Réseau de développement Aga Khan (AKDN)
Indisponible · 5 février 2025 · 7 min
Son Altesse le prince Karim Al-Hussaini Aga Khan IV est décédé le 4 février 2025, à Lisbonne, au Portugal, à l’âge de 88 ans. Il était le 49e imam (chef spirituel) héréditaire des musulmans chiites ismailis. Il a occupé cet office pendant 67 ans, après avoir succédé à son grand-père, Sir Sultan Mahomed Shah Aga Khan III, en 1957, à l’âge de 20 ans.
Il était un descendant direct du prophète Mahomet (que la paix soit sur lui et sur sa famille) par l’intermédiaire de son cousin et gendre Hazrat Ali, qui était marié à Hazrat Bibi Fatimat-az-Zahra, la fille du Prophète et son unique enfant survivant.
En tant qu’imam de la communauté ismailie, Son Altesse l’Aga Khan IV a déployé des efforts considérables afin d’assurer le bien-être spirituel et matériel de plus de 15 millions d’ismailis vivant dans plus de 25 pays d’Asie centrale, du Moyen-Orient, d’Asie du Sud, d’Afrique subsaharienne, d’Australasie, d’Extrême-Orient, d’Europe et d’Amérique du Nord.
Par l’intermédiaire du Réseau Aga Khan de développement (AKDN), il s’est constamment engagé en faveur de l’amélioration de la qualité de vie des populations vulnérables. Il était unanimement respecté en tant qu’homme d’État et humaniste.
Jeunesse et vie privée
Son Altesse l’Aga Khan IV est né le 13 décembre 1936 à Genève. Fils aîné du prince Aly Khan et de sa première épouse Joan Yarde-Buller, il a passé son enfance à Nairobi, au Kenya, avant de fréquenter l’Institut Le Rosey en Suisse. En 1959, il a obtenu une licence ès arts en histoire islamique à l’Université Harvard.
Son Altesse l’Aga Khan IV a été marié deux fois. En 1969, il a épousé Sarah Frances Croker Poole, qui a pris le titre musulman de Begum Salimah à la suite de cette union. Ils ont divorcé en 1995. En 1998, il a épousé Gabriele Renate Thyssen, qui a pris le titre musulman de Begum Inaara à la suite de cette union. Ils ont divorcé en 2011. Lui survivent ses enfants, la princesse Zahra, le prince Rahim, le prince Hussain et le prince Aly Muhammad, son frère, le prince Amyn Muhammad, sa sœur, la princesse Yasmin, et ses quatre petits-enfants.
L’imam de la communauté ismailie
Son Altesse l’Aga Khan IV était l’imam des musulmans chiites ismailis. Les ismailis appartiennent au chiisme, l’un des deux courants principaux de l’islam avec le sunnisme. Comme tous les musulmans, les ismailis croient que le prophète Mahomet (que la paix soit sur lui et sur sa famille) était le dernier et ultime prophète d’Allah et que c’est par son intermédiaire qu’a été révélé le Coran, le dernier message d’Allah à l’humanité.
Le rôle de l’imam ismaili est de guider sa communauté dans les aspects spirituels et matériels de la vie, considérés comme complémentaires et interdépendants. Son Altesse l’Aga Khan IV s’est ainsi donné pour mission de guider et d’interpréter la foi afin d’améliorer la qualité de vie des membres de la communauté ismailie et le bien-être des communautés au sein desquelles ils vivent.
Un bâtisseur de passerelles
Guide visionnaire, homme d’État talentueux et grand humaniste, Son Altesse l’Aga Khan IV incarnait la compréhension, la tolérance et l’œcuménisme, des valeurs partagées par les grandes religions du monde. Il a toujours défendu l’importance cruciale de la paix comme élément fondamental du progrès de la société. Les efforts personnels qu’il a déployés au cours de six décennies ont joué un rôle essentiel dans le renforcement de la paix dans un monde fragmenté. Il a facilité l’organisation de pourparlers diplomatiques aux niveaux régional et international, notamment la tenue du sommet historique de 1985 entre les présidents Reagan et Gorbatchev à Genève.
