Réseau de développement Aga Khan (AKDN)
France · 13 juillet 2022 · 17 min
En 1957, le prince Karim Aga Khan, un étudiant de 20 ans à Harvard, est devenu l’imam (chef spirituel) des musulmans chiites ismailis à la mort de son grand-père, Sir Sultan Mahomed Shah Aga Khan III.
Dès lors, il a commencé à se rendre dans les communautés ismailies du monde entier. La même année, Sa Majesté la reine Elizabeth II lui a conféré le titre d’Altesse. Le jeune imam qu’il était alors a rapidement été propulsé dans un environnement marqué par l’instabilité et les bouleversements politiques importants, qui ont eu un impact direct sur les communautés ismailies et leurs voisins. C’est en effet à cette période que les pays d’Afrique et d’Asie se battaient pour leur indépendance face à la domination coloniale, ou s’adaptaient tout juste à leur nouveau statut de nations indépendantes.
C’est dans ce contexte que Son Altesse l’Aga Khan a commencé à s’appuyer sur le travail de son défunt grand-père pour consolider et créer de nouvelles institutions contemporaines et ainsi améliorer la qualité de vie de ses disciples et des sociétés dans lesquelles ils vivaient. Ces institutions ont par la suite collaboré pour atteindre leurs objectifs respectifs, mais elles se sont également imposées comme des entités autonomes reconnues dans leurs domaines et parmi les communautés auprès desquelles elles travaillaient.
Au fil du temps, leur travail s’est articulé autour de quatre thématiques distinctes, mais liées entre elles.
Pakistan, 1960. Son Altesse l’Aga Khan pose pour une photographie avec les écolières de l’École secondaire Aga Khan pour filles de Kharadar.
AKDN / Cumber archives
Favoriser une croissance inclusive
À l’aube des années 1960, l’Europe, qui avait été dévastée par la guerre, avait pratiquement achevé sa reconstruction et entrait dans une période marquée par un important boom économique. À l’inverse, pour les pays d’Afrique et d’Asie, les enjeux de progrès économique commençaient à peine à émerger.
C’est dans ce contexte qu’en 1963, Son Altesse l’Aga Khan a créé un groupe d’entreprises sous la dénomination sociale Industrial Promotion Services (IPS). Chacune de ces sociétés a été créée afin d’apporter un capital-risque, une assistance technique et un soutien à la gestion dans le but d’encourager et de développer le secteur privé dans les pays d’Afrique subsaharienne et d’Asie du Sud.
À l’époque, les IPS réalisaient des investissements en vue de fournir des biens et des services dont les régions visées manquaient, alors qu’elles commençaient à sortir d’un passé colonial et marqué par les conflits. L’objectif était avant tout de créer des emplois et de renforcer le flux d’investissements en vue d’améliorer les moyens de subsistance des populations locales.
Le secteur de la transformation agroalimentaire est devenu l’un des principaux secteurs d’intervention des IPS, qui comptent des entreprises qui approvisionnent les marchés locaux et les marchés d’exportation et qui jouent un rôle important dans le soutien de l’économie rurale.
Frigoken, par exemple, est à ce jour le plus grand exportateur de haricots verts transformés du Kenya et s’efforce d’offrir un avenir meilleur aux petits agriculteurs du pays. La société emploie plus de 3 000 personnes, dont la plupart sont des femmes, et soutient plus de 70 000 petits agriculteurs. Frigoken pilote également un programme complet de bien-être au travail et offre aux jeunes familles une garderie sur place.
En dehors du secteur de la transformation agroalimentaire, les IPS travaillent avec les gouvernements, des institutions financières et des donateurs afin d’élaborer des solutions à grande échelle face aux besoins infrastructurels urgents, notamment dans la production énergétique et les télécommunications.
Nairobi, Kenya, 1981. Son Altesse l’Aga Khan visite l’entreprise Nation Printers & Publishers. Le Sunday Nation et le Daily Nation ont été lancés en 1960.
