Afghanistan · 28 octobre 2020 · 5 min
L’AKAH et l’Université Harvard se sont associées pour mettre en œuvre un projet de planification participative dont le but est d’améliorer la qualité de vie dans la région afghane d’Ishkashim
Selon les Nations Unies, près de la moitié de la population urbaine du monde vit dans des villes comptant moins de 500 000 habitants. Ces agglomérations étant de plus en plus nombreuses à connaître une rapide croissance, il devient de plus en plus important de bien gérer leur développement urbain pour assurer la qualité de vie d’une grande partie de la population du monde et ouvrir la voie au développement durable.
En revanche, les plus petites villes et communautés marginalisées sont quant à elles trop souvent négligées et manquent de ressources ou de capacités pour mettre en œuvre une planification urbaine et rurale efficace. La planification est pourtant un élément indispensable pour comprendre les besoins, les aspirations et les risques d’une communauté et ainsi l’aider à se préparer et à se construire un avenir meilleur. Pour combler ces lacunes, l’Agence Aga Khan pour l’habitat (AKAH) a développé un cadre d’aménagement de l’habitat. Ce cadre repose sur des approches participatives de planification urbaine et rurale dont l’objectif est de créer des solutions à long terme en vue d’améliorer la qualité de vie au sein des communautés dans lesquelles il est mis en œuvre - des quartiers à des districts entiers, en passant par de petits villages. Sur la base de ce cadre de travail, l’AKAH s’est associée au Lakshmi Mittal and Family South Asia Institute et à la Graduate School of Design (GSD) de l’Université Harvard afin de mettre à l’essai un modèle novateur d’atelier de design virtuel conçu pour planifier à distance le développement d’Ishkashim, en Afghanistan.
Ishkashim is a small mountain town in Badakhshan, Afghanistan along the border with Tajikistan. The town and surrounding settlements have strong potential for growth but a high degree of exposure to natural hazards.
AKAH
Ishkashim est une petite ville de montagne située dans le Badakhchan, une région afghane qui longe la frontière tadjike. Porte d’entrée du corridor du Wakhan, elle est connue pour son marché animé et jouit d’un potentiel touristique unique. Grâce aux importants investissements prévus dans les infrastructures régionales de cette zone, qui forme l’entrée de ce couloir commercial entre la Chine et le Pakistan, Ishkashim présente un fort potentiel de croissance. La région est en revanche très exposée aux catastrophes naturelles comme les glissements de terrain, les avalanches, les séismes et les inondations. Une planification inclusive, réfléchie et durable est ainsi nécessaire pour pouvoir exploiter ces perspectives tout en atténuant les risques et en améliorant la qualité de vie de tous les habitants.
Ainsi, dans le cadre de l’atelier de design virtuel enseigné à la GSD de Harvard et intitulé « Extreme Urbanism VII: Imagining an Urban Future for Ishkashim » (Urbanisme en milieu extrême VII : imaginer un avenir urbain pour Ishkashim), des étudiants de deuxième cycle de l’Université Harvard collaborent avec l’AKAH et d’autres acteurs locaux afin de comprendre la situation d’Ishkashim et de définir une vision urbaine qui soit adaptée à l’environnement de la ville et aux menaces et perspectives climatiques, sociales, politiques et économiques auxquelles elle est confrontée. L’objectif de ce partenariat est de mettre à l’essai et de développer des approches de planification virtuelle basées sur le cadre d’aménagement de l’habitat de l’AKAH. Grâce à ce projet, l’Agence renforcera non seulement les capacités de planification dans la région, mais développera également ses outils de planification de l’habitat, qui répondent aux enjeux des communautés marginalisées et des différents types d’agglomérations dépassant les contextes traditionnels de la planification urbaine. Au travers de telles initiatives, l’AKAH espère mettre les méthodes et connaissances développées en matière de planification à la disposition des diverses communautés auprès desquelles elle travaille afin d’améliorer leurs environnements physiques et leur qualité de vie.
