par Feu Son Altesse le Prince Karim Aga Khan IV, Nairobi, Kenya · 25 juillet 2011 · 7 min
Bismillah-ir-Rahman-ir-Rahim Votre Excellence, monsieur Mwai Kibaki, président de la République du Kenya et commandant en chef des forces armées, Monsieur Uhuru Kenyatta, premier ministre adjoint et ministre des Finances, Professeur Peter Anyang’ Nyong’o, ministre des Services médicaux, Monsieur Zerah, directeur général de l’Agence Française de Développement, Mesdames et Messieurs les membres du Corps diplomatique, Mesdames et Messieurs les ministres, vos Excellences, Monsieur le président, Mesdames et messieurs les membres du Conseil de l’Université Aga Khan, Éminents invités, Mesdames et Messieurs, J’ai l’immense plaisir de célébrer avec vous tous ce nouveau jalon dans l’évolution du Réseau Aga Khan de développement et de l’Université Aga Khan. Je considère que c’est un jalon car il représente un nouveau pas en avant sur la longue route du progrès médical. Le point de départ de cette route remonte à mille ans, aux grands hôpitaux fondés par mes ancêtres les califes-imams fatimides d’Égypte. Plus récemment, nous rappellerons la création ici même, il y a 53 ans, de l’Hôpital Aga Khan de Nairobi. Cet événement s’inscrivait dans le Jubilée de platine de feu mon grand-père, Sir Sultan Muhammad Shah. Cet hôpital allait se démarquer dès son premier jour d’entrée en fonction en 1958. Dès le départ, nous étions déterminés à dépasser le concept traditionnel qui aurait réservé l’accès à ce type d’établissement à une seule communauté, pour bâtir une institution servant l’ensemble de la nation kenyane. Dans ce même esprit, lors de mon propre Jubilée d’or, il y a quatre ans, nous avons étendu, dans le cadre de cet hôpital, le rôle de la Faculté des sciences sanitaires de l’Université Aga Khan. Aujourd’hui, l’inauguration du Centre de cardiologie et de cancérologie poursuit cette longue tradition et ouvre la voie à d’autres horizons plus vastes encore. Nous préparons le moment où cette Faculté proposera des études de second cycle en médecine, soins infirmiers et autres professions paramédicales, ainsi que de troisième cycle en soins infirmiers et médecine, et un hôpital de 600 lits. Nous comptons décerner des licences et des masters en médicine, chirurgie et soins infirmiers, et y adjoindre par la suite des doctorats. Dans l’intervalle, au-delà du domaine médical, l’Université Aga Khan a prévu d’importantes avancées dans d’autres domaines, notamment un nouveau campus à Arusha qui abritera une Faculté des Arts et des Sciences, et l’expansion de notre Institut pour le développement de l’éducation de Dar-es Salaam. En fin de semaine, nous poserons la première pierre d’une nouvelle École de média et communications de troisième cycle ici, à Nairobi. Et nous envisageons de créer d’autres établissements de troisième cycle dans des domaines comme la gestion, le tourisme et les loisirs, le droit, l’administration publique et la croissance économique. Il s’agit là d’un ordre du jour aussi chargé qu’important. Et celui qui concerne nos programmes liés à la santé est tout aussi ambitieux. Nous considérons nos programmes médicaux de Nairobi comme le cœur d’un vaste réseau régional de santé s’étendant d’Arusha à Kampala, de Nyeri à Mtwara et de Kigali à Malindi. Notre objectif est de créer un système sanitaire régional intégré, axé sur les meilleures pratiques, et fournissant un continuum de services coordonnés allant de la médecine préventive et des soins primaires aux soins hospitaliers tertiaires. Le défi sera considérable, faisant intervenir non seulement l’Université et l’Hôpital, mais aussi toute une gamme d’organisations partenaires, d’administrations, d’établissements scolaires et médicaux. Nous avons déjà noué de dynamiques partenariats, par exemple avec les universités d’Alberta et de Californie à San Francisco. Et laissez-moi exprimer notre profonde gratitude au gouvernement français pour l’aide que nous a apportée l’Agence Française de Développement. D’ailleurs, pour être franc, je dirais que sans ce soutien international, de la part de la France et d’autres bailleurs de fonds, y compris de nombreux particuliers, nos initiatives solidement ancrées pour l’avenir resteraient à l’état de rêve. En décrivant ce que sera le système régional que nous souhaitons, je soulignerais le défi que représente la planification commune et créative, qui permet aux secteurs public et privé d’élaborer ensemble des stratégies à long terme. Les initiatives que je vous fais partager font partie de la Vision kenyane à l’horizon 2030. Les prévisions à long terme ne sont pas un exercice facile. Les établissements de santé nationaux surchargés de travail, c’est compréhensible, sont souvent hypnotisés en période de crises. Mais nous ne pouvons pas permettre à l’ensemble du système de se concentrer uniquement sur le court terme. Il faut couvrir les coûts immédiats, bien sûr, mais il faut aussi générer des ressources supplémentaires, pour répondre à la croissance de la demande et aux évolutions technologiques. Il nous faut des projets public/privé pour répondre aux besoins médicaux de demain, pour améliorer les établissements et leurs équipements, pour un enseignement de qualité et une recherche