AKDN / Christopher Little
Ces activités sont désormais mises en œuvre par le Fonds Aga Khan pour le développement économique (AKFED), qui est également actif dans les domaines de la finance, des médias et de la promotion touristique. L’AKFED exploite des sociétés reconnues dans les pays dans lesquels il est implanté, comme la Diamond Trust Bank, la Habib Bank, le Nation Media Group ou encore Serena Hotels, et vise à créer des entreprises solides et renforcer les économies locales. Ses sociétés investissent dans le développement du capital humain à l’échelle locale et s’efforcent ainsi d’améliorer les compétences managériales, techniques, marketing et financières des personnes visées. Tous les excédents qu’elles enregistrent sont réinvestis dans d’autres activités de développement.
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Depuis plus de 60 ans, plusieurs agences créées par Son Altesse l’Aga Khan offrent des services de microfinance par l’intermédiaire de programmes de développement intégrés et d’institutions de microfinance autonomes. Ces entités ont mis en place des groupes d’épargne et des solutions de prêts immobiliers renouvelables dès les années 1950.
Elles ont également aidé des entreprises à se lancer, facilité la création d’emplois, la construction et l’amélioration de logements, l’achat de semences et de bétail, contribué à l’atténuation de l’impact des dépenses de santé imprévues et renforcé l’accès à l’enseignement supérieur. Bon nombre de ces initiatives ont par la suite été regroupées et gérées au sein de l’Agence Aga Khan pour la microfinance (AKAM).
L’AKAM se donne pour mission d’apporter des améliorations mesurables et durables en faveur de la qualité de vie de ses clients en proposant des services financiers adaptés afin de réduire leur vulnérabilité et de favoriser leur inclusion financière, économique et sociale.
Grâce aux solutions de dépôt qu’elle propose, les plus démunis peuvent accéder à un endroit sûr pour épargner leur argent. Les services de crédit, d’épargne, de transfert et d’envoi d’argent permettent aux micro-entrepreneurs et aux petits exploitants agricoles d’investir dans leurs entreprises et leurs exploitations et d’ainsi exercer un meilleur contrôle sur leurs moyens de subsistance. Les services de développement de l’emploi et des petites et moyennes entreprises (PME) contribuent à la formation d’une base solide favorisant la stabilité de l’économie nationale.
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Aider les populations à s’épanouir
Au milieu des années 1960, les pays africains étaient de plus en plus nombreux à prendre leur indépendance, tandis que les sociétés rurales d’Asie du Sud luttaient contre la sécheresse et la famine.
En 1967, Son Altesse l’Aga Khan a créé la Fondation Aga Khan (AKF), la première agence de ce qui allait devenir le Réseau Aga Khan de développement (AKDN). Cette étape symbolisait alors un pas important vers le renforcement de la synergie entre les diverses activités de développement menées par l’imamat ismaili sous une structure institutionnelle unique.
À cette même époque, les gouvernements des pays en développement ne disposaient pas des bons outils pour préparer leurs sociétés marginalisées à entamer un processus de progrès durable. C’est pourquoi l’AKF a focalisé ses premières initiatives dans les domaines de la santé, de la nutrition et de la sécurité alimentaire, puis s’est petit à petit insérée dans les secteurs de l’éducation et du développement de la petite enfance (ECD).
Renforcer la société civile
Selon Michael Kocher, directeur général de l’AKF, la vision que Son Altesse avait de l’AKF lors de sa création « était axée sur le développement communautaire et la mise en place de programmes sur le long terme, et non de projets à court terme ».
Ses programmes s’appuient sur le principe de démocratie de proximité depuis des dizaines d’années pour améliorer considérablement les conditions de vie des communautés vivant dans des régions de montagne reculées, des régions côtières et d’autres zones rurales pauvres.
Le développement minutieux d’organisations villageoises dirigées par les citoyens eux-mêmes est au cœur de cette transformation. Les processus inclusifs qu’elles mettent en œuvre permettent à des communautés diversifiées de chercher et de déployer des solutions à leurs problèmes communs. Aujourd’hui, ces organisations aident plus de huit millions de personnes à renforcer leur sécurité alimentaire, à augmenter leurs revenus et à développer leurs perspectives d’avenir.
Ces groupes villageois sont désormais connus sous le nom d’organisations de la société civile, des entités qui ne sont ni commerciales ni gouvernementales et qui mobilisent les citoyens en faveur du bien public. Leur capacité à stimuler le progrès est aujourd’hui avérée, mais dans les années 1970 et 1980, le concept était encore nouveau.