Tout au long de sa vie, Son Altesse l’Aga Khan IV a toujours mis en avant le fait de voir l’islam comme une foi pensante et spirituelle qui enseigne la compassion et la tolérance et qui défend la dignité humaine. À ce titre, le pluralisme, l’acceptation et la célébration de la diversité, constitue un pilier central du travail de l’Ismaili Imamat. En partenariat avec le gouvernement du Canada, Son Altesse l’Aga Khan IV a fondé le Centre mondial du pluralisme (GCP) en 2006. Le Centre travaille avec des leaders politiques, des éducateurs et des bâtisseurs communautaires du monde entier pour faire valoir le pouvoir transformateur du pluralisme et le mettre en œuvre.
Perpétuant l’action de service public de sa famille - son grand-père ayant été à deux reprises président de la Société des Nations et son oncle ayant occupé le poste de Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés pendant plus de 10 ans - Son Altesse l’Aga Khan se souciait profondément du développement continu des communautés et des sociétés, y compris, mais sans s’y limiter, la sienne. Ce travail découlait de la responsabilité de l’imam, telle qu’il la concevait, de contribuer à l’amélioration de la qualité de vie des populations les plus vulnérables.
C’est à cette fin, et guidé par les principes éthiques de l’islam, qu’il a créé le Réseau Aga Khan de développement.
Le Réseau Aga Khan de développement
Son Altesse l’Aga Khan IV a fondé, il y a plus de 50 ans, ce qui est aujourd’hui connu sous le nom de Réseau Aga Khan de développement. Son objectif était alors d’améliorer la qualité de vie des personnes dans le besoin, sans distinction d’origine, de race, de genre ou de religion, au travers d’actions menées dans les secteurs de la santé, de l’éducation, de l’habitat, de la culture et du développement économique. L’AKDN est actif dans plus de 30 pays et porte une attention particulière à certaines des régions les plus pauvres d’Asie et d’Afrique.
Son Altesse l’Aga Khan IV a guidé toutes les agences qui composent l’AKDN de sorte qu’elles travaillent en étroite collaboration avec les autorités nationales et locales sans affiliation politique et qu’elles identifient et mettent en œuvre des solutions de manière collaborative. La réduction de la pauvreté, le renforcement du pluralisme et de l’égalité entre les genres et la protection de l’environnement comptent parmi les principaux domaines d’action du Réseau.
Ce cadre institutionnel et cette approche holistique ont mené à la création de deux universités, de plus de 200 écoles et de plus de 700 établissements de santé. L’AKDN compte également des parcs et des jardins, des fondations actives dans le domaine du développement socio-culturel et de la microfinance, et des programmes de protection de l’environnement, de lutte contre le changement climatique, de planification de l’habitat, de préparation aux catastrophes et d’aide humanitaire. Il compte également des entreprises actives dans les secteurs de la banque commerciale, de l’assurance, des télécommunications, de l’énergie, du tourisme et des médias.
L’impact de l’AKDN est considérable. Chaque année, il produit de l’électricité pour 10 millions de personnes, fournit des services de soin à 5 millions de personnes, éduque 2 millions de jeunes et accueille 5 millions de visiteurs dans ses parcs et jardins. Avec un budget annuel d’environ 1 milliard de dollars réservé aux activités de développement à but non lucratif, les agences de l’AKDN emploient quelque 96 000 personnes, dont la plupart sont établies en Asie et en Afrique et travaillent dans leur pays ou région d’origine.
Investissement dans l’éducation
L’accès à une éducation de qualité dans les pays en développement et la promotion de l’égalité entre les genres dans l’éducation figuraient parmi les priorités de Son Altesse l’Aga Khan IV. Lors de son accession au statut d’imam, il a hérité des écoles que son grand-père Sir Sultan Mahomed Shah Aga Khan III avait créées en Asie et en Afrique et les a développées. Il a par la suite créé 200 écoles supplémentaires. Aujourd’hui, les différents établissements scolaires rattachés à l’AKDN accueillent plus de 85 000 jeunes.
