Kenya · 24 août 2014 · 5 min
Tout commença lorsque l’Université Concordia de Montréal accueillit la Fondation Aga Khan Canada (AKFC) à l’occasion de l’exposition de la Fondation Aga Khan (AKF) « Bridges That Unite » (Des ponts qui rassemblent). Après plusieurs échanges entre les institutions, ces dernières décidèrent de mener un projet pilote d’intégration de la technologie dans l’apprentissage précoce de l’anglais à Mombasa, au Kenya.
Le programme
Dans le cadre du projet, l’Académie Aga Khan de Mombasa et le Centre d’études sur l’apprentissage et la performance (CEAP) de Concordia se sont associés en vue d’installer le logiciel ABRACADABRA (ABRA) dans des écoles kenyanes pour y renforcer l’alphabétisation des écoliers.
ABRA est un programme d’alphabétisation en ligne, interactif et gratuit conçu pour les élèves de premier cycle du primaire, leurs enseignants et leurs parents. Le CEAP de Concordia a développé et homologué le logiciel afin de lutter contre les très faibles taux d’alphabétisation à travers le monde. Par l’intermédiaire d’histoires et d’activités interactives numériques, ABRA contribue au renforcement de compétences telles que la compréhension de la lecture et l’écriture.
Deux phases du projet ont déjà été menées à bien et une troisième est en cours.
Lors de la première phase, six enseignants d’anglais de Mombasa et leurs classes de CE1 ont utilisé le logiciel ABRA dans la salle informatique de l’école primaire de l’Académie sur une période de 13 semaines. Six autres enseignants et leurs élèves faisaient office de groupe de contrôle et ont utilisé les mêmes contenus dans des conditions normales au sein de leurs écoles. Au cours de la deuxième phase, le groupe de contrôle a utilisé le logiciel dans la salle informatique de l’Académie. Tout au long du processus, les enseignants participant au programme étaient épaulés par des enseignants formateurs locaux de l’Académie Aga Khan de Mombasa et de l’équipe du CEAP de Concordia, depuis Montréal. Les résultats des deux phases ont dépassé les attentes.
En 2013, le CEAP a reçu une subvention du Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH) du Canada afin de mettre en œuvre une troisième phase et d’intégrer un plus grand nombre d’élèves et d’enseignants au projet.
Défis et réussites
Pour le Professeur Phil Abrami, directeur du CEAP, et Anne Wade, administratrice et spécialiste de l’information au CEAP, le déploiement du logiciel ABRA au Kenya ne s’est pas déroulé sans obstacle. Toutefois, les réussites du projet ont dépassé de loin les défis qu’il a entraînés.
« Travailler à distance est toujours une tâche épineuse, ne serait-ce que du point de vue logistique : les appels téléphoniques ne passent pas toujours, les connexions Skype peuvent sauter, l’envoi de colis dans un pays étranger est toujours compliqué, etc. », s’accordent à dire Phil et Anne. Selon eux, de telles contraintes technologiques ont rendu le déploiement d’ABRA au Kenya encore plus difficile que dans les autres pays dans lesquels ils avaient travaillé auparavant.
Malgré cela, ils se sont montrés extrêmement satisfaits des améliorations survenues dans l’enseignement et l’apprentissage, non seulement en matière d’alphabétisation, comme l’ont démontré les résultats post-test, mais aussi d’autres disciplines, comme l’a démontré la hausse des notes des élèves intégrés au programme lors des examens nationaux. En outre, ils ont remarqué un enthousiasme et une implication manifestes chez les enseignants, les directeurs, les représentants du gouvernement et le personnel de l’Académie Aga Khan.
Avantages du partenariat
Le partenariat entre l’Académie de Mombasa et le CEAP de Concordia présente des avantages pour les deux institutions.
« Ce projet n’aurait pu aboutir sans l’implication active et continue de l’Académie Aga Khan et son travail concret en faveur des communautés », ont déclaré Phil et Anne. « L’Académie n’offre pas seulement un espace propice au déroulement du projet, mais elle encourage également son personnel à prendre part de manière tangible à des activités communautaires, dans ce cas par l’élaboration et la mise en œuvre d’un programme de perfectionnement professionnel des enseignants au travers de l’utilisation de la technologie. »
Du côté de l’Académie Aga Khan, Jonathon Marsh partage cet avis : ce projet conjoint témoigne de « l’alignement des visions et des missions des deux organisations qui nous unissent ».
