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Services de garde d’enfants de qualité : une victoire pour les femmes, les enfants et la société
Indisponible · 2 avril 2025 · 6 min
Imaginez un monde où chaque enfant s’épanouit et où chaque mère poursuit ses rêves sans compromis. Aujourd’hui, des millions d’enfants ne bénéficient toujours pas de solutions de garde adaptées, tandis que d’innombrables femmes se voient contraintes de quitter le marché du travail pour s’acquitter de leurs responsabilités parentales. Ces obstacles représentent des freins non seulement à l’échelle individuelle, mais également à l’échelle communautaire, et entravent les progrès économiques et sociaux plus larges que nous pourrions observer si les femmes et les enfants bénéficiaient d’un soutien adéquat.
Face à ce constat, la Banque mondiale soulève une question de taille : Quels sont les effets de la mise en place de services de garde d’enfants de qualité et de l’autonomisation économique subséquente des femmes ? Selon cette étude, l’institution suggère qu’une action menée sur ces deux points permettrait de briser le cycle de la pauvreté, de solidifier les liens familiaux et de stimuler une croissance inclusive.
Depuis plus de 50 ans, la Fondation Aga Khan (AKF) et ses partenaires s’efforcent d’améliorer l’accès aux services d’éducation de la petite enfance et de renforcer l’autonomie des femmes dans 15 pays. Des millions d’enfants et de familles bénéficient de ce travail. La question qui se pose aujourd’hui est la suivante : Comment pouvons-nous articuler plus stratégiquement ces deux axes de travail et renforcer notre impact aux côtés d’autres acteurs clés en veillant à inclure chaque enfant, chaque femme et chaque famille ?
L’éducation et la protection de la petite enfance sont deux facteurs qui influencent la réussite et le bien-être futurs des enfants.
AKDN / Rich Townsend
Offrir des services d’éducation de la petite enfance de qualité a un impact transformateur sur le développement et le bien-être des enfants. Comme l’explique Nafisa Shekhova, directrice monde à l’éducation et au développement de la petite enfance (ECD) pour l’AKF, « si les enfants ont accès à des services de garde de qualité, ils bénéficient d’un accompagnement adapté, d’une bonne éducation et d’une nutrition adéquate et se développent dans un environnement sûr et sécurisé ». Ces expériences vécues dans la petite enfance conditionnent la réussite future et influencent aussi bien le parcours scolaire que l’insertion professionnelle et les compétences sociales.
Cependant, dans les régions défavorisées, les structures d’accueil de qualité sont souvent trop éloignées ou trop coûteuses. Près de 80 % des 350 millions d’enfants qui ne bénéficient pas de services de garde adaptés vivent dans des pays à faible revenu, ce qui contraint de nombreuses mères à abandonner leur travail ou leurs études pour s’acquitter de leurs responsabilités parentales. Cette situation accentue les cycles de la pauvreté et de l’inégalité et limite les perspectives pour elles et leurs enfants.
Heureusement, les initiatives d’éducation de la petite enfance ne se limitent pas aux grands centres urbains, souvent plus onéreux. Avec une formation et des ressources adaptées, les personnes qui s’occupent des enfants peuvent mettre en place des espaces enrichissants dans n’importe quelle situation. Nafisa Shekhova ajoute que « des recherches montrent qu’une communication attentive entre l’enfant et la personne qui s’occupe de lui est essentielle pour le développement de son cerveau, en particulier pendant les stades de la petite et très petite enfance. Dans de tels contextes, les objets du quotidien, les jouets fabriqués à la main et des ressources prises dans la nature peuvent devenir des outils d’apprentissage et de découverte très efficaces et favoriser la croissance au travers du jeu libre et du jeu guidé.
Adopter cet état d’esprit donne naissance à diverses solutions.
À Nairobi, au Kenya, l’AKF a travaillé avec Frigoken, une entreprise de transformation de légumes qui emploie une main-d’œuvre majoritairement féminine issue des communautés environnantes. Bien que des services de garde d’enfants soient proposés sur le site de l’usine, l’espace atteignait régulièrement sa capacité maximale pendant les hautes saisons, poussant de nombreuses femmes à laisser leurs enfants à des personnes non formées travaillant à domicile. Pour pallier cette situation, l’AKF a mis en place un programme de formation et un mécanisme de soutien pour ces personnes, mais également des ressources peu coûteuses qui leur permettent d’aider les jeunes enfants à s’épanouir. À l’aide de ces kits de jouets portables, elles peuvent créer des environnements ludiques et stimulants. Ces solutions ont permis d’assurer un service de garde adapté pour ces enfants et donc à leurs mères de travailler sereinement.