Perpétuant la tradition de ses ancêtres, qui ont fondé l’Université Al-Azhar au Caire en 970, il accordait une très grande importance à l’éducation. C’est dans cette optique qu’il a créé l’Université Aga Khan (AKU) en 1983, première université privée du Pakistan régie par une charte internationale, qui supervise aujourd’hui les activités de facultés et de programmes de premier plan dans les domaines de la médecine, des soins infirmiers et de l’éducation. L’AKU est présente dans six pays. En parallèle, en partenariat avec les gouvernements du Tadjikistan, de la République kirghize et du Kazakhstan, il a fondé l’Université d’Asie centrale (UCA) en 2000 dans le cadre d’un traité international en vue d’améliorer le développement socio-économique en Asie centrale, notamment des communautés des régions de montagne. Son Altesse l’Aga Khan IV a également appuyé ses institutions dans la signature de partenariats avec des universités internationales de premier plan et a financé la création de programmes à Harvard, au MIT et à Brown.
Un mécène des arts
Nourrissant un vif intérêt pour les arts et la culture, Son Altesse l’Aga Khan IV a initié divers programmes et initiatives dans les domaines de l’architecture, de la musique et de la conservation du patrimoine. Le Prix Aga Khan d’Architecture (AKAA), un prix créé en 1977 et disposant d’une dotation d’un million de dollars, est remis tous les trois ans à des projets qui ont su établir de nouveaux standards d’excellence en matière d’architecture, d’aménagement urbain ou paysager et de préservation de sites historiques. Le Programme Aga Khan pour la musique (AKMP) favorise le développement d’un patrimoine musical vivant au sein de sociétés du monde où les musulmans ont une présence significative. Le Programme Aga Khan en faveur des villes historiques (AKHCP) soutient la mise en œuvre de projets de restauration et de conservation ainsi que la création de parcs et de jardins, tels que le parc Al-Azhar, au Caire. Témoignage de son engagement en faveur de la préservation du patrimoine musulman, Son Altesse l’Aga Khan IV a ouvert, en 2014, le Musée Aga Khan de Toronto, qui abrite plus de 1 000 chefs-d’œuvre mettant en lumière les civilisations musulmanes.
Un passionné de sports
Perpétuant une longue tradition familiale, Son Altesse l’Aga Khan IV était un propriétaire et un éleveur de chevaux reconnu à l’international. Avec des haras spécialisés dans les chevaux de course en France et en Irlande, il a été le propriétaire de cinq vainqueurs de derby, dont Shergar, lauréat du Derby d’Irlande et du Derby d’Epsom, de quatre vainqueurs du Prix de l’Arc de Triomphe et de sept vainqueurs du Prix de Diane, un record dont il est toujours le détenteur. Skieur accompli, il a représenté l’Iran aux Jeux olympiques d’hiver d’Innsbruck en 1964.
Titres et honneurs
Conformément à la titulature accordée aux trois Aga Khan précédents par les monarques britanniques, Sa Majesté la reine Élisabeth II a accordé le prédicat officiel d’altesse à l’Aga Khan IV en 1957. En reconnaissance de ses contributions exceptionnelles en faveur du développement humain et de l’amélioration des conditions sociales de communautés à travers le monde, il a reçu des distinctions honorifiques en France, au Portugal, au Kenya, au Canada, au Royaume-Uni, en Iran, en Inde, au Pakistan et au Sénégal. Il a reçu 44 récompenses internationales, notamment la citoyenneté canadienne honoraire et le prix « Champion for Global Change » des Nations Unies, ainsi que 24 diplômes honorifiques remis par des institutions de premier plan telles que Cambridge, Harvard et McGill.