par Feu Son Altesse le Prince Karim Aga Khan IV, Toronto, Canada · 28 mai 2010 · 8 min
Bismillah-ir-Rahaman-ir-Rahim
Premier ministre Harper
Madame Clarkson
Honorables ministres
Excellences
Invités d’honneur
Mesdames et messieurs
Laissez-moi commencer par exprimer mon appréciation profonde pour l’immense honneur que me fait aujourd’hui ce pays en m’accordant le titre de citoyen d’honneur du Canada.
Je suis très profondément touché par l’immense honneur que vous m’avez si généreusement accordé, à moi personnellement et, par extension, à l’Imamat Ismaili que je représente. Il s’agit là d’une reconnaissance importante des valeurs que notre communauté de foi partage avec le peuple canadien.
Monsieur le premier ministre, je me suis toujours senti chez moi au Canada, mais jamais autant qu’en ce moment.
Votre présence à tous et à toutes ici aujourd’hui m’est également très importante. Cette cérémonie d’inauguration marque un moment déterminant pour ma famille et pour moi. De tels événements ont encore plus de sens lorsqu’ils sont partagés avec des collègues et amis, et avec tant d’hommes et de femmes que j’admire profondément.
Peut-être le saviez-vous déjà, mais les projets que nous célébrons aujourd’hui sont en cours de développement depuis quelque temps et peut-être, si je puis me permettre de le dire, depuis plus longtemps que certains d’entre-nous ne l’auraient voulu! Mais j’ai appris que parfois, avoir un peu plus de patience pendant le processus de planification peut mener à de plus grandes opportunités, et c’est précisément ce qui est arrivé dans ce cas-ci.
Nos plans originaux étaient de construire ici un nouveau Jamatkhana ismaili, un lieu propice à la prière, à la contemplation et à l’interaction communautaire. Mais au fil du temps et lorsque des espaces additionnels se sont libérés, le concept a pris de l’ampleur. Il comprend désormais trois éléments : un nouveau Centre Ismaili, le sixième édifice représentatif dans le monde, un nouveau Musée Aga Khan et un beau parc accueillant qui reliera les deux immeubles.
Réunis, ces trois projets symboliseront l’intégration harmonieuse des mondes spirituel, artistique et naturel conformément à l’idéal holistique intimement lié à la tradition islamique. Parallèlement, ils exprimeront également un engagement profond envers l’interculturalisme et la coopération internationale.
Notre rassemblement de cet après-midi souligne la transition de ces projets de la phase de planification à la phase de construction, du monde de l’imagination créative au monde de la matérialisation concrète.
Le processus créatif en soi est une remarquable collaboration internationale, réunissant les conceptions d’architectes du Japon, de l’Inde et du Liban, travaillant avec la firme torontoise Moriyama and Teshima, et adaptant des traditions architecturales ancestrales au langage canadien contemporain. Nous attendons avec impatience la réalisation complète de leurs aspirations.
Mais même si nous allons de l’avant, il est juste de réfléchir également au passé. Je pense entre autres à l’accueil historique du Canada envers les Ismailis déplacés dans les années 1970 et subséquentes, et à leur intégration réussie. Il va sans dire que ce processus ainsi que les contributions faites par les Ismailis à tant de niveaux se reflètent dans l’encouragement qu’ils ont reçu pour rebâtir leurs institutions et structures sociales traditionnelles.
En repensant aux dernières décennies, je pense également aux collaborations étroites que le Réseau Aga Khan de Développement a pu établir avec des institutions canadiennes comme l’ACDI, l’Agence Canadienne de Développement International, qui continue d’être un partenaire-clé répondant aux besoins des pays en développement.
Nous apprécions également les liens étroits qu’ont nos institutions pédagogiques avec d’importants centres pédagogiques canadiens, comme les universités McMaster et McGill, l’Université de Toronto et l’Université de l’Alberta.