À Lisbonne, au Portugal, les assistants maternels à domicile améliorent l’accès aux services de garde d’enfants et permettent ainsi à davantage de parents, notamment aux mères, de travailler. L’AKF a formé plus de 150 assistants maternels agréés, principalement des femmes, dans l’objectif d’améliorer la qualité de l’accompagnement proposé, de garantir des solutions de garde fiables pour les familles et de permettre aux femmes d’avoir un emploi stable.
Les services de garde d’enfants de qualité ne se limitent pas aux grands centres urbains, souvent plus onéreux.
AKDN / Lucas Cuervo Moura
Ces exemples montrent que des solutions simples et peu coûteuses peuvent non seulement améliorer l’accès aux services de garde d’enfants, mais également donner aux femmes la possibilité de travailler ou d’étudier et donc d’augmenter leurs revenus et leur confiance en elles. Grâce à ce travail, leurs enfants et leurs familles tirent des avantages durables : meilleurs résultats de santé, amélioration du bien-être ou encore perspectives plus prometteuses.
Emília, assistante maternelle formée par la Fondation Aga Khan Portugal
Un environnement sûr et stimulant aide les enfants à s’épanouir et engendre des bénéfices sur le long terme, non seulement pour eux, mais également pour leurs familles et leurs communautés.
AKDN
Même lorsque des services de garde abordables sont facilement accessibles, les familles peuvent hésiter à inscrire leurs enfants dans des centres si les avantages ne sont pas clairs. Dans les communautés où la garde des enfants incombe généralement à la mère, la mise en place de services spécialisés peut venir remettre en question les rôles traditionnels.
Pour faire face à ce type d’enjeux, l’AKF élabore des stratégies de communication pour sensibiliser sur les avantages à long terme du développement de la petite enfance, non seulement pour les enfants eux-mêmes, mais également pour leurs familles et leurs communautés. L’objectif ici est notamment de fournir des informations pertinentes sur le plan culturel et d’impliquer les réseaux de soutien locaux pour montrer aux personnes visées comment des services de garde d’enfants de qualité peuvent se révéler être source de prospérité sur le long terme.
Dans une zone rurale du Tadjikistan, l’AKF a mis en œuvre une approche de conception centrée sur la personne afin d’établir un cadre de collaboration avec des mères, des responsables communautaires, des spécialistes de l’éducation et des comités de femmes. Ensemble, les différentes parties prenantes ont élaboré des solutions pour la mise en place de services de garde d’enfants de qualité et pour le développement des perspectives d’entrepreneuriat pour les femmes. Ce travail a conduit à la création d’un centre polyvalent accueillant une structure offrant des services d’éducation de la petite enfance et une boulangerie et un atelier de couture, deux entreprises sociales gérées par des femmes locales.
Nafisa Shekhova, directrice monde à l’éducation et au développement de la petite enfance pour l’AKF
Il est important de prendre ces préférences en compte, en particulier dans les communautés qui expriment une certaine réticence à l’idée de laisser des personnes extérieures aux familles garder leurs enfants. En instaurant un climat de confiance à l’égard de ce genre de services, les membres de ces communautés peuvent changer de perspective et les voir comme un prolongement et non une rupture de leurs traditions familiales.
La garde d’enfants doit être reconnue comme un travail décent, et les professionnels du secteur doivent être rémunérés comme ils le méritent. Les gouvernements doivent renforcer leur action pour revaloriser leur rôle.
AKF Portugal
Le développement des services de garde d’enfants profite aux familles et renforce un secteur déterminant pour l’économie. Selon la Banque mondiale, l’amélioration de l’accès aux services de garde d’enfants pourrait créer jusqu’à 43 millions d’emplois dans le monde et, en parallèle, accroître les perspectives d’emploi, notamment pour les femmes, en leur permettant de s’impliquer davantage sur le marché du travail. Cette donnée montre que le secteur de la garde d’enfants est un puissant moteur de progrès social et économique.