« Son Altesse occupe une place très importante en sa qualité de dirigeant international », explique M. Kocher à propos de la vision et de l’intuition première de l’imam. « Il parlait déjà de la société civile il y a des années, alors que très peu de personnes le faisaient. »
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Cultiver des esprits brillants
Dans les années 1980, Son Altesse l’Aga Khan a entrepris une initiative pluriannuelle dans le but de créer ce qui allait devenir l’Université Aga Khan (AKU). Fondée en 1983 au Pakistan, cette institution, qui était à l’origine une école d’infirmières, fut la première université privée du pays. Au fil des années, l’AKU s’est développée pour proposer aujourd’hui des programmes dans de très nombreuses disciplines à travers six campus répartis sur trois continents.
Plus récemment, l’institution a lancé des programmes de formation des enseignants, d’étude des civilisations musulmanes, de journalisme, de développement de la petite enfance et de politique publique. Médecins, infirmiers, enseignants ou encore directeurs d’établissement scolaire font partie des plus de 16 000 anciens élèves de l’AKU, dont deux tiers sont des femmes, qui constituent aujourd’hui une communauté internationale d’acteurs de premier plan qui parviennent à élever les normes dans leurs domaines respectifs. Les chercheurs de l’Université produisent quant à eux de nouvelles connaissances et établissent ainsi de nouvelles références pour résoudre les problèmes qui touchent des millions de personnes dans le monde en développement.
Cérémonie de remise des diplômes de l’AKU, Dar es Salaam, Tanzanie, le 24 février 2015.
AKDN / Zahur Ramji
Melinda French Gates, coprésidente de la Fondation Gates, considère l’AKU comme une institution essentielle. À l’occasion de la cérémonie de remise des diplômes de l’année dernière, elle a affirmé que « l’Université Aga Khan est non seulement une institution d’envergure planétaire, mais également une force transformatrice pour la santé publique et la santé des femmes ».
« Son Altesse est le fondateur inspirant d’universités et d’écoles, car l’éducation est l’un des piliers démocratiques dont il est un fervent défenseur », a déclaré Adrienne Clarkson, ancienne gouverneure générale du Canada, en 2016. « Il insiste toujours sur le fait qu’une solution scientifique aux problèmes doit s’accompagner d’une ouverture continue aux nouvelles questions. »
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C’est sur ces principes de résolution de problèmes et d’ouverture aux nouvelles questions que Son Altesse a pris appui pour développer une approche d’éducation des plus jeunes, à savoir les élèves de maternelle, du primaire et du secondaire.
Les premières Écoles Aga Khan ont été créées il y a plus de 100 ans en Inde et en Afrique de l’Est par Sir Sultan Mahomed Shah Aga Khan III. Plus tard, dans les années 1940, plusieurs écoles pour filles Diamond Jubilee ont été ouvertes dans le nord du Pakistan. Lorsqu’il est devenu imam, Son Altesse l’Aga Khan a hérité de la responsabilité de ce réseau croissant d’établissements scolaires et, avec elle, d’une volonté particulière d’améliorer l’accès à l’éducation, en particulier dans le monde en développement.
Au cours des années suivantes, de nouvelles écoles ont vu le jour dans des régions où les besoins étaient importants, et leur objectif était alors clair : éduquer et non inculquer.
Une enseignante de l’École secondaire supérieure Aga Khan de Ghakuch, dans le nord du Pakistan, dispense un cours en extérieur à ses élèves.
AKDN / Kamran Beyg
« Éduquer les dirigeants de demain, ce n’est pas simplement leur inculquer des savoirs », a déclaré Son Altesse l’Aga Khan à Atlanta en 2008. « Et une formation axée sur l’acquisition de savoir-faire, aussi importants fussent-ils, n’a rien à voir avec le développement de la rigueur intellectuelle et de l’esprit critique. »
Le développement de l’esprit critique est au cœur du travail du réseau d’institutions connu aujourd’hui sous le nom d’Écoles Aga Khan (AKS). Ses centres d’apprentissage transmettent aux jeunes élèves, des tout-petits aux adolescents, les connaissances, les compétences, les attitudes et les valeurs qui les aideront à s’épanouir dans un monde complexe et dynamique. Au sein des Écoles Aga Khan, les élèves apprennent ainsi à faire preuve d’éthique et de pluralisme et à œuvrer en faveur de leurs communautés.