innovante. Nous arrivons enfin à un point où, en Afrique de l’Est, l’oncologie et la cardiologie n’affichent plus des moyens et des compétences dépassés. Mais pour nous maintenir à niveau, nous devons préparer l’avenir. Dans le cadre de cette préparation, il est essentiel de procéder à une réévaluation des aspects économiques de la santé. Dans le monde entier, l’accès à une médecine de qualité s’accompagne de coûts prohibitifs, notamment pour les populations les plus pauvres. C’est pour cette raison que dans le cadre de son Programme d’assistance, l’Hôpital universitaire Aga Khan prend en charge 50 % en moyenne des frais des patients démunis. Mais à plus long terme, il nous faudra aussi faire preuve d’imagination en associant des solutions telles que la redistribution des coûts, les dotations, les possibilités de crédit et d’assurance, et d’autres produits financiers novateurs. J’espère que des institutions financières inventives s’associeront au secteur médical pour relever ce défi. Pour nous tous, la frontière médicale représente une priorité incontestable. Une récente étude menée par la Société financière internationale (IFC) – en collaboration avec McKinsey & Company – qualifie de « tragédie mondiale » le fait que l’Afrique sub-saharienne, où vivent 11 % de la population de la terre, supporte 24 % du poids mondial de la maladie. Et pourtant, l’Afrique sub-saharienne ne représente actuellement qu’un pour-cent des dépenses mondiales de santé. C’est en effet une véritable tragédie ! En s’attaquant à cette situation, le rapport de l’IFC souligne le rôle des institutions privées non gouvernementales, y compris les entreprises et institutions à but non lucratif, ainsi que le vaste potentiel de ce que nous appelons la "société civile". Les ressources privées de ce type fournissent déjà plus de la moitié des soins de santé en Afrique sub-saharienne. Leur travail est irremplaçable et il a besoin d’être encore développé. Enfin, je mentionnerais deux domaines d’investissement qui sont malheureusement les parents pauvres du monde en développement. Le premier est la recherche, le second l’enseignement. Le lien très étroit entre la recherche de qualité et la médecine de qualité n’est plus à démontrer. Pour être efficace, la recherche doit s’appuyer sur une expérience basée sur les patients, de même que les bonnes pratiques se fondent sur de nouvelles connaissances. Les deux dimensions sont interdépendantes. Cette association de pratiques informées et de recherche créative fournira aussi un contexte idéal pour un enseignement médical de qualité supérieure et pour créer ici, en Afrique de l’Est, un corps toujours plus important de professionnels de santé hautement qualifiés. Laissons derrière nous l’époque où les jeunes Africains croyaient devoir se rendre dans d’autres régions du monde pour faire des études médicales de qualité – et où, trop souvent, ils restaient à l’étranger. De même, abandonnons aussi l’idée que pour être bien soignés, les patients africains doivent aller à l’étranger. La poursuite de ces objectifs nous oblige à ne pas perdre de temps. C’est notamment pour cette raison que nous avons commencé par nous concentrer sur les maladies cardiovasculaires et sur le cancer – des pathologies chroniques, non infectieuses, qui sont en augmentation rapide en Afrique et qui grèvent lourdement les infrastructures et budgets de santé, au-delà de leurs limites existantes. L’Organisation mondiale de la santé prévoit que si nous ne prenons pas de contre-mesures décisives, les maladies cardiovasculaires et les cancers prendront des proportions épidémiques dans les dix à vingt prochaines années. Dans le seul Kenya, on diagnostique chaque année quelque 80 000 nouveaux cas de cancer, qui touchent un nombre inquiétant de jeunes. Le Centre de cardiologie et de cancérologie a pour mission de lutter contre cette prochaine épidémie africaine. On sait depuis longtemps, par exemple, que certaines pathologies cardiovasculaires et certains cancers sont peut-être spécifiques à l’Afrique. Le nouveau Centre se trouvera dans une position idéale pour étudier ce genre de problèmes. Le Centre proposera aussi une formation universitaire spécialisée en cardiologie et en oncologie, formation qui n’existe pas actuellement en Afrique de l’Est. Il recrutera des enseignants de premier ordre aux quatre coins du monde, y compris des Africains de l’Est qui ont étudié et exercé à l’étranger. Notre but est de mettre en place des équipes pluridisciplinaires, dans des domaines comme la radiothérapie et la chimiothérapie, la chirurgie à cœur ouvert, l’angioplastie et d’autres. Et toutes ces ressources seront accessibles à ceux qui n’en ont habituellement pas les moyens. Le Centre de cardiologie et de cancérologie représente un investissement crucial dans les habitants de cette région. Nous espérons que les générations futures, lorsqu’elles se repencheront sur le passé comme nous l’avons fait en évoquant nos premières réalisations, se rendront compte que le travail que nous effectuons aujourd’hui constitue vraiment un jalon important sur le chemin d’un avenir plus heureux, placé sous le signe de la santé. Je vous remercie d’avoir partagé avec moi cet instant mémorable. Merci à tous.