Nous sommes également fiers de collaborer avec le gouvernement canadien dans le développement du Centre Mondial du Pluralisme à Ottawa. Ce centre exprimera notre conviction partagée que le progrès de la civilisation dépend de notre capacité à comprendre, célébrer et activer le pouvoir de la diversité humaine.
Vous constatez la base solide des collaborations dont ce projet de la promenade Wynford émane, inspiré également par le succès de Toronto en tant que centre culturel vibrant.
Permettez-moi de parler brièvement de chacun des trois éléments du projet, en commençant par le Musée Aga Khan.
Alors que nos plans ont commencé à prendre forme, nous avons compris que la spécialisation du musée sur les arts de l’Islam ferait de lui une institution unique en Amérique du Nord, contribuant à approfondir la compréhension des civilisations islamiques et particulièrement de la pluralité au sein de l’Islam et des relations de l’Islam avec d’autres traditions. Ce lieu favorisera le partage d’une histoire truffée d’accomplissements variés au travers d’œuvres d’art et d’artéfacts dont certains datent de 1 400 ans. Il honorera la place centrale qu’occupent la quête du savoir et l’aspiration à la beauté dans l’Islam. En outre, il éclairera l’inspiration que les artistes musulmans ont tirée de leur foi et d’une vaste série d’épopées allant d’histoires de séparation et de pertes, d’amour et de bonheur – des thèmes qui, comme nous le savons, résonnent éloquemment à travers toutes les cultures de l’humanité.
Dans un monde que certains décrivent comme un choc des civilisations grandissant, nous croyons que le musée contribuera à résoudre ce qui est moins un choc des civilisations qu’un choc des ignorances. Le nouveau musée aura une forte vocation pédagogique : ce sera un lieu propice au questionnement actif, aux discussions et à la recherche, qui proposera des conférences et des séminaires et offrira divers programmes en collaboration avec des institutions pédagogiques et d’autres musées.
La plus grande partie de la salle d’exposition sera vouée aux expositions temporaires et en tournée s’inspirant d’expositions de notre collection qui se sont déplacées à Londres, Paris, Lisbonne et Berlin, et qui devraient s’arrêter à Saint Petersbourg, Doha, Istanbul et Los Angeles. Un auditorium à la fine pointe de la technologie présentera également des spectacles artistiques et des films.
Ma propre famille est personnellement impliquée dans l’histoire culturelle islamique, notamment pendant le califat fatimide qui, il y a mille ans, a fondé au Caire, l’une des premières grandes universités du monde. La collection principale du nouveau musée de Toronto comprend des éléments collectionnés par ma famille depuis des générations, incluant une collection de miniatures appartenant à mon oncle feu le prince Sadruddin Aga Khan, laquelle sera exposée dans une salle reproduisant la chambre Bellerive de la maison de feu mon oncle à Genève. Nous sommes extrêmement reconnaissants envers la princesse Catherine pour ce généreux cadeau.
Je devrais également souligner que l’immeuble du musée sera en soi une importante œuvre d’art conçue par l’architecte japonais renommé Fumihiko Maki. Vous êtes nombreux à connaître son superbe immeuble à Ottawa abritant la Délégation de l’Imamat Ismaili depuis 2008.
Cet immeuble de la Délégation a été inspiré par les mystères évanescents du cristal de roche. Le nouveau Musée de Toronto aura pour thème le concept de la lumière, qui infusera l’immeuble par une cour intérieure et des murs de verre aux différents motifs. De l’extérieur, il brillera de jour comme de nuit, illuminé par le soleil et la lune. Cette utilisation de la lumière nous rappelle la lumière divine du Créateur reflétée dans la luminescence de l’inspiration humaine et des communautés vibrantes et transparentes.
Comme l’a écrit le poète Rûmi : « …la lumière qui illumine l’œil est également la lumière du cœur, mais la lumière qui illumine le cœur est la lumière de Dieu. »
Le Musée de Toronto appartiendra au cadre institutionnel du Trust Aga Khan pour la Culture, soutenant déjà des projets de restauration et de conservation de l’héritage culturel dans des pays comme la Syrie, l’Inde, le Pakistan et des régions d’Asie centrale, ainsi que des musées en Égypte, à Zanzibar et à Chantilly, en France.