En plus d’exploiter plus de 200 établissements scolaires dans 13 pays, les AKS ont également créé le modèle novateur des Académies Aga Khan (AKA).
C’est en 2000 que Son Altesse l’Aga Khan a lancé la mise en place de ce réseau intégré d’écoles d’excellence dont le but est de renforcer l’accès à une éducation d’envergure internationale. La première Académie Aga Khan a vu le jour en 2003, à Mombasa, au Kenya. La deuxième a été mise en service en 2011 à Hyderabad, en Inde, et la troisième en 2013, à Maputo, au Mozambique.
Son Altesse l’Aga Khan avec des élèves de primaire et leur enseignante à l’Académie Aga Khan de Mombasa.
AKDN /Gary Otte
Basé sur le cadre du Baccalauréat International (IB), le programme des AKA intègre des thématiques pensées pour transmettre à des élèves exceptionnels les compétences dont ils auront besoin pour s’imposer comme les leaders dans leurs disciplines, que ce soit à l’échelle mondiale ou locale. Au cours de leurs études, ces derniers prennent ainsi conscience des enjeux internationaux, développent leur sens de la responsabilité sociale et leur créativité et apprennent à travailler selon les plus hautes normes éthiques. Les admissions se font uniquement au mérite, quel que soit le milieu socio-économique ou la capacité de paiement de la famille des élèves.
Tout en aidant ces élèves talentueux à devenir des leaders locaux doués d’une stature adaptée à l’international, le réseau des Académies s’efforce également de renforcer les systèmes éducatifs nationaux par le biais d’un programme continu de perfectionnement professionnel des enseignants.
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Faire évoluer la santé publique
Si le développement rural et l’éducation sont deux éléments essentiels de la problématique du développement, la santé en est assurément un autre. C’est pourquoi Son Altesse l’Aga Khan a déployé des efforts considérables pour créer des hôpitaux et des centres de santé dans le cadre de ce qui allait plus tard devenir les Services de santé Aga Khan (AKHS).
« Notre expérience nous a appris que toute initiative d’atténuation doit commencer par une analyse approfondie des nombreuses causes qui nécessitent des réponses », écrivait-il en 2011. « Nous avons également appris que les réponses mises en œuvre localement sont souvent fragiles et éphémères. Les solutions doivent donc être déployées à une certaine échelle pour pouvoir durer dans le temps. »
Comme dans de nombreux aspects de son travail, l’AKDN adopte une approche large et à long terme de la santé en vue de traiter les problèmes chroniques des communautés les plus démunies. Il fournit ses services par l’intermédiaire des AKHS, l’un des plus importants systèmes de santé privés et à but non lucratif du monde en développement. Ce système jouit aujourd’hui d’une expérience de plusieurs décennies et a formé des milliers d’infirmiers, de sages-femmes et de médecins. Souvent en collaboration avec d’autres programmes de développement, il met en œuvre des projets de renforcement de la santé communautaire dans certaines des régions les plus pauvres et les plus reculées du monde.
Le premier projet de ce futur réseau, l’Hôpital Aga Khan femme-enfant de Kharadar, qui était à l’origine une maternité, a vu le jour en 1924 sous l’impulsion de Sir Sultan Mahomed Shah Aga Khan III, qui ouvrirait d’autres centres de santé au cours des deux décennies suivantes. Comme dans le secteur de l’éducation, l’Aga Khan a hérité de la responsabilité de ce réseau, et avec elle d’une connaissance approfondie du rôle de la santé dans les pays en développement.
