidée à trouver la force qui était enfouie en moi. J’y ai appris à faire preuve de résilience, de courage et d’assurance.