Comme le Musée, le Centre Ismaili fera partie d’un réseau de soutien mondial, un groupe de centres actuellement établis à Vancouver, Londres, Lisbonne, Dubaï et Dushanbe, et dont des ouvertures sont prévues à Houston, Los Angeles et Paris. Le point d’intérêt du Centre de Toronto sera une salle de prière circulaire vouée à la réflexion spirituelle, alors que d’autres salles favoriseront l’approfondissement du lien avec la vaste communauté dans laquelle vivent les Ismailis.
Le Centre a été conçu par Charles Correa, architecte primé établi à Mumbai. L’immeuble sera constitué d’un dôme de verre givré cristallin se tenant comme un phare au sommet d’un immeuble situé lui-même sur le plus haut point du site, et illuminant la salle de prière et son mur de la Qibla.
Le parc en entier totalisera quelque 75 000 mètres carrés et sera un site fort impressionnant! Il a été conçu par Vladimir Djurovic, un artiste établi au Liban et sélectionné suite à une compétition internationale.
Sa conception s’inspire des jardins islamiques traditionnels, et particulièrement des jardins d’Al Hambra, à leur apogée pendant la grande époque de l’empire espagnol, durant lequel les musulmans, juifs et chrétiens cohabitaient en harmonie créative.
Le parc combinera des espaces paisibles et des espaces actifs, des ères ouvertes et des formes définies, la formalité et l’informalité, les caractères traditionnel et contemporain. Il fera partie d’une série de parcs conçus grâce au Trust Aga Khan pour la Culture tels que le sont le parc Al-Azhar au Caire, le parc Khorog au Tadjikistan, la restauration des jardins de Bâbur à Kaboul et des jardins du tombeau de Humayun à Delhi, le parc Forodhani à Zanzibar et d’autres nouveaux parcs en cours de développement à Bamako, Nairobi, Vancouver et Edmonton.
En tout et pour tout, le complexe de la promenade Wynford représentera une riche mosaïque tissée de fils variés. Et si ce rêve est maintenant si près de la réalité, c’est grâce à ceux et celles qui y ont profondément cru.
Nous sommes extrêmement reconnaissants envers le soutien de tant d’agents publics, des premiers ministres canadiens qui se sont succédés, de leaders régionaux et municipaux, et de conseillers municipaux locaux comme John Parker et son prédécesseur, Jane Pitfield. Nous saluons également les entrepreneurs de Carillion qui travaillent à la mise en œuvre du projet, ainsi que les musées partenaires du monde entier, les membres de la famille Bata dont le soutien a été extrêmement bénéfique, et les employés et bénévoles qui ont tellement donné d’eux-mêmes dans cette entreprise.
Nous devons beaucoup à ceux et celles qui ont contribué par leur temps, leurs dons et leurs talents à ce projet, et particulièrement à la communauté ismailie du Canada et du monde qui a participé au développement des Centres Ismailis et des Jamatkhanas, et au fonds constitué pour commémorer mon Jubilée d’Or. Ce projet a été désigné comme projet du Jubilée d’Or et bénéficie donc de ces dons si généreux.
En conclusion, je vous remercie tous et toutes encore de votre présence à cet événement. J’espère que vous sentirez, comme c’est le cas pour moi, que vous avez participé à la célébration toute particulière d’un effort impressionnant de par son ampleur, son ambition esthétique et son inspiration culturelle, contribuant ainsi de la meilleure manière possible au pluralisme canadien.
Alors que nous nous tournons vers l’avenir, nous pouvons anticiper avec confiance que le complexe de la promenade Wynford sera une des beautés du futur - un cadeau que notre génération offrira fièrement aux générations futures - et qu’il célèbrera également avec justesse, le legs des générations passées.
Merci