Le Dr Gijs Walraven, directeur de la santé de l’AKDN, s’est exprimé à propos d’une visite de Son Altesse l’Aga Khan au Pakistan au début des années 1980, qui se rendait dans le pays pour suivre l’avancement des projets de santé qui y étaient alors menés. Déjà à l’époque, on remarquait son profond intérêt et son attention aux plus petits détails :
« Son Altesse avait compris l’importance du continuum de soins, du modèle en étoile, de l’éducation, de la recherche et du déploiement, partout où cela était nécessaire, de ce système de santé global basé sur des principes forts. »
Le centre de Kharadar est aujourd’hui devenu un hôpital tout équipé de 48 lits et doté d’une salle d’accouchement, d’un bloc opératoire, d’un laboratoire d’analyse, d’une unité pour patients hospitalisés, d’une pouponnière et d’une pharmacie. Il exploite également une école de sages-femmes et propose un foyer pour les étudiants en formation. Le développement de cet établissement n’est qu’un exemple de la croissance des AKHS au cours des 65 dernières années.
De nos jours, l’agence fournit des soins de santé primaires et des soins thérapeutiques à un million de personnes en Afghanistan, en Inde, au Kenya, au Pakistan et en Tanzanie au travers de plus de 230 centres de santé, dispensaires, hôpitaux, centres de diagnostic et centres communautaires qui cumulent 1,2 million de visites par an. Elle fournit en parallèle des services d’assistance technique aux gouvernements du Kenya, de Syrie et du Tadjikistan afin de renforcer la prestation de services de santé sur leur territoire. L’objectif de ce travail est de compléter l’offre des systèmes de santé publics et non de leur faire concurrence.
Les Hôpitaux Aga Khan implantés en Afrique de l’Est et dans certaines régions de l’Asie du Sud sont réputés pour leur éthique, leur capacité d’innovation et la qualité de leurs soins, dont l’approche est largement éprouvée.
« Nous adaptons et faisons évoluer notre système de santé pour mieux servir les populations auprès desquelles nous travaillons », explique le Dr Walraven. « Les pays dits développés ou à revenu élevé pourraient tirer des enseignements de beaucoup de choses que nous accomplissons dans nos contextes. »
Alors que, pendant ces deux dernières années marquées par la pandémie de COVID-19, les professionnels de santé ont redirigé toute leur attention sur les maladies transmissibles, les AKHS ont continué à faire progresser leur approche selon la nature évolutive des maladies et à planifier et construire de nouveaux établissements, à l’image du centre de cancérologie ultramoderne de l’Hôpital Aga Khan de Dar es Salaam.
« On voit apparaître d’autres maladies avec le changement démographique et l’évolution des modes de vie », précise le Dr Walraven. « Et nous accordons aujourd’hui beaucoup d’attention à la prise en charge de l’hypertension, du diabète et des problèmes de santé mentale. »
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Bâtir des communautés résilientes
Au début des années 1990, peu après l’effondrement de l’Union soviétique, une guerre civile a éclaté au Tadjikistan. Le conflit a provoqué de graves pénuries alimentaires et énergétiques dans la région reculée du Badakhchan, située dans les montagnes du Pamir. Au cours de l’hiver 1992, cette situation a donné lieu à une tragique crise humanitaire mettant en danger d’innombrables vies et moyens de subsistance.
À la demande du gouvernement du Tadjikistan, Son Altesse l’Aga Khan a lancé une opération de secours d’urgence qui a par la suite donné naissance à un processus de changement positif pour cette nouvelle nation.
Au milieu des années 1990, l’AKDN s’est spécialisé dans l’intervention face aux situations de crise. Mis en œuvre par Focus Assistance Humanitaire (FOCUS), ce travail visait, à court terme, à répondre aux catastrophes d’origine naturelle et anthropique, et à long terme, à réduire la dépendance des populations touchées envers l’aide humanitaire et à aider les communautés à mettre en place un processus de développement durable et autonome.
En parallèle, les Services Aga Khan pour l’aménagement et la construction (AKPBS), fondés par Son Altesse l’Aga Khan en 1980, s’efforçaient d’améliorer l’environnement construit au travers de services de conception et de construction de logements, de planification des villages ou encore de construction de systèmes d’approvisionnement en eau et d’assainissement dans de nombreuses régions où FOCUS était actif.
En 2016, les deux entités ont fusionné pour ne former qu’une seule nouvelle institution, l’Agence Aga Khan pour l’habitat (AKAH), qui a repris la supervision des projets déjà en cours tout en intégrant le rôle de plus en plus important du changement climatique sur l’environnement construit et les risques de catastrophe dans son travail.