En Afrique de l’Est, le Programme Madrasa de développement de la petite enfance propose des services d’éducation de la petite enfance depuis plus de 40 ans et a appuyé la création de 250 écoles maternelles communautaires et la formation de milliers de femmes. « Beaucoup de celles qui ont commencé à enseigner dans des écoles maternelles dans leur communauté avec seulement un niveau d’éducation primaire ont depuis obtenu des postes dans des écoles maternelles privées ou publiques », explique Nafisa Shekhova.
En République kirghize, où seulement 34 % des enfants des zones urbaines et 20 % des enfants des zones rurales ont accès à des services de garde et d’éducation de la petite enfance de qualité, des centaines de femmes bénéficient d’un accompagnement pour créer ou améliorer des centres spécialisés. Grâce à une formation à l’entrepreneuriat, au développement de la petite enfance et aux réglementations du secteur, ainsi qu’à des subventions d’amorçage, plus de 80 femmes ont créé des centres pour parer au manque de service de garde d’enfants. Ce travail a également mené à la création de nouveaux emplois et à l’amélioration de l’égalité entre les genres.
De telles initiatives ont un effet catalyseur. En effet, lorsque les femmes acquièrent des compétences, gagnent un revenu et jouissent d’une indépendance financière, elles sont en mesure de réinvestir dans leur famille et leur communauté. À grande échelle, les communautés bénéficient d’une population en meilleure santé et mieux éduquée et d’une économie plus robuste et plus inclusive.
Nazgul Ibraeva, entrepreneuse spécialisée en ECD, Naryn, République kirghize
Mettre en place des mécanismes de soutien à chaque étape est une mesure essentielle si nous voulons rompre le cycle de l’inégalité.
AKDN
Comment garantir que la garde d’enfants soit un droit et non un luxe ?
En premier lieu, il est nécessaire de favoriser un environnement adapté qui fournisse aux femmes et aux enfants un soutien à chaque étape. « Encore beaucoup de jeunes filles ne vont pas à l’école ; les faire entrer dans le système éducatif est donc primordial, et c’est un travail qui doit commencer dès les premières années », explique Nafisa Shekhova. « Lorsque les filles entrent dans l’adolescence, comment pouvons-nous garantir leur bonne santé, leur développement et leur bien-être ? En tant qu’adultes, comment pouvons-nous garantir les congés maternité/paternité et l’accès à des services de garde d’enfants abordables ? » Dans un tel contexte, un soutien coordonné, de l’éducation de la petite enfance aux politiques de gestion du secteur, peut rompre le cycle de l’inégalité et créer un changement durable.
Nous devons renforcer l’économie des soins à autrui. Les femmes constituent la majorité des professionnels du secteur, qu’elles accompagnent de jeunes enfants ou aident des personnes âgées, et pourtant, leur rôle reste sous-évalué et sous-payé. « Quelles politiques existent au niveau gouvernemental ? Quelle formation ? Et quid de la problématique des salaires équitables ? », demande Nafisa Shekhova. « La garde d’enfants doit être reconnue comme un travail décent, et les professionnels du secteur doivent être rémunérés comme ils le méritent. » Les gouvernements doivent renforcer leur action pour investir dans ces personnes et revaloriser leur rôle. Il est essentiel d’instaurer des moyens de collaboration entre les gouvernements, la société civile et le secteur privé si nous souhaitons bâtir un écosystème durable et favorable à la garde d’enfants.
Meilleurs résultats de santé et renforcement de la stabilité et de la prospérité : investir dans des solutions adaptées de garde d’enfants est l’une des décisions les plus judicieuses et impactantes que nous puissions prendre collectivement. Pour ce faire, nous devons pouvoir nous appuyer sur des politiques garantissant un accès universel et permettant à chaque enfant de s’épanouir et à chaque femme d’exploiter son potentiel. Ce travail se traduira par des résultats mesurables : un meilleur développement des enfants, une plus forte implication des mères sur le marché du travail et une diminution des disparités entre les genres. Appuyés des politiques adaptées, les services de garde d’enfants peuvent se transformer en un bien public moteur de progrès.