Progrès
Le projet s’est considérablement développé depuis son lancement il y a deux ans et compte désormais 17 centres de formation à Mombasa, Malindi, Nairobi et dans la vallée du Rift.
Bien que cela ait fatalement augmenté le nombre de difficultés logistiques, les retombées positives potentielles sont très élevées, a ajouté Jonathon.
« Les enseignants du pays sont de plus en plus enthousiastes à l’idée de bénéficier d’un meilleur accès aux outils TIC et de les maîtriser pour renforcer l’apprentissage de leurs élèves », a-t-il expliqué.
« Nous avons constaté des résultats très positifs chez les élèves. Ceux qui utilisent le logiciel font non seulement des progrès plus importants en matière d’alphabétisation, mais ont également de meilleurs résultats dans toutes les autres matières », a-t-il poursuivi. « Nous avons eu de très bons retours de la part des enseignants qui l’utilisent, qui ont été étonnés de découvrir que les enfants qu’ils pensaient incapables de lire étaient en réalité tout à fait capables, avec les bonnes méthodes pour les motiver. »
Retours des enseignants
Terry Muthoni
Terry Muthoni, une étudiante de troisième cycle en informatique, forme les enseignants à la prise en main d’ABRA, mais l’utilise aussi avec sa fille chez elle. C’est son expérience avec le logiciel qui l’a encouragée à poursuivre des études supérieures en éducation.
« À ce jour, il s’agit du seul outil que je connaisse qui aide les enfants, les parents et les enseignants et leur fournit des informations, des ressources et des guides adaptés sur une seule et même plateforme », a-t-elle déclaré. « Le programme m’a ouvert les yeux et m’a fait découvrir une vision différente du secteur de l’éducation. Je me suis rendu compte de l’impact de bonnes aptitudes et de compétences de base en matière d’alphabétisation de la petite enfance, un fait souvent considéré comme acquis. »
Rosemary Waga
Rosemary Waga a découvert ABRA dans le cadre d’un atelier organisé à l’Académie Aga Khan. Aujourd’hui, elle continue d’utiliser le logiciel dans sa classe et pour sa formation professionnelle.
Avec ABRA, « il est simple de suivre le travail des élèves depuis le portail réservé aux enseignants... Cela permet d’identifier leurs points forts et leurs points faibles et d’y répondre de manière adaptée », a-t-elle déclaré.
Rosemary a vu de ses propres yeux l’impact du logiciel lorsqu’une de ses élèves, qui avait souvent des difficultés, a commencé à lire toute seule et avec une relative facilité.
« Elle a même lu un livre que j’avais choisi pour elle », ajoute Rosemary. « J’étais vraiment ravie. »
Elle s’est également rendue dans d’autres écoles pour superviser leur utilisation d’ABRA et partager son expérience avec d’autres enseignants.
« ABRA a changé ma façon de voir l’enseignement. La plupart du temps, les enseignants ont tendance à catégoriser les élèves : ceux qui apprennent lentement, les mauvais élèves, etc. », a-t-elle poursuivi. « Ces élèves doivent être compris et doivent également apprendre à leur propre rythme, et c’est ce qu’ABRA leur permet de faire. »
L’avenir du programme
Phil et Anne espèrent déployer ABRA dans un plus large spectre.
« Nous espérons renforcer considérablement les compétences scolaires fondamentales des jeunes filles et garçons du Kenya et d’autres pays en développement d’Afrique et du Moyen-Orient », ont-ils déclaré.
Ils ont désormais pour projet de dépasser le cadre de l’alphabétisation avec l’aide de l’Académie Aga Khan.
« Nous voulons assurer une mise en œuvre de qualité et pérenniser l’usage du programme. Même si l’alphabétisation est la compétence éducative la plus importante, il en existe d’autres très importantes, comme le calcul et la recherche, et nous sommes impatients de pouvoir travailler sur le développement de ces secteurs avec nos partenaires. À cet effet, nous espérons continuer de développer et renforcer notre partenariat avec l’Académie Aga Khan, qui constitue un élément essentiel de nos projets. »
Si vous souhaitez en apprendre davantage à propos du logiciel ABRACADABRA, veuillez consulter le site : http://www.concordia.ca/research/learning-performance/tools/learning-too...