De récentes études ont montré que le climat change plus rapidement dans les régions de montagne qu’ailleurs, et que les personnes qui y vivent sont ainsi particulièrement vulnérables aux séismes, aux avalanches, aux inondations et aux glissements de terrain. C’est dans ces régions que l’AKAH concentre ses interventions.
« Son Altesse l’Aga Khan a observé, plus tôt que la plupart d’entre nous, que les risques augmentaient », explique Onno Ruhl, directeur général de l’AKAH, à propos des communautés vivant sur « le toit du monde ». « Il a rapidement compris que si nous voulons améliorer la qualité de vie des populations rurales et de montagne, et qu’elles survivent et prospèrent malgré les risques, nous devons mener des activités de gestion des risques et de préparation extrêmement ambitieuses. »
Au Tadjikistan, les communautés locales apprennent à mettre en place des mesures écologiques d’atténuation des catastrophes, et notamment à construire des gabions pour stabiliser les pentes et les berges des rivières.
AKAH Tajikistan
Selon M. Ruhl, ce travail a nécessité la mise en place d’une synergie entre les agences opérationnelles et entre les unités nationales, ainsi que la création d’une agence principale centralisant les capacités intellectuelles. « C’est pourquoi Son Altesse l’Aga Khan a créé l’AKAH, et c’est dans le cadre de cette mission que nous travaillons. »
Aujourd’hui, l’AKAH aide les communautés vivant dans les centres urbains denses comme dans les villages de montagne reculés à lutter contre le changement climatique en repensant la manière dont leurs bâtiments sont conçus, construits et exploités – et en plaçant en parallèle les principes de construction écologique au cœur du processus de développement.
L’AKDN s’appuie également sur ces mêmes principes pour écologiser l’environnement construit dans l’ensemble de ses institutions et programmes en vue d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2030.
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Pour s’épanouir pleinement, les communautés doivent éprouver un sentiment d’appartenance, mais également être connectées à leurs voisins et au reste du monde.
L’Université d’Asie centrale (UCA) a été créée en 2000 en tant qu’université privée, laïque et à but non lucratif dans le cadre d’un traité international signé par Son Altesse l’Aga Khan et les présidents du Tadjikistan, de la République kirghize et du Kazakhstan. L’institution est également officiellement enregistrée auprès des Nations Unies.
Elle se donne pour mission de favoriser le développement socio-économique en Asie centrale, et particulièrement de ses communautés de montagne, en offrant un niveau d’enseignement supérieur reconnu à l’international. Elle cherche également à connecter les sociétés rurales isolées à la communauté internationale et à développer le capital humain nécessaire pour faire fonctionner les économies modernes et assurer une gouvernance stable dans la région.
À ce jour, l’UCA a établi trois campus à l’écart des grands centres urbains. Deux tiers de ses étudiants, qui sont autant de femmes que d’hommes, sont originaires de villes secondaires, de petits villages et de zones rurales. Le premier campus résidentiel de l’Université a été construit à Naryn, en République kirghize, en 2016, et le deuxième à Khorog, au Tadjikistan, en 2017. Un troisième campus devrait ouvrir ses portes au Kazakhstan dans les années à venir.
Les étudiants de l’UCA suivent un cursus général en arts libéraux qui leur ouvre l’esprit aux sciences humaines, aux arts et aux sciences, avant qu’ils ne se spécialisent dans la discipline de leur choix.
République kirghize, 2016. Son Altesse l’Aga Khan salue les étudiants de la première promotion de premier cycle du campus de Naryn de l’UCA.
