Indisponible · 6 septembre 2023 · 5 min
AKDN / Lucas Cuervo Moura
Un jour où il dispensait un cours sur les figures de style, Tanvir Amin, un enseignant de l’Académie Aga Khan (AKA) de Dhaka, remarqua qu’une de ses élèves était en train de dessiner sur une feuille sans écouter. Comment aurait-il dû réagir ? Quels facteurs participent à la concentration des élèves ? Comment les enseignants peuvent-ils créer un environnement stimulant ?
Trois enseignants d’écoles publiques du Kenya et d’Ouganda et de l’Académie Aga Khan de Dhaka, au Bangladesh, nous expliquent comment la formation en perfectionnement professionnel du Réseau Aga Khan de développement (AKDN) les a aidés à approfondir leurs relations avec leurs élèves et à proposer des cours plus enrichissants, qu’il s’agisse d’apprendre à des enfants de quatre ans à compter ou à des jeunes de 17 ans à réaliser des translations de vecteurs.
Kasena Karisa enseigne les mathématiques à ses jeunes élèves.
Courtesy of Simon Kadenge
Kasena Karisa, un ancien homme d’affaires, s’est reconverti dans l’enseignement après une formation de deux ans. Enseignant depuis maintenant quatre ans, il a cette année rejoint l’école AIC de Kilifi, au Kenya, où il enseigne les mathématiques à des enfants de quatre à six ans. Il a également eu l’occasion de suivre une formation à distance d’un an proposée par le Centre de développement professionnel (CDP) de l’Académie Aga Khan de Mombasa. Aujourd’hui, il nous parle de l’impact du programme sur son travail.
« Je suis très heureux d’encadrer cette classe. »
« Dans notre culture, nous utilisons le terme duduvule (un insecte) pour désigner une personne qui ne répond pas aux attentes qu’on a d’elle, par exemple, si elle est incapable de répondre à une question au tableau. Je n’ai jamais souhaité utiliser cette terminologie en classe, ce qui ouvre la voie à un environnement convivial entre les élèves et moi. Si je n’emploie pas de termes péjoratifs, ils s’attendent à entendre quelque chose de positif. »
« Certains de mes élèves sont musulmans, certains sont chrétiens, d’autres sont athées. Il faut donc faire attention au langage et aux exemples que l’on emploie. Aujourd’hui, je peux encadrer des élèves qui n’apprennent pas à la même vitesse, qui sont issus de milieux différents ou qui n’ont pas le même genre. »
Lors de sa formation d’un an, Kasena Karisa a appris à mieux communiquer avec ses élèves.
Courtesy of Janester Mwende
« La formation m’a également conforté au sujet de mes plans de cours. Aujourd’hui, les mathématiques sont devenues un plaisir plutôt qu’une corvée pour mes élèves. Au lieu de se contenter de recevoir des informations, ils apprennent à explorer les concepts abordés. J’ai développé une approche réactive pour aborder les mathématiques : si, aujourd’hui, une méthode d’enseignement ne se révèle plus aussi efficace, je la changerais aussitôt. »
« Lorsque je me suis inscrit à la formation, j’avais en tête d’apprendre à devenir un meilleur enseignant de mathématiques et d’acquérir des compétences pour mieux gérer ma classe. Aujourd’hui, je peux dire que j’ai atteint 90 % de mes objectifs. »
« Souvent, la plupart des élèves ne se rendent même pas compte qu’ils apprennent quelque chose, car tout est caché derrière un aspect ludique », explique Tanvir Amin.
AKA
Après avoir étudié la littérature anglaise à l’Université North South de Dhaka, au Bangladesh, Tanvir Amin a travaillé comme enseignant remplaçant à l’Académie Aga Khan de Dhaka. C’est au cours de cette période que sa candidature pour le programme de préparation des enseignants de 18 mois du réseau des AKA a été retenue. Peu après, il a pris l’avion pour la première fois et est parti s’installer à Hyderabad pour un an.