Mohammad Asif Amiri, maire d’Ishkashim, s’est notamment exprimé au sujet du projet et de ses attentes pour la ville : « Nous nous attendons à ce que l’équipe de Harvard et de l’AKDN évalue et étudie le rôle d’Ishkashim sous tous ses aspects et propose un plan qui prend en compte sa position stratégique et son potentiel en matière, entre autres, de culture, de commerce et de tourisme. Nous voulons que notre ville réponde aux besoins de toute la communauté d’Ishkashim et de la région. La planification est un processus important, car il permet de créer des perspectives d’investissement et de mettre en place un plan complet qui ouvre la voie à une croissance équilibrée et à une gestion responsable des ressources naturelles telles que l’eau et la terre. »
Ce projet s’inscrit dans le cadre de la collaboration globale de l’AKAH avec des institutions universitaires et des cabinets d’architectes de premier plan. Au travers de cette initiative, les partenaires impliqués se donnent pour mission d’appliquer et d’adapter les pratiques de planification de l’habitat urbain et rural à plusieurs échelles d’agglomérations dans les pays en développement. L’Agence a précédemment organisé des ateliers en collaboration avec, entre autres, le Massachusetts Institute of Technology, dans le but d’évaluer la planification du développement de villages en Inde (Chitrawad, Gujarat), et Kennedy & Violich Architecture Ltd, dans le but d’évaluer la planification de la relocalisation d’habitats à l’aide de stratégies de cartographie 3D et d’imagerie pas drone au Tadjikistan (Basid, région autonome du Haut-Badakhchan), un projet sélectionné pour la Biennale de Venise 2021. Alors que les ateliers précédents engageaient un travail de terrain important, la pandémie de COVID-19 nécessite la mise en œuvre d’une approche virtuelle pour l’atelier de cette année. Cette contrainte encourage cependant les participants à se concentrer sur un site particulièrement difficile et à mettre à l’essai une approche de planification de l’habitat à distance.
Mis en œuvre dans le cadre d’une collaboration avec le Ministère afghan de l’urbanisme, cet atelier permet l’application des meilleures pratiques et approches nationales et internationales en matière d’urbanisme dans une région reculée mais dynamique de l’Afghanistan. Il vise également à favoriser les échanges intellectuels dans le but de constituer un corpus de connaissances en matière d’urbanisme, notamment pour les plus petites villes. En outre, il prend en compte les projets de construction d’infrastructures essentielles du gouvernement (logements étudiants, équipements sportifs municipaux et aéroport) et tente de répondre aux enjeux des phénomènes météorologiques extrêmes, de l’inter connectivité entre les villages et de l’accès durable à l’eau.
L’atelier combine pratiques internationales et locales afin de développer une approche virtuelle de la planification adaptée au contexte de la région ciblée. Après avoir effectué des recherches sur des villes considérées comme modèles et sur des systèmes résilients, les étudiants entreprennent désormais une série d’analyses : ethnographie spatiale ou encore cartographie des couloirs, des réseaux de transport en commun et des bassins hydrographiques cruciaux. Depuis l’Afghanistan, l’AKAH les met en relation avec divers acteurs, leur ouvre l’accès aux données de terrain et leur fait bénéficier de son expérience technique en matière de construction de bâtiments résilients, d’utilisation de matériaux locaux, de planification de l’habitat et de pratiques de construction locales. Afin de renforcer la compréhension du contexte local et le partage de connaissances, les étudiants de Harvard échangent avec des étudiants en architecture et urbanisme de l’Université de Kaboul. Ahmad Irshan Qiam, étudiant en architecture à l’Université de Kaboul, travaille en binôme avec un étudiant de la GSD travaillant sur une étude ethnographique d’Ishkashim. Pour lui, « ce système d’échange est bénéfique pour les deux parties. Cela m’a poussé à élargir mes horizons et à considérer chaque difficulté comme une nouvelle occasion d’avancer ». D’autres partenaires afghans participent à ce projet, dont le Ministère du développement urbain et du territoire, la Direction du développement urbain et du territoire du Badakhchan, la municipalité d’Ishkashim et le gouverneur du district d’Ishkashim.
Pour Charlotte Malterre-Barthes, professeure adjointe d’urbanisme à la GSD de Harvard et co-responsable de l’atelier, « ce cours met en valeur l’architecture et les pratiques de planification résilientes de la région. Je pense par exemple aux logements Nouristanis qui ont des propriétés parasismiques, aux modes de vie nomades adaptés à l’épuisement des ressources, ou même à la mise en place de solutions intelligentes face au climat comme les vergers clos. Sans pour autant occulter les conditions difficiles de la région, ces bonnes pratiques mettent en lumière l’Afghanistan d’une façon qui nous pousse à aborder la signification réelle de la notion de ‘développement’, à étudier quels sont les acteurs qui font progresser la situation, et pour qui ils le font, et à analyser le rôle que nous, les architectes et urbanistes, pouvons jouer dans ces processus. »
Pour tout complément d’information sur le cadre d’aménagement de l’habitat de l’AKAH, veuillez cliquer sur le lien suivant : https://www.akdn.org/fr/video/agence-aga-khan-pour-lhabitat-planifier-lavenir
Pour tout complément d’information à propos de l’atelier et visionner une interview du Professeur Rahul Mehrotra, co-responsable du projet, veuillez cliquer sur le lien suivant : https://mittalsouthasiainstitute.harvard.edu/2020/10/rahul-mehrotra-extreme-urbanism-along-the-border-of-afghanistan/