Iskender Ermekov
« Les étudiants en histoire du monde nous rappellent comment l’Asie centrale, il y a un millénaire, a dirigé le monde sur les plans culturel et intellectuel », a déclaré Son Altesse l’Aga Khan lors de la cérémonie de remise des diplômes de l’UCA organisée l’année dernière. « C’est dans cette région que la médecine a été créée, que le nom algèbre est apparu, que le diamètre de la terre a été calculé avec précision, que certaines des plus grandes poésies du monde ont été écrites. »
« Si tous ces événements ont pu se produire, c’est parce que les sociétés étaient ouvertes aux idées nouvelles, au changement, aux savants et aux personnes d’horizons divers », a-t-il ajouté. « Cet état d’esprit peut à nouveau nous permettre d’ouvrir les portes de l’avenir et de répondre aux grandes questions de notre époque et de notre habitat. »
Après de nombreuses années d’investissement dans la recherche et l’enseignement à l’échelle transfrontalière, l’UCA occupe désormais une place de premier plan pour ouvrir de nouvelles portes et répondre à ces grandes questions.
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Honorer le patrimoine culturel
Dans les années 1970, alors que le boom économique de l’après-guerre arrivait à son terme en Occident, Son Altesse l’Aga Khan s’est penché sur l’état de l’architecture dans le monde musulman où, en raison du développement rapide des pays, des copies de mauvaise qualité de bâtiments étrangers s’étaient répandues et avaient supplanté la tradition architecturale islamique, qui était alors menacée de disparition.
En 1977, à une époque où il existait peu de prix d’architecture à l’échelle internationale, il a ainsi créé le Prix Aga Khan d’Architecture (AKAA) pour répondre aux questions que cette situation avait soulevées. Son Altesse l’Aga Khan s’est toujours intéressé à l’architecture et à la pratique qui en découle. Selon lui, cette discipline est la seule forme d’art qui a un impact direct et quotidien sur la qualité de vie humaine.
Le Prix Aga Khan d’Architecture est remis tous les trois ans à des projets qui ont su établir de nouveaux standards d’excellence en matière d’architecture, d’aménagement urbain ou paysager, et de préservation de sites historiques. Il a pour mission d’identifier et d’encourager des conceptions qui répondent correctement aux besoins et aux aspirations des sociétés du monde dans lesquelles les musulmans ont une présence significative.
Au cours des 45 dernières années, plus de 7 500 projets de construction du monde ont été documentés, et plus d’une centaine d’entre eux ont été récompensés. L’AKAA est aujourd’hui considéré comme l’un des prix d’architecture les plus prestigieux qui soient.
Depuis sa création, Son Altesse l’Aga Khan a élargi la portée du travail de l’imamat dans le domaine de la culture pour y inclure la revitalisation physique, sociale et économique des communautés du monde en développement. C’est le Trust Aga Khan pour la culture (AKTC) qui est chargé de ce travail.
« Quand j’observe ce que Son Altesse l’Aga Khan a accompli, et la trajectoire de sa pensée, il ne fait nul doute qu’il a agi de manière progressive », explique Luis Monreal, directeur général de l’AKTC.
« C’est dans le cadre des activités du Prix qu’il a également identifié la nécessité de porter notre regard au-delà des bâtiments individuels, et de nous pencher sur le tissu urbain, à savoir le territoire où la majorité de l’humanité vit aujourd’hui. »
Son Altesse l’Aga Khan découvre les travaux de restauration sur la tombe de Nila Gumbad et la pépinière de Sunder, à Delhi, en Inde.
AKDN / Gary Otte
Le Programme Aga Khan en faveur des villes historiques (AKHCP), une composante de l’AKTC, a par exemple démontré que la création de parcs et de jardins, la conservation d’édifices emblématiques, l’amélioration du tissu urbain et la revitalisation du patrimoine culturel (qui sont dans de nombreux cas les seuls atouts dont les communautés disposent) peuvent constituer un catalyseur du développement social.
Tout au long des années 1990, et depuis lors, l’AKTC a travaillé sur le patrimoine culturel et le développement social et économique dans des villes comme Le Caire, Kaboul, Hyderabad, Delhi et Djenné.
Ces projets ont prouvé qu’un investissement dans la réhabilitation des biens culturels et des espaces publics, mené en parallèle de la mise en place de programmes de microfinance et de santé, a un impact direct non seulement sur l’amélioration de la qualité de vie des personnes, mais également sur leurs capacités à gagner des revenus.