« Au début, nous avons étudié de nombreuses théories sur les nouvelles méthodes pédagogiques, avant de commencer à les mettre en œuvre dans les salles de classe. Nous avons adopté une approche axée sur la résolution de problèmes : par exemple, nous avons travaillé sur une mise en situation dans le cadre de laquelle un très bon élève a soudainement de mauvais résultats. Le but était de trouver des solutions. »
« Nous avons également participé à quelques ateliers sur la différenciation. Pour être franc, je pensais jusqu’alors que la différenciation n’était qu’un concept mathématique. En réalité, il s’agit d’une approche qui nous permet d’adapter nos méthodes d’enseignement aux besoins de chaque élève. Tous les enfants sont différents. Ils ont des origines, des cultures et des façons d’apprendre différentes. Je me suis rendu compte que si un élève ne travaille pas, c’est que je n’ai pas réussi à retenir son attention. »
« J’ai compris que je devais me remettre en question pour encourager la participation des enfants. Aujourd’hui, je peux dire que la plupart des élèves ne se rendent même pas compte qu’ils apprennent quelque chose, car tout est caché derrière un aspect ludique. »
Et au sujet de l’élève qui dessinait sur une feuille ? Au lieu de la réprimander, comme il l’aurait fait auparavant, il l’a mise au défi de dessiner la métaphore dont il était en train de parler. Elle a dessiné un navire entrant dans un port et a expliqué aux autres la raison pour laquelle elle avait choisi ce dessin.
Les élèves malvoyants et voyants de Grace Zanvacia trouvent qu’il est plus facile de travailler avec son système de coordonnées cartésiennes sous forme de tableau plutôt qu’avec des feuilles de papier.
Courtesy of Simon Okot
Grace Zanvacia est enseignante de mathématiques et de physique depuis 2012. Elle enseigne aujourd’hui à des classes de plus de 80 élèves âgés de 13 à 17 ans à l’école secondaire Mvara, à Arua, en Ouganda. La Fondation Aga Khan (AKF) a soutenu deux enseignants de l’établissement, dont Grace, et les a aidés à améliorer leurs méthodes au travers d’une formation de cinq jours et de modules d’entraînement ultérieurs.
« Auparavant, la façon dont nous enseignions n’était pas orientée sur la recherche de solutions novatrices pour aider les enfants. En général, lorsqu’un élève n’a pas de bons résultats, on le lui reproche. Mais ici, dès le premier jour, on nous a posé la question suivante : ‘Dans un tel contexte, peut-on dire que l’enseignant a fait assez ? Quelles méthodes l’enseignant a-t-il mises en œuvre pour aider un élève, de manière individuelle, à améliorer ses points faibles ?’ Je m’en souviens très bien. »
« Cette formation était un vrai défi, car j’ai été amenée à sortir de ma zone de confort et à réfléchir à des solutions qui sortaient de l’ordinaire. J’ai dû me résoudre à accepter que certaines méthodes conventionnelles, comme les entretiens individuels, ne résolvaient pas les problèmes de ma classe. On nous a par la suite présenté toutes les phases d’un projet de conception centrée sur la personne (HCD), et je me souviens m’être demandé pourquoi nous devions suivre tous ces modules. Pourtant, j’ai appris que je pouvais réellement analyser le problème d’un enfant, par exemple en mathématiques, et l’aider à y trouver une solution au travers de diverses innovations. »
Pour son projet de fin de formation, Grace a présenté un système de coordonnées cartésiennes sous forme de tableau d’un mètre carré réalisé sur du contreplaqué avec des cases marquées par des pailles et des épingles. Les élèves font tourner une roue pour déterminer les points à placer sur le graphique, puis utilisent leurs doigts pour trouver la solution.
Pour faciliter le travail pour ses deux élèves malvoyants, Grace utilise des épingles différentes pour les axes X et Y, des pailles lisses pour faciliter le mouvement des doigts et des marqueurs faits en pâte à modeler. Les élèves voyants disent aimer les couleurs bleu et jaune du graphique, ainsi que l’utilisation de peinture et l’aspect portatif du graphique, qui leur permettent de travailler en extérieur.
« Toutes mes futures solutions seront inclusives, à l’image de celle-ci. La conception centrée sur la personne fait ressortir mes capacités d’innovation et de conception ! Merci à la Fondation Aga Khan. »