Fondation Aga Khan
République kirghize · 13 août 2024 · 4 min
Avec le soutien de la Fondation Aga Khan (AKF) et de l'Initiative Local Impact de l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID), trois éco-innovateurs ont imaginé des solutions alternatives de gestion de l'eau pour aider leurs communautés et améliorer leur résilience face au changement climatique.
Recycler la laine pour faire de la République kirghize une « société et un pays écologique »
Pour Aida Adrahmanova, une ancienne enseignante reconvertie en « championne de l'écologie » active dans le district de Kochkor, à Naryn, la résilience hydrique se traduit par un engrais écologique composé de petits granulés durs, fabriqués à partir de laine de mouton inutilisée.
Dans cette société traditionnellement agraire, où plus de la moitié des terres du pays servent de pâturages pour quelque 1,7 million de bovins et 6,3 millions de moutons et de chèvres, la laine ne manque pas.
Quand Aida a vu que ses voisins brûlaient la laine inutilisée après la tonte pour s'en débarrasser, elle s'est demandé s’il était possible d’offrir une seconde vie au matériau – et de trouver un meilleur moyen de nettoyer les rues. Après avoir visionné des vidéos sur Internet dans lesquelles des agriculteurs fabriquent de l'engrais biologique avec de la laine, Aida était intriguée. « J'ai décidé d'essayer aussi », explique-t-elle, « et maintenant, voilà où nous en sommes ».
Bénéficiant de l'aide de l'AKF et de l'Initiative Local Impact de l'USAID, Aida serait l’une des premières personnes de la République kirghize à avoir créé un engrais écologique grâce à cette méthode, qui a par ailleurs montré des résultats positifs sur les sols, la qualité des cultures et l'eau.
« Ces granulés présentent trois avantages. Le premier, c'est la rétention d'eau. Pendant la saison estivale, les agriculteurs font face à de plus grandes difficultés à cause des pénuries d'eau et ils ne peuvent pas irriguer suffisamment leurs cultures. C'est là que ces granulés, qui gardent l'humidité et retiennent l'eau, vont se révéler être d’une grande aide », explique Aida.
Les granulés retiennent aussi l'azote, le phosphore et le potassium, autant de nutriments importants pour revitaliser les sols et ainsi faire pousser des plantes et des cultures saines. Le troisième avantage est que les granulés « ameublissent et aèrent les sols lorsqu'ils gonflent au contact de l'eau », explique Aida.
Après avoir envoyé ses granulés à un laboratoire de Bichkek pour qu'ils y soient analysés, Aida a reçu des résultats encourageants, des preuves scientifiques qui lui permettront de démontrer l’efficacité de son engrais biologique auprès des agriculteurs les plus réticents.
« J'étais tellement soulagée. Je croyais en mon produit : quand je le présentais aux agriculteurs, je ne cessais de leur dire qu'il était réellement bénéfique pour leurs sols, et aujourd'hui, j'ai la preuve que c'est bien le cas. Je peux maintenant affirmer que ce produit fonctionne », dit-elle.
Alors que les pénuries d'eau se multiplient et que de nombreuses communautés font déjà face à des difficultés, Aida est convaincue que son engrais biologique peut avoir un impact considérable. « Ces granulés offrent de nombreux avantages et nous donnent l'occasion d'exporter de la laine. Ils contribuent à renvoyer l'image d'une société et d'un pays écologique. »
Aida Adrahmanova
« L'irrigation goutte à goutte est l'avenir de l'agriculture »
Composé à 94 % de montagnes, le territoire sauvage et vallonné de la République kirghize rend difficile la gestion efficace de l'eau. Là où les méthodes traditionnelles d'irrigation par fossés entraînent une distribution inégale de l’eau, voire une déperdition sur les terrains pentus, la mise en place de systèmes d'irrigation goutte à goutte dans les exploitations agricoles locales est une solution particulièrement efficace.
D'après Bekbolot Madymarov, un autre « champion de l'écologie » kirghize qui conçoit des systèmes d'irrigation goutte à goutte avec son collègue Aibek Elchibekov, ces systèmes « contribuent à optimiser la consommation de l'eau et à augmenter les récoltes ».
L'irrigation goutte à goutte consiste en un réseau de tuyaux percés de micro-trous, aussi appelés compte-gouttes, qui arrose les plantes directement au niveau de leurs racines. Ce système minimise la perte d'eau en empêchant l'évaporation et le ruissellement et optimise l'absorption de l'eau par les racines. « Ce système permet aux agriculteurs de réaliser d’importantes économies d'eau, d'augmenter leurs récoltes et de réduire les coûts d'entretien par rapport aux méthodes traditionnelles d'irrigation », explique-t-il.
Depuis 1950, les glaciers de la République kirghize ont réduit en moyenne de 20 %. Aujourd'hui, alors que le pays fait face à des épisodes de sécheresse de plus en plus longs, à l’imprévisibilité croissante des précipitations et à l’accélération de la fonte de glaciers, l'utilisation efficace des ressources en eau sera déterminante, tout comme les adaptations sociales et techniques aux conditions imposées par le changement climatique et aux pénuries d'eau de plus en plus fréquentes.
« Nous sommes nombreux à être convaincus que l'irrigation goutte à goutte est l'avenir de l'agriculture et à être prêts à la mettre en place sur nos propresterrains », affirme Bekbolot. « Toutefois, afin de démocratiser l'utilisation de l'irrigation goutte à goutte, nous avons besoin du soutien de notre gouvernement et des acteurs du secteur et de la mise en place de programmes de sensibilisation pour que les agriculteurs bénéficient d’un appui technique et d’une formation, nécessaires à l'exploitation de ces systèmes. »
Conscients que de nombreux agriculteurs font face à des difficultés financières, Bekbolot et Aibek cherchent aussi à réduire le coût de leur système d'irrigation. Ils se sont par exemple penchés sur la simplification du modèle et sur la réduction du coût des techniques de filtration, sans pour autant compromettre l'efficacité du système. Par ailleurs, ils ont créé des systèmes de filtration pré-assemblés faciles à installer et à entretenir, réduisant ainsi la complexité et les risques liés à la mise en œuvre de ces systèmes pour les agriculteurs, en particulier s'ils ont de petits terrains.
Avec le concours des autorités locales, les programmes de soutien financier ont facilité l'adoption de l'irrigation goutte à goutte. Cette approche a accéléré le déploiement de l'irrigation goutte à goutte en République kirghize et, en conséquence, a contribué à la croissance agricole et au développement du pays par l'augmentation de la productivité et l'amélioration des conditions de vie des habitants.
Si l'installation de systèmes d'irrigation goutte à goutte est la priorité numéro un de Bekbolot et d’Aibek, la sensibilisation sur l'importance de ces systèmes et le renforcement des collaborations au sein des communautés elles-mêmes et entre les communautés, les organismes locaux et les autorités sont tout aussi importants.
Enfin, pour Bekbolot, mener des programmes éducatifs et des campagnes de sensibilisation auprès des agriculteurs et des autres parties prenantes est indispensable pour créer un terrain propice à la mise en place de l'irrigation goutte à goutte dans tout le pays.