Plus récemment, Son Altesse l’Aga Khan a créé le Musée Aga Khan à Toronto, au Canada, qui abrite plus de 1 000 chefs-d’œuvre mettant en lumière les arts des civilisations musulmanes de la péninsule ibérique jusqu’à la Chine. Sa collection dynamique de manuscrits, d’instruments scientifiques, de peintures, de céramiques et de ferronneries, qui a été dévoilée au public pour la première fois en 2014, continue d’évoluer grâce à de nouvelles acquisitions.
Au-delà de sa collection, le musée propose également des programmes éducatifs pour mettre en lumière les liens entre les époques et les cultures. Faire découvrir la valeur de la culture auprès de publics diversifiés présente également l’avantage d’encourager le pluralisme, la notion selon laquelle l’acceptation de la différence peut aider les sociétés à aborder les enjeux d’injustice, d’inégalité et d’exclusion.
« D’expérience, nous savons que l’être humain n’a ni le don ni le désir de considérer l’Autre comme son égal dans la société », a déclaré Son Altesse l’Aga Khan en 2008. « Le pluralisme est donc une valeur qu’il importe d’enseigner. »
C’est pourquoi ce principe est enseigné, célébré et récompensé.
La cérémonie inaugurale des Prix Aga Khan de Musique a été organisée à Lisbonne, au Portugal, en 2019.
AKDN / Antonio Pedrosa
Créée en 2000, l’Initiative Aga Khan pour la musique (AKMI) avait pour but de revitaliser une partie du patrimoine mondial qui disparaissait alors rapidement, notamment les traditions musicales vivantes issues de sociétés diversifiées du monde où les musulmans ont une présence significative. Le travail de l’AKMI en matière d’éducation, de tutorat, de création, d’interprétation, de production et de diffusion a ensuite été transféré sous la tutelle du Programme Aga Khan pour la musique (AKMP), qui intègre en parallèle un mécanisme de reconnaissance de l’excellence et de la créativité tenant de l’exceptionnel, les Prix Aga Khan de Musique (AKAA), créés en 2018 par Son Altesse l’Aga Khan.
« Les forces technologiques qui refaçonnent notre monde aujourd’hui impliquent que nos voisins qui vivent à l’autre bout de la planète sont plus proches de nous que nos voisins qui vivent de l’autre côté de la rue », a déclaré Son Altesse l’Aga Khan lors de la cérémonie de remise des prix inaugurale, en 2019. « Dans un tel monde, la paix et le progrès nécessitent que nous favorisions un programme pluraliste et que nous investissions dans une éthique cosmopolite. Ces Prix de musique sont un investissement dans ce sens. »
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Un leader visionnaire
Sous la direction de Son Altesse l’Aga Khan, l’AKDN s’est développé et a évolué au fil des décennies. Ses agences ont remporté de nombreux prix, et leurs premiers projets en matière de développement rural servent de modèle à d’autres organisations depuis des dizaines d’années.
Plusieurs éléments caractérisent le travail de l’AKDN, notamment son approche à long terme et souvent multidimensionnelle, l’éthique durable sur laquelle reposent ses projets, et la notion de qualité.
« Son Altesse l’Aga Khan ne perdra jamais de vue l’importance de la qualité dans ce que nous faisons, et ce quel que soit le contexte », explique M. Kocher. « Lors de notre première rencontre, il a dit quelque chose qu’il a par la suite répété à de nombreuses reprises : ‘Nous faisons ce que nous pouvons, mais nous le faisons du mieux que nous le pouvons.’ »
C’est cette idéologie qui permet à l’AKDN de poser les bases du progrès pour les générations à venir et d’améliorer la qualité de vie des personnes dans le respect de l’égalité des sexes, du pluralisme et de l’environnement naturel.
Au cours des 65 dernières années, Son Altesse l’Aga Khan a reçu plus de 70 distinctions, prix et diplômes honorifiques internationaux de la part de divers gouvernements, universités et organisations de la société civile, ce qui montre que son travail, qu’il ait été effectué au travers de l’AKDN ou autrement, a été et continue d’être reconnu par une vaste communauté.
« J’ai 63 ans, et je considère avoir fait beaucoup de choses », conclut M. Kocher. « Mais chaque matin, je me lève avec enthousiasme et dynamisme à l’idée d’avoir l’immense privilège de travailler ici et d’apporter ma modeste pierre à l’édifice qu’est la vision de Son Altesse. »